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MALADIES TROPICALES

Parasite
 Prêt à l’attaque

Des vésicules avec des protéines aident le parasite 
Trypanosoma cruzi à envahir des cellules hôtes

Publié en Octobre 2012

À la recherche de nouveaux espaces: Un parasite Trypanosoma cruzi (couleur vin), avec des vésicules (en jaune) sur le corps, près d’une cellule hôte

RENATO MORTARA/UNIFESPÀ la recherche de nouveaux espaces: Un parasite Trypanosoma cruzi (couleur vin), avec des vésicules (en jaune) sur le corps, près d’une cellule hôteRENATO MORTARA/UNIFESP

Les chercheurs de São Paulo ont identifié un possible mécanisme qui aiderait le protozoaire responsable de la maladie de Chagas à envahir les cellules hôtes selon l’analyse des informations qu’eux mêmes et d’autres groupes avaient produites ces 40 dernières années. Aussitôt qu’il s’installe dans une seule cellule, le Trypanosoma cruzi se différencie, se divise intensément, au point de rompre la cellule et libère ensuite des vésicules avec des protéines et des lipides (graisses) qui facilitent l’installation des parasites dans d’autres cellules.

«Il semblerait qu’il s’agisse d’un phénomène général», déclare Walter Colli, professeur de l’Institut de Chimie de l’Université São Paulo (USP) et superviseur de cette étude réalisée par Ana Cláudia Torrecilhas, de l’Université Fédérale de São Paulo (Unifesp), à Diadema, en collaboration avec Robert Schumacher et Maria Júlia Manso Alves, de l’USP. «D’autres groupes de parasites et de cellules tumorales libèrent également des vésicules qui fonctionnent de manière identique et qui facilitent l’infection des cellules hôtes».

Les spécialistes dans ce domaine, au Brésil et dans d’autres pays, sont enthousiasmés par la possibilité d’utiliser ces informations pour développer de nouvelles manières de lutter ou pour diagnostiquer des maladies tropicales largement répandues dans le monde. C’est le cas de la maladie de Chagas qui touche environ 10 millions de personnes en Amérique du Sud et qui est en train de devenir un problème de santé publique aux États-Unis.

Dans l’éditorial publié au mois de mai de cette année de la revue PLoS Neglected Diseases, des chercheurs étatsuniens et mexicains ont lancé une alerte sur l’avancée de la maladie de Chagas aux États-Unis, principalement chez les immigrants dans les états frontaliers avec le Mexique, où l’on estime que le nombre de personnes infectées s‘élève à un million. Dans ce travail la maladie de Chagas a été baptisée comme «le nouveau Sida des Amériques», bien que l’un soit causé par un protozoaire transmis par un insecte et l’autre par un virus, principalement par contact sexuel. Les deux peuvent se transmettre par transfusion sanguine, sont plus fréquents chez les personnes plus pauvres, et exigent des traitements prolongés. En outre, la maladie de Chagas s’est révélée être une infection opportuniste importante chez les personnes vivant avec le VIH/Sida et, comme dans les deux premières décennies de l’épidémie de Sida, la plupart des personnes atteintes par la maladie de Chagas n’ont pas accès aux services médicaux de santé.

Le professeur Peter Hotez, de l’École de Médecine Baylor et Directeur de l’Institut des Vaccins Sabin, les deux à Houston, aux États-Unis, et premier auteur de l’éditorial du PLoS, a signé au mois d’août un article dans le New York Times soutenant la thèse que les maladies tropicales comme la maladie de Chagas, la dengue, la leishmaniose et la cysticercose étaient les «nouveaux fléaux de la pauvreté». Selon lui, 20 millions de personnes aux États-Unis vivent dans un état de pauvreté extrême. «Sans nouvelles interventions, ces maladies vont persister, fixant les personnes dans la pauvreté pour des décennies» déclare-t-il.

Différentes tailles
La production scientifique sur les vésicules est abondante (environ 3 500 articles sur ces structures ont été publiés ces cinq dernières années), mais il y a également de nombreux doutes. Le premier d’entre eux est de savoir comment nous devons baptiser ces compartiments remplis des protéines ? Dans un article publié au mois de février de cette année dans la revue Proteomics and Bioinformatics, deux chercheurs de l’Université de Trobe en Australie, ont remarqué que les microvésicules extracellulaires recevaient des noms différents en fonction de leur dimension, origine et composition. Un des types de vésicule l’exosome, avec un diamètre de 30 à 100 nanomètres, s’est révélé important car il possède de nombreuses fonctions comme celle de transférer le virus VIH vers les cellules cibles. Il possède un site exclusif qui lui est dédié, www.exocarta.org, avec pratiquement 150 études et 4 563 protéines identifiées jusqu’au début du mois de septembre. Il y a également d’autres types de vésicules pour le moment moins importants, comme l’ectosome, la grande vésicule de la membrane, et la bulle apoptotique qui peut mesurer 5 mille nanomètres et qui est libérée par des cellules agonisantes.

Les vésicules de Trypanosoma cruzi sont plus petites, avec 20 à 80 nanomètres de diamètre, et n’ont pas tout d’abord attiré beaucoup l’attention. À la fin des années 80, Marinei Gonçalves, Maria Júlia Manso Alves, Bianca Zingales et d’autres chercheurs de l’équipe de Colli ont, en identifiant les vésicules, pensé comme d’autres qu’il s’agissait seulement de matériel écarté, bien qu’ils aient déjà remarqué que des variétés plus virulentes de Trypanosoma cruzi libéraient davantage de vésicules que les moins virulentes.

Les années suivantes, d’autres études et des équipements plus sensibles ont montré que les protéines et les lipides des vésicules pourraient faciliter l’infection des cellules hôtes par le parasite. Ana Claudia Torrecilhas, dans son doctorat et post-doctorat supervisé directement par Maria Júlia, a constaté que les protéines des vésicules augmentaient la quantité et l’action des parasites dans les tissus et induisaient une réponse inflammatoire de l’hôte. Dans une étude réalisée sur des souris, elle a constaté que les vésicules facilitaient l’entrée du parasite dans les cellules du cœur et précédaient la mort des animaux.

Dans une étude qui sera publiée au mois d’octobre dans la revue Microbes and Infection, les chercheurs de l’USP et de l’Unifesp relatent que presque la moitié du contenu des vésicules est composée de glycoprotéines (protéines associées aux sucres). L’une d’elles est la trans-sialidase, enzyme spécifique de ce parasite, également découverte dans le laboratoire de Colli, et d’autres codifiées dans une superfamille de gènes (avec environ 700 gènes actifs et 700 pseudogènes) appelée gp85.

Ces molécules peuvent activer des protéines (ou récepteurs) de la membrane externe des cellules de défense comme les macrophages, les cellules dendritiques et lymphocytes. À leur tour, les récepteurs stimulent la production d’oxyde nitrique et de molécules, comme l’interféron-gamma, le facteur de nécrose tumorale et l’interleukine-12. Ces molécules augmentent la réponse inflammatoire des cellules hôtes, attirant plus de cellules qui détruisent les parasites, mais qui endommagent également les cellules de l’organisme, facilitant l’invasion des parasites qui ont survécu à la bataille ou qui sont arrivés ensuite. Après l’invasion de Trypanosoma cruzi dans une cellule, les parasites ne manqueront pas. Selon Colli, un seul Trypanosoma cruzi se divise rapidement et en quelques heures peut se multiplier par 500 qui font exploser la cellule hôte, les libérant dans le milieu extracellulaire et le courant sanguin, ce qui leur permet d’atteindre d’autres cellules.

Photo: microscopi e Robert I Schumacher/ USP/ Illustration: Alexandre AffonsoAutre parasites
«Les vésicules de Trypanosoma cruzi peuvent se fondre avec les macrophages en 15 minutes», déclare Ana Claudia. D’autres chercheurs ont observé que deux autres groupes de protozoaires libèrent également des vésicules avec un fonctionnement identique pour un contenu probablement distinct. Le premier groupe concerne les protozoaires du genre Leishmania, responsable de la leishmaniose, qui s’est répandue dans 98 pays, avec 2 millions de nouveaux cas par an. Le deuxième concerne Trypanosoma brucei, avec des sous-espèces (T. b. gambiense e T. b. rhodesiense) responsable de la maladie du sommeil, qui touche environ 70 mille personnes en Afrique Subsaharienne. Deux autres parasites, Plasmodium falciparum, responsable du paludisme et d’environ 1 million de morts par an en Afrique, et Toxoplasma gondii, responsable de la toxoplasmose, agissent d’une autre manière. Ils envahissent les cellules hôtes et celles-ci vont ensuite produire des vésicules avec les protéines des microorganismes envahisseurs qui sont libérées et alertent d’autres cellules de défense.

Les chercheurs prétendent rapidement savoir quelles sont les protéines des vésicules de Trypanosoma cruzi et d’autre protozoaires qui activent les réponses inflammatoires des cellules hôtes et de quelle manière la réponse de l’organisme est modifiée de manière à bénéficier les parasites. Cependant, il est déjà démontré clairement que les vésicules fonctionnent comme un type de signalisation ou de communication à distance entre les parasites et les cellules hôtes.

Différentes structures cellulaires ont été reconnues ces dernières années comme étant capable de détruire et également de bénéficier d’autres cellules. D’autres études ont montré que les cellules peuvent produire des structures appelées nanotubes à effet tunnel d’un diamètre de 50 à 200 nanomètres et d’une extension équivalente au diamètre de plusieurs cellules. Un lymphocyte peut se lier à un autre à travers ces tubes et envoyer des nutriments ou des composants cellulaires qui, dans le cas des cellules de défense, aident à prolonger (et généralement à vaincre) le combat contre les parasites et les cellules tumorales.

Projets
1. Interaction entre Trypanosoma cruzi et hôte: liants, récepteur et contraintes du développement intracellulaire – nº 04/03303-5; Modalités Projet thématique; Coordonnatrice Maria Júlia Manso Alves – IQ-USP; Investissement 1.248.031,59;
2. Vésicules libérées par Trypanosoma cruzi: rôles de ses composants dans l’infection – nº 04/08487-7.; Modalités Bourse de Post-doctorat; Coordonnatrice Ana Claudia Torrecilhas – IQ-USP; Investissement 204 190,40 reais (FAPESP).

Articles scientifiques
GONÇALVES, M.F. et al. Trypanosoma cruzi: Shedding of surface antigens as membranevesicles. Experimental Parasitology. v. 72, n. 1, p. 43-53. 1999.
TORRECILHAS A.C. et al. Vesicles as carriers of virulence factors in parasitic protozoan diseases. Microbes and Infection (in press). 2012.
TORRECILHAS A.C. et al. Trypanosoma cruzi: parasite shed vesicles increase heart parasitism and generate an intense inflammatory response. Microbes and Infection. v. 11, p. 29-39. 2009.
SIMPSON, R. J. et MATHIVANAN, S. Extracellular microvesicles: the need for internationally recognised nomenclature and stringent purification Criteria. Proteomics& Bioinformatics. v. 5, n. 2, p. ii. 2012.
HOTEZ P.J. et al. Chagas Disease: the new HIV/AIDS of the Americas. PLoS Neglected Tropical Diseasis. v. 6, n. 5, p. e1498. 2012.

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