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SANTÉ PUBLIQUE

Une maladie annoncée

Infection létale provoquée par le parasite d’une seule cellule, la leishmaniose viscérale se rapproche des villes brésiliennes

Publié en Septembre 2008

Menace planant sur les métropoles: des villes comme São Paulo pourraient connaître une épidémie au cours des prochaines années

EDUARDO CESARMenace planant sur les métropoles: des villes comme São Paulo pourraient connaître une épidémie au cours des prochaines annéesEDUARDO CESAR

Les grandes villes brésiliennes sont menacées par l’arrivée d’une maladie hautement létale, qui atteint chaque année près de 3 100 personnes dans le pays et provoque la mort de plus de 90 % d’entre elles en cas de traitement inadapté : la leishmaniose viscérale. Provoquée par un parasite d’une seule cellule – le protozoaire Leishmania chagasi, qui pénètre à l’intérieur des cellules de défense de l’organisme et détériore la rate, le foie et la mœlle osseuse –, la leishmaniose viscérale a longtemps été considérée comme un problème exclusivement sylvestre ou limité aux zones rurales du Brésil. Plus maintenant.

Au cours des trois dernières décennies, les autorités sanitaires ont commencé à identifier les premiers cas d’infection en milieu urbain, au départ dans le nord-est. À partir de là, et pour des raisons encore mal comprises, la leishmaniose viscérale s’est urbanisée et a envahi le pays : elle a atteint les villes du nord, du centre-ouest et du sud-est. Elle s’est déjà propagée dans 20 des 26 états brésiliens – seule la région sud semble épargnée – et frappe aux portes des grandes villes et des villes moyennes. Elle menace des métropoles comme Rio de Janeiro et São Paulo qui, à l’image des villes médiévales fortifiées, ne pourront peut-être pas contenir l’avancée de la maladie avec leurs murailles de maisons et de bâtiments.

Près de soixante-dix ans après avoir été décrit par le médecin Evandro Chagas dans la revue Science comme la cause d’une nouvelle forme de leishmaniose viscérale, différente de celle observée en Europe et en Inde, le parasite Leishmania chagasi et l’insecte qui le transmet aux êtres humains au Brésil continuent de défier les chercheurs et les autorités sanitaires publiques. Durant cette période, la population brésilienne alors majoritairement rurale jusqu’au début du siècle dernier est devenue urbaine – aujourd’hui, huit Brésiliens sur dix vivent en ville – et a migré d’une région à l’autre en quête de travail. L’apparition des villes a entraîné l’abattage de 30 % des forêts du pays, le milieu naturel du parasite de la leishmaniose présent sur des animaux comme le renard des savanes (Cerdocyon thous) et le renard chenu (Lycalopex vetulus), ainsi que de son vecteur, l’insecte Lutzomyia longipalpis.

Conséquemment, la maladie s’est propagée et le nombre de cas a augmenté. En 1985, le parasitologue de l’état du Pará Leônidas Deane (qui a intégré la commission dirigée par Chagas) a répertorié 8 959 cas de leishmaniose viscérale au Brésil depuis les premiers cas identifiés par Henrique Penna en 1932. Ce tableau s’est aggravé. Le Ministère de la Santé a enregistré 53 480 cas entre 1990 et 2007, dont 1 750 mortels. La leishmaniose viscérale est également devenue plus agressive. En 2000, elle tuait 3 personnes sur 100 porteuses de la maladie. Aujourd’hui, le nombre est passé à 7. Le médecin de santé publique Carlos Henrique Nery Costa, de l’Université Fédérale de l’état du Piauí (UFPI), met en garde : « Au cours des cinq prochaines années, il pourrait y avoir une épidémie dans la ville de São Paulo ». Professionnel chevronné, Costa étudie la transmission de la leishmaniose viscérale depuis près de 20 ans ; il a analysé en détail les causes de l’épidémie qui a marqué l’urbanisation récente de la maladie : les 1000 cas enregistrés dans la ville de Teresina entre 1981 et 1985. Une épidémie suivie d’une autre pratiquement dix ans plus tard, avec plus de 1 200 cas.

Pendant que la capitale de l’état du Piauí (Teresina) traitait ses malades et tentait de comprendre les causes du problème, des villes à plus de 100 kilomètres de là – dont São Luís (Maranhão), Santarém (Pará), Montes Claros (Minas Gerais) et Corumbá (Mato Grosso do Sul) – assistaient à l’émergence de la leishmaniose viscérale. « La maladie est apparue dans ces endroits de manière subite, sans cause définie », souligne Costa.

Dans le centre-sud du pays, le scénario a été différent. Peu après l’augmentation des cas urbains de leishmaniose viscérale à Corumbá (situé à l’ouest du Pantanal du Mato Grosso do Sul, à la frontière avec la Bolivie), la maladie a rapidement traversé l’état en direction de l’est. À la fin des années 19990, elle avait déjà atteint Campo Grande, la capitale, et Três Lagoas, qui fait frontière avec l’état de São Paulo. Elle a suivi le chemin du gazoduc Brésil-Bolivie, qui emprunte le tracé du fleuve Tietê en direction de la ville de São Paulo, et celui de la route BR-262, qui relie Corumbá à l’état d’Espírito Santo. Des données constatées par l’équipe de l’épidémiologiste Suely Antonialli de l’École de Santé Publique Jorge David Nasser de Campo Grande, dans un article en 2007 dans le Journal of Infection.

Après Três Lagoas, elle a rapidement traversé le fleuve Paraná pour se propager dans le nord-est de l’état de São Paulo en direction de la capitale. Depuis la détection de l’insecte en 1997, de la maladie sur des chiens en 1998 et du premier cas humain à Araçatuba en 1999, la leishmaniose viscérale s’est installée dans l’état et se répand silencieusement en suivant le trajet de la route Marechal Rondon (SP-300) – la principale voie d’accès entre l’état du Mato Grosso do Sul et la ville de São Paulo. Sur près de dix ans, le Centre de Surveillance Épidémiologique (CVE) de São Paulo a enregistré 1 258 cas dans 49 villes de l’état, et 112 décès.

D’après Vera Lucia Camargo-Neves, épidémiologiste et chercheuse au CVE, « dans l’état de São Paulo la maladie est en train de se déplacer de l’ouest vers l’est, et elle peut atteindre la capitale ». En analysant la dissémination de la leishmaniose viscérale, la chercheuse a constaté que chaque année le parasite avançait de 30 kilomètres vers São Paulo, transporté par un insecte d’à peine plus de 3 millimètres, aux pattes et aux ailes recouvertes de poils : le Lutzomyia longipalpis, ou phlébotome, connu au Brésil sous les noms de mosquito-palha, cangalha ou tatuquira.

Ces données montrent que tôt ou tard la maladie est susceptible d’atteindre la plus grande métropole d’Amérique du Sud, où vivent 19 millions de personnes. Le département de surveillance sanitaire a identifié il y a deux ans un enfant victime de leishmaniose viscérale à Vila Prudente, un quartier de São Paulo. Peu diffusé par le Secrétariat d’état à la Santé, le cas continue d’être analysé, car on ne sait pas encore comment il est apparu. Mais ce n’est pas le premier. Deux autres ont été détectés il y a de cela 30 ans par Lygia Iversson, alors chercheuse à la Faculté de Santé Publique de l’Université de São Paulo (USP). En mars 1979, Iversson a identifié un porteur de leishmaniose viscérale à Diadema, dans la banlieue de São Paulo. Deux années auparavant, elle avait également enregistré le cas d’un enfant de 2 ans qui n’avait jamais quitté la capitale.

Jusqu’à présent, les 3 cas n’ont pu être expliqués ; l’insecte vecteur n’a été rencontré dans aucune des 39 villes de la région métropolitaine de São Paulo, même si en 2002 des chiens contaminés par la Leishmania chagasi ont été découverts dans les villes de Cotia et Imbu. Dans les cas présents, d’autres espèces d’insectes du genre Lutzomyia, vecteurs du parasite Leishmania braziliensis, ont été capturées. Ce parasite est à l’origine de la forme la plus commune et la moins grave de la maladie : la leishmaniose cutanée, qui entraîne des lésions et des ulcères d’aspect désagréable sur la peau. Luiz Jacinto da Silva, épidémiologiste et superintendant de la Sucen lorsque furent détectés les premiers cas dans l’état et qui continue de suivre le problème de près, déclare : « On suspecte l’insecte capturé dans la banlieue de São Paulo d’être une espèce qui ne transmet la leishmaniose qu’aux chiens. […] Rien ne permet d’affirmer avec certitude que la leishmaniose viscérale atteindra la ville de São Paulo ».

Même si elle n’atteint pas la capitale, la dissémination de la maladie dans des grandes villes et des villes moyennes comme Bauru (état de São Paulo) et Belo Horizonte (Minas Gerais) inquiète les autorités sanitaires. Plus le nombre de personnes vivant dans la région où se trouve le parasite et son vecteur est élevé, plus le risque d’attraper la maladie est grand. Et les trois principales mesures de contrôle adoptées il y a un demi-siècle – insecticides, élimination des chiens malades ou suspectés d’être infectés et traitement des cas humains – n’ont jusqu’à présent pas permis d’empêcher l’expansion de la maladie. D’après Costa, « la leishmaniose viscérale tue près de 200 personnes par an, plus que la dengue et la malaria réunies, et elle est plus difficile à contrôler que ce que l’on pensait ».

On soupçonne les migrations internes – en particulier du nord-est vers le sud-est – d’avoir favorisé la dissémination de la leishmaniose viscérale dans le pays. Néanmoins, d’autres facteurs peuvent avoir collaboré au processus. Vivant au Brésil depuis 43 ans, le parasitologue anglais Jeffrey Jon Shaw étudie le cycle de vie des protozoaires du genre Leishmania et de ses vecteurs. Il pense que l’insecte vecteur de la leishmaniose viscérale s’est très bien adapté aux villes : « Nous sommes en train de créer des environnements propices à la prolifération du vecteur, comme l’humidité et les aliments en grande quantité ». Shaw est professeur retraité de l’USP et actuellement chercheur de la Fondation Tropicale de Recherche et de Technologie André Tosello, de Campinas.

Il n’est pas encore possible d’identifier un modèle de dissémination pour toutes les zones du pays. On ne sait pas si les populations d’insectes qui se trouvent aujourd’hui à la périphérie de plusieurs villes existaient déjà avant où si elles ont migré vers des régions où la végétation est mieux préservée. Shaw croit aux deux possibilités : « À Belo Horizonte, il est quasiment certain qu’il y a eu une invasion de moustiques à la périphérie, mais dans d’autres états il est possible que les populations qui vivaient dans les forêts bordant les fleuves se soient propagées », observe le chercheur qui étudie la dynamique des populations de Lutzomyia à São Paulo, Mato Grosso do Sul et Pernambuco.

Costa, de l’UFPI, pense différemment. Pour lui, la dissémination de l’insecte vecteur de la maladie est associée à l’utilisation d’arbres exotiques tels que les acacias, aux petites feuilles et aux fleurs jaunes, dans les projets d’urbanisation des villes. Ses soupçons ne sont pas sans fondement. À l’époque de la première épidémie dans les années 1980, la ville de Teresina avait planté de nombreux acacias. Au même moment, le Soudan connaissait une épidémie dévastatrice qui allait causer la mort de 100 000 personnes. Or, les familles atteintes vivaient principalement sous des bosquets d’acacias, une source possible de nectar pour les insectes. D’autres indices montrent que le nectar de certaines plantes favorise la prolifération des parasites dans l’intestin des insectes.

A cõte du danger: le nombre élevé de chiens augmente le risque de transmission

MIGUEL BOYAYANA cõte du danger: le nombre élevé de chiens augmente le risque de transmission MIGUEL BOYAYAN

Il faut encore prouver scientifiquement qu’il s’agit effectivement de cela au Brésil. Mais il est certain que la réduction des zones de végétation naturelle a amené les insectes à s’adapter aux parcs et aux jardins des maisons, fréquents en province. À la différence du moustique de la dengue (Aedes aegypti) qui a besoin d’eau pour se reproduire, la femelle du Lutzomyia longipalpis pond sur des surfaces humides comme les pierres et les feuilles en contact avec le sol. Après l’éclosion des œufs, les larves se nourrissent de matière organique rencontrée sur le sol pour ensuite se transformer en insectes adultes. Dès que les ailes et le reste du corps sont formés, les adultes se nourrissent du nectar des plantes et se posent, toujours avec les ailes en mouvement, sur des zones humides et ombragées. Les femelles partent en fin de journée en quête du sang nécessaire pour y déposer leurs œufs. Elles effectuent des vols courts, sautillants et piquent les parties découvertes du corps.

La piqûre est douloureuse. Quand elle pique, la femelle pratique une petite incision sur la peau pour y injecter de la salive et des substances qui augmentent le calibre des vaisseaux sanguins et empêchent la coagulation du sang. Pendant qu’elle se nourrit, elle régurgite les formes du parasite qui ne se reproduisent que dans son appareil digestif. Une découverte récente montre qu’une fois dans le sang le parasite profite du mécanisme d’action du système de défense et se cache avant d’envahir d’autres cellules et de se reproduire.

L’équipe de David Sacks, des Instituts Nationaux sur la Santé des États-Unis, a placé des femelles de l’insecte Phlebotomus duboscqi – vectrices de la Leishmania major, capable d’infecter des animaux de laboratoire – sur l’oreille de souris pour qu’elles se nourrissent. Avec un microscope permettant de montrer des images des tissus d’animaux vivants, ils ont accompagné le combat contre les parasites. Dès que le système immunologique des rongeurs identifie l’invasion, les neutrophiles ou cellules de défense se déplacent vers la région de la piqûre. En un peu plus d’une demi-heure, les neutrophiles ont déjà englobé la plus grande partie des parasites et essaient de les détruire avec un bain d’enzymes digestives. Comme ils ne vivent que quelques heures, les neutrophiles sont ensuite digérés par d’autres cellules de défense : les macrophages, qui sont en quelque sorte une équipe de nettoyage.

Les chercheurs ont remarqué qu’après la mort des neutrophiles les parasites vivants se rapprochaient des macrophages, les cellules dans lesquelles ils s’installent et se reproduisent. Dans un article publié le 15 août dans Science, l’équipe de Sacks a nommé cette stratégie « cheval de Troie », en référence à la tactique utilisée par les Grecs et racontée par Homère pour franchir les murailles de Troie. Tout indique que cette manœuvre permet au Leishmania chagasi de pénétrer dans les macrophages de l’être humain et d’autres mammifères pour abîmer le foie, la rate et la mœlle osseuse, affaiblissant le système de défense et provoquant les symptômes typiques de la leishmaniose viscérale : fièvre intermittente qui dure plusieurs semaines, gonflement de la rate et du foie, perte d’appétit et affaiblissement. Selon Costa, « les médecins doivent être attentifs à ces symptômes dans tout le pays. […] Si le patient présente une fièvre prolongée sans raison apparente, une pâleur et une augmentation de la rate, il faut demander un examen de la mœlle osseuse pour éliminer la suspicion de leishmaniose ».

Du point de vue de la santé publique, on tente de contrôler la population du phlébotome en appliquant l’insecticide deltaméthrine sur les foyers de leishmaniose. Mais même cette mesure, aujourd’hui à la charge des municipalités, n’est pas toujours efficace. L’insecticide a une durée d’action de trois mois et il doit être appliqué sur les maisons mur après mur. Néanmoins, les insectes ne meurent pas toujours. Parfois ils tombent simplement par terre pour se relever un peu plus tard et reprendre leur vol. D’après Vera Camargo, « on ne sait pas encore comment appliquer l’insecticide de manière à ce qu’il atteigne un plus grand nombre d’insectes ».

L’arrivée du phlébotome dans les villes s’est accompagnée d’un facteur aggravant. En plus de l’ombre et de la terre fraîche des jardins, l’insecte a rencontré une formidable source de sang que les personnes aiment avoir auprès d’elles : le chien. Ce dernier attrape facilement la maladie et devient aussi malade que ses propriétaires.

Pour contrôler l’avancée de la leishmaniose, le Ministère de la Santé préconise l’élimination des chiens infectés. Polémique, cette mesure utilisée isolément n’est pas pour autant suffisante. Dans plusieurs états, la population de chiens est élevée – à São Paulo, on compte un chien pour 4 habitants, alors que l’Organisation Mondiale de la Santé estime que le nombre idéal est de un pour dix – et le taux d’infection atteint 20 % des animaux dans certaines municipalités. D’autre part, les propriétaires des chiens ont du mal à faire sacrifier leur fidèle compagnon. Maria Cecília Luvizotto, vétérinaire de l’Université de l’état de São Paulo (Unesp) à Araçatuba, a identifié le premier chien infecté en 1998 : « Les personnes ne donnent leur chien que quand elles découvrent que quelqu’un du voisinage est mort de leishmaniose viscérale ».

Des études menées dans différentes villes indiquent que près de la moitié des chiens identifiés comme étant porteurs de la leishmaniose sont éliminés. Des vétérinaires et des groupes de défense des animaux critiquent la stratégie car ils estiment que les tests diagnostiques ne sont pas toujours fiables. Pour la parasitologue Célia Gontijo de la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) à Belo Horizonte, « le test ne permet pas de distinguer la leishmaniose viscérale de la leishmaniose cutanée, ni de savoir si le chien a été vacciné contre la maladie. […] Le test peut aussi suggérer que l’animal est atteint de leishmaniose alors qu’en réalité il souffre de maladies curables, comme la babesia canis.

Pour tenter de réduire les erreurs, Olindo Martins Filho et Renata Andrada (membres de la Fiocruz de l’état du Minas Gerais) ont développé un test qui permet de différencier le résultat positif provoqué par l’infection de celui causé par le vaccin – un travail décrit en 2007 dans la revue Veterinary Imunology and Immunopathology. Actuellement, ils essaient de l’utiliser pour distinguer la forme viscérale de la cutanée. Célia Gontijo a elle-même obtenu des résultats plus précis que ceux des tests traditionnels en utilisant la technique de réaction en chaîne par polymérase (PCR), qui identifie l’ADN du parasite. D’autres groupes testent l’emploi de colliers de chiens avec de la deltaméthrine, qui éloignerait les insectes pendant plusieurs mois. Le collier coûte environ 20 euros et doit être changé de temps en temps. Richard Reithinger, de la Fiocruz de Minas Gerais, a comparé en 2004 l’utilisation du collier et l’euthanasie. Il a démontré que l’utilisation du collier était une alternative viable si les personnes l’utilisaient correctement.

À l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), l’équipe de Clarisa Palatnik de Souza a développé un vaccin sur la base d’antigènes du parasite, qui n’est utilisé que dans les cliniques privées. Le vaccin a reçu l’agrément du Ministère de l’Agriculture en 2003, mais le Ministère de la Santé – responsable du contrôle de la leishmaniose – n’a pas encore autorisé son utilisation comme mesure de protection préventive en masse. La principale critique à l’encontre du vaccin est qu’il n’aurait été testé que sur de petits groupes d’animaux. Mais la décision des autorités sanitaires est désormais susceptible de changer depuis la publication de tests plus récents dans le numéro d’août de Vaccine. Clarisa Palatnik de Souza a suivi pendant deux ans deux groupes de chiens (550 vaccinés et 588 non vaccinés) à Andradina, une ville de la province de l’état de São Paulo où la leishmaniose viscérale est endémique. Le vaccin a protégé les animaux dans 99 % des cas.

Certains spécialistes voient dans le vaccin préventif une issue pour protéger les chiens, vu que le Ministère de la Santé a interdit en juillet dernier l’utilisation de médicaments humains pour traiter la leishmaniose canine. Néanmoins, il faut rester prudent. Bien qu’ils aillent cliniquement mieux, les chiens ne sont pas guéris et peuvent continuer à transmettre le parasite aux insectes qui les piquent. D’autre part, le risque est que le traitement favorise la sélection de souches du Leishmania chagasi résistantes aux médicaments humains – antimoine pentavalent, amphotéricine B et pentamidine.

Après des décennies sans nouveaux composants pour traiter les êtres humains, une étude publiée en juin dans Plos Neglected Tropical Diseases montre une avancée importante. À l’Université de São Paulo (USP), les parasitologues Silvia Uliana et Danilo Miguel ont prouvé que le tamoxifène, utilisé dans le traitement et la prévention du cancer du sein, est efficace dans la lutte contre l’infection par Leishmania amazonensis sur des souris. Désormais ils prévoient de répéter les tests contre la Leishmania chagasi sur des hamsters, avant d’évaluer les effets sur un petit nombre de patients. L’avantage du tamoxifène sur les médicaments nouveaux est que son mécanisme d’action est déjà connu et que son innocuité a déjà été prouvée. « Malgré tout », affirme Silvia Uliana, « il faut compter encore trois années d’études ».

Parmi les composants testés contre la leishmaniose, au moins l’un d’eux a été entièrement développé au Brésil par le réseau de recherches Farmabrasilis : le P-MAPA, sigle de l’anhydride polymérique phospholinoléate de magnésium et ammonium protéique. Les tests menés au Brésil et aux États-Unis ont montré son efficacité contre la bactérie Listeria monocytoges, dont le mécanisme de survie dans l’organisme est similaire à celui des protozoaires du genre Leishmania.

Articles scientifiques
1. CHAGAS, E. Visceral leishmaniasis in Brazil. Science. v. 84 (2183), pp. 397-398. 30 août. 1936.
2. PETERS, N.C. et al. In vivo imaging reveals an essential role for neutrophils in leishmaniasis transmited by sand flies. Science. v. 321. pp. 970-974. 15 août. 2008.

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