Imprimir PDF Republish

CHMIE

Blancheur reluisante

Un partenariat entre une université et une entreprise permet la création d’un nouveau pigment pour l’industrie des peintures

Publié en novembre 2005

Il n’est pas exagéré de prédire que d’ici quelques années un nouveau pigment, fruit d’un partenariat entre l’Institut de Chimie (IQ) de l’Université Publique de Campinas (Unicamp) et l’entreprise Bunge, entrera dans la composition de peintures à travers le monde. Ce pigment blanc appelé Biphor et produit à partir de nanoparticules de phosphate d’aluminium va entrer en concurrence avec la matière première actuelle, le dioxyde de titane. Selon le professeur Fernando Galembeck, l’un des créateurs du produit et coordinnateur du projet à l’IQ, ce produit possède de nombreux avantages comme son plus faible prix, de 10 à 15% moins cher que le dioxyde, sa plus grande durabilité, une plus grande facilité d’application et un processus de production qui n’agresse pas l’environnement et qui ne produit pas de déchets.

Le pigment de phosphate d’aluminium, annoncé sur le marché mondial en septembre, est destiné aux peintures à base d’eau, appelées peintures latex et destinées à la finition des murs. L’entreprise multinationale Bunge, d’origine hollandaise et installée depuis plus de cent ans au Brésil dans la ville de Cajati, qui se situe dans la région du Vale do Ribeira, à 230 kilomètres de São Paulo, opère actuellement dans l’industrialisation d’aliments, la production de fertilisants, et possède une ligne de production d’une capacité de mille tonnes par an. Les prévisions pour 2007, non confirmées par l’entreprise, sont que de plus grandes unités devraient produire environ 50 milles tonnes par an. C’est encore une petite quantité si on la compare aux 2 millions de tonnes de dioxyde de titane produites dans le monde chaque année, ce qui représente un marché de 5 milliards de dollars US. Le remplacement de ce produit exige de lourds investissements et semble encore éloigné.“Cela va peut être se produire, mais le dioxyde entre dans la composition des peintures depuis le début du XXe siècle, son utilisation est donc toujours bien ancrée dans les mentalités.”Bien que l’entreprise n’ait pas divulgué le montant de ses investissements dans ce produit, nous savons qu’ils prévoient de commercialiser le Biphor à l’étranger. Une entreprise de marketing nord-américaine a été contactée pour divulguer le produit dans divers pays en commençant par l’Amérique Latine.

L’innovation de ce nouveau pigment est qu’il possède une meilleure capacité de diffusion de la lumière reflétée par la peinture. “Ce pigment se compose de particules creuses nanostructurées de phosphate d’aluminium remplies d’air et capables de répandre la lumière dans toutes les directions”, déclare Galembeck.On pourrait comparer ce produit à la mousse de la bière qui est blanche, bien que le liquide soit jaune, car elle est remplie de bulles d’air qui renvoient la lumière des couleurs qui l’entourent. C’est la propriété recherchée pour couvrir les surfaces sur lesquelles ces peintures seront appliquées, c’est-à-dire la capacité de renvoyer la lumière à l’environnement. Il s’agit du même principe pour le phosphate d’aluminium qui a également été testé avec des couleurs. Dans la peinture liquide, les particules creuses sont tout d’abord remplies d’eau mais, après application, elles sèchent et se remplissent d’air, gagnant ainsi la capacité de refléter et de répandre la lumière. Cette même fonction est actuellement exercée par les particules de dioxyde de titane dispersées dans la résine qui entre dans la composition de la peinture, substance blanche qui possède un grand indice de réfraction.“Notre idée de base a été d’introduire des particules creuses remplies d’air et mesurant une centaine de nanomètres, en utilisant le phosphate d’aluminium”, déclare Galembeck. Avec la mise au point de ce nouveau pigment, les chercheurs ont également découvert que dans les résines, le phosphate ne catalyse pas l’oxydation provoquée par l’oxygène contenu dans l’atmosphère, offrant ainsi à la peinture une plus grande durabilité.

Étude initiale
Le Biphor est l’exemple réussi d’un projet de recherche de base bien mené au sein d’une université pour déboucher ensuite sur un produit qui sera commer- cialisé. “Tout a commencé en 1988 avec le démarrage de trois dissertations et de thèses en maîtrise et doctorat, quand nous avons commencé à élaborer le pigment de base en laboratoire. Jusqu’en 1994, nos études nous ont permis de déposer trois brevets et de publier quelques articles”, rappelle Galembeck. C’est ainsi qu’à cette époque cette nouveauté a permis à l’IQ de l’Unicamp de recevoir trois prix, deux de l’Association Brésilienne des Fabricants de Peintures et un autre de l’International Association of Colloid and Interface Scientists (Iacis), organisme regroupant des chercheurs qui étudient, par exemple, les systèmes entrant dans la composition des colles et des gels. L’entreprise Serrana filiale du groupe Bunge et producteur de fertilisants phosphatés, de phosphates pour la nutrition animale et d’acide phosphorique, a commencé à s’intéresser aux pigments de phosphate d’aluminium en 1995. Cet intérêt s’est concrétisé par un contrat et par l’achat exclusif des brevets pour un montant d’environ 600 milles réaux au bénéfice de la Fondation de Développement de l’Unicamp (Funcamp) de 1996 à 2005.“Cet argent a été utilisé à l’amélioration des laboratoires et au fonctionnement du laboratoire de microscopie électronique”, déclare Galembeck. La mise au point de ce pigment a reçu le soutien d’un projet du programme Partenariat pour l’Innovation Technologique (Pite) de la FAPESP de 1997 à 1998.

L’entreprise Bunge a commencé à élaborer une étude de marché et à évaluer les performances du produit à partir de 1998. Mais à cette époque, la vente de deux de ses entreprises qui opéraient dans le secteur chimique, l’entreprise Tintas Coral et Quimbrasil, retarda la prise de décision pour la fabrication d’un nouveau produit. Le projet fut repris en 2003, et un nouveau brevet fut déposé en 2004, pourvu de nouvelles innovations incorporées à la suite d’études. La décision de lancer mondialement un nouveau produit fut prise en 2005, et le brevet de 2004 fut étendu à de nombreux pays, couvrant les innovations, le processus et les applications. Les négociations concernant le renouvellement du contrat initial (de 1995) furent menées par l’Agence d’Innovation de l’Unicamp (Inova), qui reçoit un bénéfice de 1,5% sur le chiffre d’affaire net du produit pour une durée de 15 ans, temps de validité des brevets internationaux. Ces bénéfices seront partagés à parts égales entre l’Unicamp, l’Institut de Chimie et le groupe de chercheurs qui a mis au point ce nouveau pigment.

La longue journée de Galembeck, suivie par Pesquisa FAPESP des numéros 16 (encore sous Notícias FAPESP), 58 et 97, est devenue une référence en termes de relation entre université et entreprise et dans la protection des découvertes par le biais de brevets.“Quand nous menons des recherches en universités publiques, nous devons préserver l’intérêt public”, déclare Galembeck, qui a déposé son premier brevet en 1978. “Il est possible de faire de la science, de publier des travaux scientifiques et en même temps de préserver le patrimoine public. Il est donc essentiel que les pouvoirs publics protègent la propriété de la connaissance produite grâce aux fonds publics, et prennent les mesures nécessaires afin que l’utilisation de cette connaissance soit rémunérée par les entreprises autorisées qui transforment cette connaissance en richesse.”

LE PROJET Nouveaux pigments inorganiques et hybrides à base de phosphates MODALITÉ Partenariat pour l’Innovation Technologique (PITE) COORDINATEUR FERNANDO GALEMBECK — Unicamp INVESTISSEMENT 25.915,30 réaux et 107.132,70 dollars (FAPESP) 67.340,00 réaux (Serrana)

Republier