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INGÉNIERIE ÉLECTRONIQUE

Innovation constante

Des urnes électroniques équipées d’un système d’identification numérique devraient être utilisées pour les élections municipales de 2008

Publié en décembre 2006

BRAZLors du second tour des élections présidentielles de cette année, précisément deux heures et demie après la fin du vote, les électeurs ont été officiellement informés par le Tribunal Supérieur Électoral (TSE) que le candidat Luiz Inácio Lula da Silva venait d’être réélu. La rapidité du dépouillement de quasi 102 millions d’électeurs se doit aux urnes électroniques qui, après 10 ans d’utilisation, font désormais partie de la culture électorale brésilienne.“Même dans les villages indigènes qui ne possèdent pas de téléphone ou de télévision, les électeurs savent voter avec une urne électronique”, déclare Giuseppe Janino, Secrétaire à la Technologie de l’Information du TSE.Une autre innovation devrait voir le jour après ce scrutin afin d’améliorer les prochaines élections. Il s’agit d’urnes équipées d’un dispositif de lecture biométrique capable d’identifier automatiquement l’électeur grâce à son empreinte digitale.

Les lecteurs biométriques ont déjà été installés sur 25.538 urnes achetées pour les élections de 2006 et envoyées dans les états du Mato Grosso do Sul, Rondônia et Santa Catarina. Durant ces élections, elles ont été utilisées comme des urnes électroniques traditionnelles. Il est possible que pour les élections de 2008, les électeurs de ces trois états, au lieu de signer la liste de présence, apposent leur doigt sur un lecteur d’empreintes. Cependant, il faut préalablement enregistrer les empreintes digitales des électeurs sur les ordinateurs du TSE et réaliser les ajustements nécessaires sur le logiciel de la banque de données.“ La technologie d’identification numérique offre davantage de sécurité pour identifier l’électeur”, déclare Janino.

Les tendances actuelles indiquent que toutes les urnes seront prochainement équipées de lecteurs biométriques. Cette innovation sera introduite par étapes, comme ce fut le cas pour les urnes électroniques en 1996, quand débuta le processus informatisé qui ne concernait que les communes de plus de 200 mille électeurs. Durant la deuxième phase, en 1998, ce fut au tour des villes de plus de 40.500 électeurs d’adhérer à cette nouveauté, pour atteindre l’ensemble de l’électorat en 2000.

Connaissance transférée
Le succès du scrutin brésilien a favorisé différents accords de collaboration avec certains pays, principalement d’Amérique Latine et Centrale. “Le Brésil a déjà signé des accords en matière de transfert de connaissance et de technologie avec l’Argentine, l’Équateur, le Costa Rica, la République Dominicaine et le Mexique”, déclare Janino.Durant les élections municipales du Paraguay, en novembre de cette année, la technologie utilisée était entièrement brésilienne. Le TSE leur a cédé 17.000 urnes inutilisées, tout en apportant son soutien au développement du logiciel, permettant ainsi que 3 millions d’électeurs paraguayens puissent choisir leurs nouveaux maires au moyen d’urnes électroniques. Le pays voisin avait déjà utilisé la technologie brésilienne en réalisant un scrutin 50% informatisé durant les élections présidentielles de 2003.

Mais il n’y a pas que les pays voisins qui soient intéressés par le processus électoral brésilien. Le tribunal électoral a déjà reçu la visite de représentants d’environ 30 pays qui sont venus connaître la technologie mise au point au Brésil, comme l’Allemagne, le Japon, l’Italie, la France, la Corée du Sud et les États-Unis.

Le processus d’informatisation électoral a commencé au Brésil en 1983, quand la justice électorale a organisé l’infrastructure informatique qui a relié tous les Tribunaux Régionaux Électoraux (TRE) et les bureaux d’enregistrement électoral. Ce système a été utilisé pour le réenregistrement électronique de l’électorat brésilien en 1986, pour la comptabilisation des résultats de l’élection présidentielle de 1989, pour le référendum national sur le type de régime à adopter en 1993 et pour l’élection générale de 1994. Le premier appel d’offre public visant à l’acquisition d’urnes électroniques a eu lieu à la fin de l’année 1995. Trois entreprises y ont participé, et le vainqueur fut l’entreprise Unisys qui a fourni au TSE les 77 mille premières urnes électroniques fabriquées au Brésil.

Un système électronique de vote est un ensemble de hardware et de logiciel composé de deux modules: le terminal de l’électeur, ou urne électronique, qui inclut toute la capacité de saisie et de stockage de l’information et le micro-terminal utilisé par le personnel électoral. La jonction entre les deux modules se fait au moyen d’un câble relié directement aux cartes internes. L’urne électronique, qui pèse moins de 8 kilos, est équipée d’un clavier numérique et d’un petit moniteur à cristaux liquides. Sa forme est identique à celle d’un micro-ordinateur, mais le projet utilise un hardware bien différent qui inclut des senseurs de mesure pour la batterie interne, pour l’imprimante et un microcontrôleur utilisé pour contrôler à la fois les senseurs et le clavier du terminal de l’électeur.

Le produit inclut une série de mesures garantissant la sécurité du processus, comme des mots de passe, des informations cryptographiées et des méthodes de sécurité utilisées dans l’automation bancaire qui réduisent drastiquement les possibilités de fraudes électroniques. En 2002, une équipe de spécialistes de l’Université Publique de Campinas (Unicamp) a réalisé une analyse de fiabilité des urnes électroniques du TSE. La conclusion de cette évaluation préconisait certaines recommandations visant à améliorer la sécurité, mais elle n’a indiqué aucun point qui puisse remettre en cause la fiabilité du système.

Appel d’offre public
Six appels d’offres publics ont été réalisés depuis 1995 pour la fourniture d’urnes électroniques, deux ont été remportés par Unisys et quatre par Procomp.“Nous avons en gros un modèle d’urne pour chaque élection”, déclare Janino. En effet, les urnes sont constamment actualisées et perfectionnées. Pour le modèle 2000, par exemple, les urnes ont reçu un dispositif audio afin que les non-voyants puissent, à l’aide d’écouteurs, entendre la confirmation des chiffres saisis sur le clavier qui est également en braille. Leur autonomie est de plus de 12 heures sans énergie externe. La Justice Électorale brésilienne compte actuellement plus de cent ordinateurs grands systèmes installés au TSE et dans 27 TRE, ainsi qu’environ 18 mille micro-ordinateurs dans 3 009 zones électorales et 407.089 urnes électroniques.

La réélection par vote électronique du président Lula, au mois d’octobre, s’est déroulée sans aucun problème, contrastant avec les différents incidents relevés aux États-Unis une semaine après leurs élections. En effet, au début du mois de novembre, lors du vote pour le renouvellement des charges législatives et le choix de 36 gouverneurs, des électeurs de l’Indiana, de l’Ohio et certains de Floride ont dû voter avec des bulletins au lieu d’utiliser l’urne électronique.

Des spécialistes ont indiqué qu’il s’agissait là d’un manque d’expérience de la population car un électeur sur trois utilisait l’urne pour la première fois. En outre, le personnel électoral de certains comtés n’était pas préparé pour utiliser ces équipements.Aux États-Unis, chaque comté est responsable de l’élection sous sa juridiction, alors qu’au Brésil elle est centralisée et unifiée sur tout le territoire national.

Il s’agit de deux réalités bien distinctes. Le Brésil possède une structure organisationnelle de la Justice Électorale, le TSE étant l’autorité suprême possédant des attributions bien définies. Une évaluation du processus, basée sur les notifications de problèmes rencontrés, est réalisée dès la fin des élections. La planification des futures élections est aussitôt entreprise. “Nous travaillons dans un processus d’amélioration continue, non seulement en matière d’équipements mais aussi de procédures ”, nous explique Janino.“Le grand succès de notre processus informatisé, qui est aujourd’hui une référence mondiale, ne repose pas uniquement sur l’outil urne électronique, mais sur un processus bien élaboré et unifié visant à garantir la fiabilité et la transparence du processus”, déclare-til. Il est intéressant de noter qu’en 1930 le premier Code Électoral Brésilien prévoyait déjà l’utilisation d’une machine pour voter afin d’éviter les vices électoraux et garantir des élections sans fraudes. Cette volonté a mis du temps à se concrétiser, dans l’attente d’une avancée technologique qui aurait lieu quelques décennies plus tard.

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