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OPTIQUE

La révolution des DEL

Des chercheurs de São Carlos développent des équipements dotés de diodes émettrices de lumière

Publié en septembre 2007

Le retrofit remplace les ampoules des feux tricolores traditionnels et réduit les coûts d’entretien

EDUARDO CESARLe retrofit remplace les ampoules des feux tricolores traditionnels et réduit les coûts d’entretienEDUARDO CESAR

De nouveaux feux de signalisation au design innovateur, plus légers, plus compacts et qui possèdent comme source lumineuse des diodes émettrices de lumière – lesdites DEL, ou LED en anglais – à la place des traditionnelles ampoules incandescentes, ont été conçus par des chercheurs du Centre de Recherche en Optique et Photonique de São Carlos (CePOF) de l’Université de São Paulo (USP). Le nouvel équipement est plat, d’une épaisseur inférieure à 2 centimètres et facile à installer. Parmi ses autres avantages, la faible consommation d’énergie, soit 15 % de moins que les appareils traditionnels. D’autre part, il continue à fonctionner en cas de coupure d’électricité dans la région où il se trouve, grâce au jeu de batteries compactes qui lui confère une autonomie d’une heure et demie.

Pour Vanderlei Salvador Bagnato, coordinateur du CePOF et professeur de l’Institut de Physique de l’USP à São Carlos, “c’est une technologie moins chère que la technologie conventionnelle, économique en termes de consommation énergétique et d’entretien peu coûteux. […] Nous avons déjà enregistré un brevet de l’équipement complet et, d’après ce que nous savons, aucun autre groupe au Brésil ou à l’étranger ne fabrique des feux comme le nôtre”. Le feu utilise quatre émettrices DEL et sa configuration tire profit de toute la réfraction de la lumière.

Baptisé blackout en raison de sa capacité à fonctionner lors de pannes de courant, l’appareil utilise quatre diodes électroluminescentes de haute luminosité dans chaque réflecteur (vert, orange, rouge). Une lentille en plastique au design optique spécial distribue la lumière et émet l’effet lumineux souhaité. D’après Bagnato, l’un des plus grands avantages de cette nouvelle technologie est la sécurité qu’elle apportera au système de circulation des villes: “Elle réduira de beaucoup la probabilité d’accidents et les problèmes de circulation provoqués par les petites pannes de courant, en particulier dans les grandes villes comme São Paulo où le trafic est intense”. Le produit est en voie d’être achevé et le groupe de l’USP a déjà établi des contacts avec des entreprises qui opèrent dans le secteur de la signalisation routière pour négocier le transfert de la technologie.

Le feu blackout ne représente qu’une des applications de l’équipe dirigée par Bagnato qui travaille sur la technologie des DEL. Composé de 70 chercheurs fixes et de 50 collaborateurs ou associés, le groupe étudie et développe depuis quelques années une série d’autres équipements qui emploient cette source lumineuse découverte dans les années 1960 (Voir encadré page 73). Bagnato souligne que “le processus de production de lumière des DEL est beaucoup plus efficace que celui des ampoules communes, et jusqu’à 80 % de l’énergie électrique employée est convertie en énergie lumineuse. Cela représente une inversion dans l’efficacité de production de lumière, parce que le taux de conversion des ampoules incandescentes n’est que de 20 %. […] Les DEL ont cessé depuis longtemps d’être de simples petits voyants lumineux sur les chaînes Hi-Fi, normalement rouges ou verts, et sur d’autres équipements électroniques pour devenir une source effective d’illumination”.

Substitution avantageuse
Le CePOF de São Carlos – l’un des 11 Centres de Recherche, Innovation et Diffusion (Cepid) financés par la FAPESP – a développé une autre application dans le secteur de la signalisation routière: le système retrofit, qui utilise six ou sept DEL et a été créé pour ne remplacer que les ampoules incandescentes utilisées dans les feux de signalisation traditionnels. À la différence du feu blackout, sur lequel les DEL sont intégrées aux lentilles de réflexion, le retrofit ressemble à une ampoule ordinaire et est composé d’une douille à vis, qui permet de remplacer facilement les ampoules traditionnelles. La technologie a été transférée à l’entreprise Meng Engenharia de São Paulo où le produit est en vente depuis novembre 2005. “Nous avons déjà commercialisé près de 15 000 ampoules, qui ont été installées sur les feux de signalisation de São Paulo et de Guarulhos”, déclare Alberto Monteiro, patron de Meng. L’entreprise est spécialisée dans la fabrication de dispositifs pour le secteur de la signalisation routière, urbaine et industrielle.

De l’avis de Monteiro, “l’utilisation de l’ampoule à base de DEL apporte une série d’avantages, parce qu’elle est plus économique, plus sûre et plus efficace, tout en offrant une meilleure illumination. Sans compter que la durée de vie du retrofit est grande, ce qui réduit les coûts d’entretien des feux de près de 80 % et la fréquence de remplacement des ampoules. Sur les appareils conventionnels, les changements ont lieu en moyenne quatre fois par an pour permettre au vert et au rouge d’être plus lumineux, et deux fois pour l’orange. Leur coût varie entre 4 et 8 réaux, soit près de 60 réaux par an en plus des dépenses d’entretien et de remplacement. Avec le retrofit, une inspection annuelle est suffisante, parce qu’il dure entre trois à cinq ans”. Chaque retrofit coûte environ 500 réaux, ce qui donnerait un total de 1 500 réaux qui, divisés par quatre ans (comme moyenne), donnerait 375 réaux par an. “Avec la réduction des contrôles du feu et du coût d’entretien, l’installation des DEL devient rentable au bout d’un an et demi environ”, ajoute Monteiro.

L’efficacité lumineuse et la longue durabilité – plus de 50 000 heures, soit 50 fois plus que les ampoules traditionnelles – sont deux éléments importants qui différencient les DEL des autres. Mais elles présentent aussi un autre avantage comparatif: le faible impact de leur processus productif sur l’environnement. Les ampoules fluorescentes, que l’on présente toujours comme une alternative plus économique que les ampoules incandescentes, utilisent en fait du mercure dans leur composition – une substance hautement toxique. “Ces facteurs ont conduit à une augmentation énorme des recherches au cours des cinq dernières années, et plusieurs entreprises proposent de plus en plus de DEL de haute luminosité et des produits qui se basent sur ces dernières et aux combinaisons les plus variées”, observe le physicien Henrique de Carvalho, membre de l’équipe du CePOF.

DEL auxiliaires pour l’éclairage de blocs opératoires

EDUARDO CESARDEL auxiliaires pour l’éclairage de blocs opératoiresEDUARDO CESAR

L’éclairage résidentiel et urbain est l’un des domaines qui bénéficie fortement du développement de la technologie DEL. Des lampadaires fonctionnant avec des diodes émettrices de lumières et projetés par le CePOF sont déjà testés dans des rues de São Paulo. Sur la place centrale de la ville de New York, Times Square, le gigantesque écran du Nasdaq Marketsite Tower en est un exemple; il utilise 18,6 millions de DEL pour décorer la façade du bâtiment et indiquer la cotation des actions négociées à la bourse de technologie nord-américaine. En ce qui concerne les habitations, les chercheurs de l’USP de São Carlos pensent qu’il est possible de remplacer tout l’éclairage par des DEL, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Tout cela sans perte d’intensité, en améliorant la qualité et en réduisant la consommation énergétique.

Les lumières d’urgence
qui s’activent en cas de manque d’énergie – sont également une application prometteuse pour les DEL. En partenariat avec le CePOF, l’entreprise Direct Light de São Carlos a développé deux modèles de lumières auxiliaires d’urgence avec la technologie DEL. Direct Light a été fondée il y a tout juste un an par d’anciens chercheurs du centre. Pour l’ingénieur électrique Alexandre Oliveira, l’un des sept associés, “le premier lot, de 25 unités, a été acheté par le CePOF lui-même pour être installé dans ses laboratoires. Le deuxième, de cent ampoules, sera mis en vente en septembre”.

L’ampoule n’utilise qu’une DEL de 3 watts de puissance et son autonomie est d’une heure avec 70 % d’intensité lumineuse. “En plus d’être plus compactes, nos ampoules utilisent une batterie rechargeable nickel-métal hydrure, qui dure au moins deux fois plus que les batteries plomb-acide employées dans les éclairages d’urgence rencontrés sur le marché”, ajoute Oliveira. Le produit coûte environ 90 réaux, un prix équivalent à celui d’une lumière d’urgence de qualité des concurrents. Le prix est encore élevé mais la tendance est à la baisse, du fait d’une plus grande production.

Cabinet du dentiste
La technologie DEL a aussi été utilisée pour le développement de plusieurs produits du domaine médico-odontologique, à l’exemple des lampes buccales pour les cabinets dentaires – un secteur d’activité également visé par le CePOF. Selon Bagnato, le dispositif – créé par son équipe en collaboration avec l’entreprise Gnatus de São Carlos, qui fabrique des équipements médico-odontologiques – permet aux dentistes de distinguer les couleurs des dents et des gencives avec plus de clarté et de définition. De fait, les lampes halogènes normalement utilisées sur les réflecteurs odontologiques ont une tonalité plus jaunâtre, ce qui rend la visualisation moins précise.

Responsable du secteur ingénierie de Gnatus, l’ingénieur mécanique Carlos Banhos met en avant d’autres particularités de cet appareil qui sera en vente au Brésil à partir de septembre: “Comme la lumière émise par la DEL est froide, elle n’émet pas de chaleur et évite au patient un inconfort. De plus, le nouveau réflecteur permettra de réduire de 90 % la consommation d’énergie par rapport aux dispositifs traditionnels”. Gnatus mise beaucoup sur l’équipement, qui sera présenté au cours du deuxième semestre de cette année dans divers congrès odontologiques internationaux, notamment au Mexique, aux États-Unis, en Italie et en Russie. “Nous espérons vendre le produit, baptisé Refletor Gnatus LED, à des clients étrangers”, poursuit Banhos. L’appareil est environ 10 à 20 % plus cher que les dispositifs conventionnels qui utilisent des lampes halogènes.

Le PDT LED est un autre équipement né dans les laboratoires du CePOF et qui a déjà intégré le marché. Il s’agit d’un appareil qui utilise la technologie des diodes émettrices de lumière pour la technique de thérapie photodynamique – ou PDT, en anglais – chez les patients atteints de cancers de la peau, de récurrence du cancer du sein et d’autres lésions superficielles (Voir Pesquisa FAPESP nº 74).

Fabriqué par MM Optics, une autre entreprise (spin-off) créée à partir du CePOF, le PDT LED constitue une alternative face aux dispositifs qui utilisent le laser pour le même type de traitement. D’après l’ingénieur mécanique Fernando Ribeiro, l’un des associés de l’entreprise, “il est quatre fois moins cher. Alors qu’un appareil à laser coûte près de 40 000 dollars, le nôtre revient à 20 000 réaux”. Depuis sa mise en vente au cours du premier semestre de l’an dernier, MM Optics en a déjà vendu 20 pour la thérapie photodynamique.

L’équipement comporte 21 DEL d’une puissance totale de 3 watts de longueur d’onde de 630 nanomètres. La lumière émise réagit aux médicaments sensibilisateurs appliqués au patient et qui sont concentrés sur les cellules tumorales. Ribeiro explique que “de par sa solidité, l’appareil nécessite peu d’entretien, ce qui le différencie d’autres produits. Sans compter que la DEL, en émettant une lumière moins concentrée, réussit à traiter une plus grande surface de peau du patient, alors que la portée du laser est plus ponctuelle. […] Au Brésil, c’est le premier et le seul dispositif avec une technologie DEL destiné à la thérapie photodynamique”.

Des DEL qui changent de couleur illuminent la table qui sert à étudier des microorganismes

EDUARDO CESARDes DEL qui changent de couleur illuminent la table qui sert à étudier des microorganismesEDUARDO CESAR

Le succès de l’équipement a amené Ribeiro et son équipe à en développer une nouvelle version. Il s’agit d’un kit constitué de trois dispositifs pour soigner la peau des patients atteints de cancer de la peau, de psoriasis – une maladie qui provoque une desquamation de la peau –, de virus du papillome humain (VPH) génital ou anal – des verrues visibles ou microscopiques – et de cancer de la bouche. Ce projet est mené en collaboration avec la Faculté de Médecine de l’USP de Ribeirão Preto, l’Institut du Cœur (InCor) de São Paulo, l’Hôpital Amaral Carvalho de Jaú et le laboratoire pharmaceutique ESM-Sigma-Pharma d’Hortolândia, entre autres.

“La nouveauté du projet est d’offrir un kit qui traite plusieurs infirmités en même temps. Nous sommes à deux pas du design final et commercialisable des dispositifs”, affirme Bagnato. Les chercheurs du CePOF sont tellement enthousiastes par rapport au kit qu’ils ont déjà fait la demande d’un financement auprès de la Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES) pour conclure le projet de création de cent centres de traitement sur l’ensemble du territoire brésilien. D’après Bagnato, trois entreprises – dont MM Optics et Direct Light – étudient déjà la possibilité de produire le kit.

Microscope en couleur
Les chercheurs du CePOF ont créé deux nouveaux appareils à base de DEL pour le domaine scientifique. L’un d’eux est une table éclairée pour les études de photobiologie, appelée biotable. Son fonctionnement est simple: le scientifique pose des microorganismes sur une plaque de plastique transparente sur la table et vérifie leur réaction par rapport à l’application de lumières de différentes couleurs installées dans la table. Encore au stade de prototype, l’appareil est testé par plusieurs institutions d’enseignement, à savoir les facultés d’odontologie de l’Université d’État de São Paulo (Unesp), les campus d’Araraquara, de l’USP de Ribeirão Preto et de Bauru, le département de biochimie de l’USP de São Carlos.

L’autre appareil est un microscope optique éclairé par des DEL. Le coordinateur du CePOF souligne que “c’est une technologie particulière, qui utilise trois DEL: bleue, rouge et verte. Quand il combine l’intensité de la lumière, le chercheur réussit à mettre en évidence certaines structures morphologiques du microorganisme étudié. Cela serait impossible à faire avec un microscope optique traditionnel”. Connue sous le nom de microscopie par contraste chromatique, cette technologie est encore en phase d’expérimentation et un brevet a déjà été déposé.

Selon Bagnato, “tous les développements faits par notre groupe révèlent l’énorme potentiel d’application des diodes émettrices de lumière. Sur la quarantaine de brevets déposés par le CePOF, une quinzaine ont été transformés en produits finals et la moitié concerne des dispositifs à base de DEL. […] Après l’invention de la lampe électrique et du laser, nous pensons que la DEL représente la troisième révolution dans le domaine de l’optique”.

Une histoire lumineuse
La première diode électroluminescente, ou DEL, a été créée par le scientifique nord-américain Nick Holonyak Jr. en 1962 au sein du laboratoire de la General Electric de Syracuse, dans l’État de New York. Toutefois, l’intérêt pour l’utilisation de ces nouveaux dispositifs dans les éclairages n’est apparu que dans les années 1990, avec le développement de la première DEL de haute luminosité par un groupe de chercheurs de Hewlett Packard, également aux États-Unis. Henrique de Carvalho, physicien du CePOF de São Carlos signale que “peu de temps après, des chercheurs de l’entreprise japonaise Nichia obtinrent la première DEL bleue de haute luminosité qui ouvrit la voie aux DEL blanches. […] Aujourd’hui, les DEL balaient tout le spectre électromagnétique, de l’ultraviolet à l’infrarouge”.

La DEL est une émettrice de lumière dont le principe diffère de celui des ampoules incandescentes ou fluorescentes. D’après Carvalho, “il s’agit d’un dispositif semi-conducteur qui, avec le passage de courant électrique, émet de la lumière visible au moyen d’un processus connu comme électroluminescence, avec près de 80 % de la puissance appliquée, conformément à la longueur d’onde de l’émetteur”. L’une des particularités de la DEL est, contrairement aux ampoules ordinaires, qu’elle peut produire de la lumière qui change de couleur, d’intensité et de distribution. En plus des DEL, des chercheurs d’instituts de recherche et d’entreprises sont en train d’améliorer les diodes émettrices de lumière à base de substances organiques, en remplaçant notamment les semi-conducteurs inorganiques en silicium et gallium par des polymères composés de molécules de carbone. Baptisées diodes électroluminescentes organiques (OLED), elles peuvent être produites avec des matériaux malléables et transparents. Elles sont déjà utilisées dans les téléphones portables et les appareils MP3, et les premiers prototypes d’écrans de télévision sont en phase de tests.

LE PROJET Programme d’Innovation Technologique du Centre de Recherche en Optique et Photonique de São Carlos (CePOF) MODALITÉ Centres de Recherche, Innovation et Diffusion (Cepid) COORDONNATEUR Vanderlei Salvador Bagnato – USP INVESTISSEMENT 200 000 réaux/an (FAPESP)

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