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ARTS PLASTIQUES

Les subtilités du bon voisinage latino-américain

Les archives révèlent les intérêts cachés du gouvernement américain en attirant les artistes brésiliens à New York

Publié en Février 2013

Marcello Nitsche, Alliance pour le Progrès, 1965

L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USPMarcello Nitsche, Alliance pour le Progrès, 1965L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USP

En 1958, le vice-président Nixon a rendu visite à plusieurs pays d’Amérique latine, dont le Brésil. Reçu sous les huées et les protestations des étudiants en colère, il a été encerclé par la foule, reçu des pierres et presque mis à mort au Venezuela. L’administration Eisenhower a dû en conclure que l’image américaine dans la région n’était pas bonne. Jusqu’alors centré sur la lutte contre le communisme en Europe, le gouvernement américain a finalement tourné son regard vers le Sud; et cette posture s’est intensifiée après la révolution cubaine. Les mesures économiques visant à renverser cette situation sont bien connues. Par contre, les initiatives culturelles, plus subtiles, pendant la Guerre Froide sont beaucoup moins connues au Brésil. «Les arts ont fait partie de la stratégie destinée à construire une image positive que le gouvernement nord-américain a utilisé pour s’attirer les sympathies. La Biennale de São Paulo, par exemple, était un espace privilégié dans le déroulement de cette » politique de séduction« qui, entre autres choses, proposait des voyages d’études aux artistes et aux intellectuels», dit Dária Jaremtchuk, professeur d’Histoire de l’Art à l’École des Arts, des Sciences et des Lettres (EACH), de l’Université de São Paulo (USP), auteur de la recherche Transits et politique: les artistes brésiliens à New York pendant la dictature civile et militaire au Brésil.

Bien que le gouvernement américain ne se centre pas particulièrement sur les artistes mais sur les intellectuels en général, des personnalités en vue comme Amilcar de Castro (1966 et 1971), Rubens Gerchman (1967), Hélio Oiticica (1970), Antonio Henrique Amaral (1973), Anna Maria Maiolino ( 1971) et Antonio Dias (1972), entre autres, ont séjourné à New York dès les années 1960, subventionnés par des fondations telles que Guggenheim et Fulbright et l’Organisation des États Américains (OEA). «Ce va-et-vient d’artistes des arts visuels et une quelconque implication dans des activités politiques sont encore mal élucidés en profondeur, et considérés comme de simples éléments biographique épars d’un phénomène plus ample et lié à des facteurs historiques communs», explique la chercheuse. «Même les manifestations contre la dictature militaire ont été peu citées dans la littérature, de même que le rapprochement de ces Brésiliens et de la communauté latino-américaine déjà en place à New York», dit-elle.

Pour en savoir plus et comme point de départ, Dária s’est rendue aux États-Unis pour faire la cartographie des expériences de ces Brésiliens. Or, les découvertes faites dans les archives américaines ont élargi le spectre de sa recherche. «Il ya beaucoup de documents qui contiennent des indications claires sur les actions du gouvernement américain pour attirer les artistes et les intellectuels brésiliens. À ce niveau, cette influence ne semble être qu’une conséquence d’un moment politique répressif qui aurait conduit certains groupes à »s’exiler« à New York», dit-elle. «Mais, Washington a agi sans tenir particulièrement compte du régime militaire. Les États-Unis étaient intéressés à recevoir ces Brésiliens, sans s´intéresser particulièrement au gouvernement en place chez eux. Le plus important était de donner une bonne image d’eux en Amérique latine », dit-elle. « Bien sûr, il y a les fameux éléments » conspirateurs « impérialistes, mais dans le domaine des arts tout est plus subtil. Tout part de l’idéal des strates de la bourgeoisie américaine qui se prenaient pour des » civilisateurs » en collaborant avec le gouvernement pour le «bien» des latino-américains», déclare Dária.

Antonio Henrique Amaral, Brasiliana 9, 1969

L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USPAntonio Henrique Amaral, Brasiliana 9, 1969L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USP

Or, les institutions refusent encore de reconnaître que des bourses ont été attribuées sur des critères autres que le «mérite». «Il est surprenant qu’entre 1920 et 1950 seulement six artistes aient reçu de l’aide. Mais, ce chiffre s’élève à 20 entre 1950 et 1970. Outre cela, des documents d’archives du gouvernement américain prouvent la participation des Fondations à cette politique», dit-Dária. Contrairement à toute attente, la dictature s’est chargée de faciliter ce va-et-vient. «Tout devient plus visible avec la création de l’Institut Culturel Américano-brésilien (Baci), un organe d´échange rattaché au Ministère des Affaires Étrangères mais conçu par la diplomatie américaine qui pourrait n´être qu´une hypothèse s’il n´était pas soutenu et renforcé par la présence de membres du Congrès américain à son conseil d’administration», note la chercheuse. Créé en 1964 et fermé en 2007, il s’est vidé au milieu des années 1970, avec le changement de cap de Washington, dorénavant désireux de gagner «les cœurs et les esprits» en Asie en raison de la guerre du Vietnam.

Si Paris a joué un rôle crucial dans l’expérience de la modernité, New York aurait un rôle à tenir auprès des artistes contemporains demandeurs des bourses; et ceci malgré les convictions idéologiques et politiques plutôt anti-américaines. «Les États-Unis sont devenus une alternative prometteuse pour les artistes brésiliens qui s’exilaient volontairement ou non, dans les années 1960 et 1970, malgré les contradictions inhérentes à un tel choix», dit Dária. Or, les artistes eux-mêmes n’aimaient pas être étiquetés comme des «exilés» puisqu’ils pouvaient toujours retourner au Brésil où, d’ailleurs, ils étaient reconnus comme tel et y vivaient de leur travail; ce qui, à de rares exceptions près (et notamment pour Antonio Henrique Amaral) n’était pas le cas à New York.

«Il était difficile à leurs collègues latino-américains de comprendre pourquoi les Brésiliens sont retournés au pays sous la dictature. En fait, ils ne se sentaient pas »cooptés« par le gouvernement américain et se situaient dans une perspective individuelle et non pas dans un collectif visé par une politique.»

Aux États-Unis, ils ont connu les difficultés d’une nouvelle ville, avec peu d’argent et sans être reconnu professionnellement par le milieu américain; ce qui a provoqué une coupure ou une interruption de leur travail. Pour le public américain, l’art latino-américain devait être figuratif, colorée et exotique. Il n’était pas intéressé par les créations conceptuelles «internationales» qui ne portaient aucune empreinte régionale, comme cela avait été le cas avec les muralistes mexicains et les peintures de Frida Kahlo. «En outre, influencé par la position du gouvernement américain, le public n’a pas vu l’art brésilien d’une manière particulière, en le plaçant dans un bloc étiqueté art latino-américain», explique la chercheuse. Ce fut, cependant, dans cet environnement là que les Brésiliens ont fait l´expérience d´une perspective moins nationaliste en côtoyant régulièrement un groupe hétérogène et cosmopolite, où l’expérimentation et l’exploitation de moyens technologiques comme la vidéo, la photo et la photocopie, étaient à l’ordre du jour», explique l’enseignante.

«Les Brésiliens se sont joints aux latino-américains dans leur lutte contre le stéréotype massifiant de l’art exotique. Jusqu´à aujourd´hui, rares sont les artistes conceptuels du Brésil qui ont du succès aux États-Unis », note Dária. Les mots de Darcy Ribeiro se sont révélés justes: il a fallu l’exil pour que le Brésil découvre l’Amérique latine. Antonio Henrique Amaral, par exemple, a eu plus de succès que ses collègues parce que, entre autres facteurs, la banane était le thème de ses tableaux. Pour les Américains, il s´agissait d´un clin d´œil au Brésil de l’époque du «bon voisinage» de Roosevelt, de la Deuxième Guerre Mondiale et des vives critiques contre la dictature. «En transit, les Brésiliens ont réalisé qu’ils avaient des pairs et que leurs sentiments étaient aussi partagés par toute l’Amérique hispanique jusqu’alors méprisée. Ce n´est pas une identité commune qui s´est alors constituée mais juste un partage», dit la professeur.

Antonio Dias, Prisonnier de fumée 1964

L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USPAntonio Dias, Prisonnier de fumée 1964L’ensemble des images qui illustrent cet article a été aimablement fourni par le MAC -USP

Le séjour américain a également soulevé de nouvelles discussions sur l’essence de l’art, sur l’utilisation de différents matériaux et de supports autres que les traditionnels. «Amilcar de Castro, par exemple, n’avait pas la matière première pour ses sculptures et s’est mis à utiliser d’autres techniques. Gerchman a également repensé son art à partir de ce qu’il a observé aux États-Unis», explique la chercheuse. Venant d’un pays où le marché de l’art était timide, avec quelques rares galeries et peu d’expositions, son passage à New York, selon les mots de l’artiste, l’a fait se sentir «comme un enfant dans un parc d´attractions». «Exposés à l’intense réalité d’un marché cosmopolite, les Brésiliens ont commencé à comprendre le fonctionnement du monde moderne de l’art et ont transmis cette expérience à la génération qui leur a succédé, en laissant leurs marques encore visibles.»

Pour des raisons économiques, les artistes vivaient dans la partie la moins «noble» de la métropole, entre Tribeca et West End, où leurs appartements furent transformés en ateliers et en point de rencontre. «Ces réunions occasionnelles ont fait naître une communauté d’artistes latino-américains et un réseau de cellules sociales sur New York; ce qui leur a permis d’aménager leur quotidien tout en préservant leurs différences vis-à-vis du monde anglo-saxon dans lequel ils vivaient. Comme beaucoup d’artistes non-hispaniques fréquentaient ces espaces, ils ont eu la possibilité de devenir plus visibles au sein des milieux plus traditionnels», explique l’historienne américaine Jacqueline Barnitz, de l’Université du Texas, auteur de l’étude Twentieth-century art of Latin America (2000). Mais, d´une manière générale, les artistes «en transit» ont choisi de construire une arène d’expositions et de galeries parallèle à ce marché officiel.

«À New York, il n’y avait qu’un espace d’exposition ouvert à l’Amérique latine qui fonctionnait comme antenne des intérêts commerciaux explicites de notre continent: c´était le Centre des Relations Interaméricaines (Ciar), dans l’élégante Park Avenue, dont le siège est parrainé par le groupe Rockefeller. Sous le régime militaire inflexible du Brésil, cet espace a été vu par nous avec de grandes réserves. Aujourd’hui, les jeunes qui y exposent n’ont aucune idée du climat qui existait dans ces lieux pendant les années 1970», explique Amaral Aracy, critique d’art et professeur retraité d’Histoire de l’Art à l’École d’Architecture et d’Urbanisme de l’USP (FAU-USP). La chercheuse, cependant, ne croit pas à une quelconque relation entre les bourses et une politique particulière émanant du gouvernement américain. «Les bourses du Guggenheim étaient très convoitées et considérées comme une confirmation par les artistes, les chercheurs et les scientifiques, car leur octroi était indépendant de critères politiques et récompensait le mérite. Peu importait votre filiation politique; vous obteniez le prix si votre projet et votre bagage personnel étaient approuvés par une commission particulièrement exigeante», rappelle-t-elle.

D´après elle, même dans les années 60, Paris était toujours la destination préférée des Brésiliens où, en dépit de toutes tendances personnelles, il était possible de participer à des expositions collectives du continent latino-américain. «Ils étaient comme une grande famille, surtout à cause des dictatures qui dominaient les pays du Cône Sud. Leur intérêt envers les États-Unis a commencé en 1969 comme un nouvel engouement, lorsque Kynaston McShine, du Museum of Modern Art (MoMA) de New York, s´est rendu au Brésil et a invité Cildo Meirelles, Hélio Oiticica, Guilherme Vaz et Artur Barrio à l’exposition Information de 1970, considérée comme la première exposition collective d’art conceptuel dans un musée américain», nous confie Aracy.

La visite de McShine a eu lieu la même année que le boycott contre la Xème Biennale de São Paulo, organisé par les artistes en réponse à une série de censures contre le milieu artistique brésilien. L’appel à la non-participation a eu une telle magnitude que les États-Unis n´ont pu y être présents; ce qui s’est soldé par une situation de gêne politique et diplomatique. Malgré tout, la Biennale de São Paulo, comme la Biennale de Venise, était considérée par les décideurs américains comme une «vitrine politique» de poids dans le scénario de la Guerre Froide. Jusqun 1961, les participations américaines à ces événements étaient placées sous la responsabilité du MoMA; or, dès 1962, l’Agence d’Information des États-Unis (Usia) a été chargée des expositions. De ce fait, le boycott de la Biennale a contrarié les diplomates américains. «Il nous faut donner davantage d’importance à la présence américaine à la prochaine Biennale. Notre incapacité à produire une grande exposition d’art en 1969 est un sujet de conversation récurant et souvent une source d’embarras», a écrit un fonctionnaire du Country Public Affairs Office dans une note officielle retrouvée par Dária.

Plus de 80% des artistes invités n’a pas comparu, à l´instar de Carlos Vergara, Gerchman, Burle Marx, Sergio Camargo et Oiticica. Les exposants des États-Unis, du Mexique, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Argentine et de la France se sont ralliés à la protestation. Ciccillo Matarazzo, Président de la Biennale, s’est rendu à Brasilia pour demander la collaboration du gouvernement militaire et éviter le fiasco de la prochaine édition, tout en demandant une rallonge budgétaire. L’effort a été bien accueilli et le régime s’est montré sensible à la «dégradation de l’image du pays» à l’étranger suite aux allégations de torture révélées par des exilés. Il était nécessaire de montrer un autre profil du Brésil au monde. Des expositions d’artistes nationaux ont été organisées dans divers pays pour montrer que la liberté d’expression existait dans les arts. À partir de 1970, le Ministère des Affaires Étrangères a commencé à organiser systématiquement des expositions, et à faire un relevé des artistes exerçant dans le pays ainsi qu’à l’étranger. «Finalement, il a été dressé une » liste noire« de qui pourrait ou ne pourrait pas recevoir l’aide du gouvernement, comme l’a dit l’ambassadeur Rubens Ricupero, responsable de la division Diffusion Culturelle du Ministère des Affaires Étrangères de 1971 à 1974», dit Dária. «Il a fini par travailler en étroite collaboration avec le Service Spécial de Relations Publiques (Aerp) parce que le gouvernement voulait réduire l’impact des récits des exilés».

La diplomatie brésilienne a ensuite été appelée à aider à ramener, dès 1971, les pays absents de la Biennale de 1969. «La présence des États-Unis était cruciale et leur absence ne pourrait en aucun cas être interprétée comme un désaveu politique; comme ce fut le cas des Pays-Bas qui se sont déclarés contre la dictature», explique la chercheuse. Grâce au Baci et au personnel du Ministère des Affaires Étrangères, la chancellerie brésilienne est devenue un agent important dans la définition des expositions qui seraient montrées à l´étranger. L’augmentation des investissements du Ministère des Affaires Étrangères dans ce secteur, immédiatement après le boycott de la Biennale, dit Dária, est symptomatique et rappellerait presque la «politique de séduction» des États-Unis. Néanmoins et malgré tout cela, les artistes américains ne sont pas venus à la XIème Biennale. Les journaux brésiliens ont mis en doute la déclaration américaine disant que cette absence était due au «maigres ressources» allouées par Washington.

«Le boycott international a été ressenti plus durement que l’annulation d’une exposition. Ce fut un coup dur porté contre l’influence de la Biennale en tant que catalyseur des derniers développements dans le domaine des arts visuels de l’Amérique latine», note l’historienne Claudia Carliman, du John Jay College de New York, auteur de Brazilian art under dictatorship (Duke University Press, 2012). L’historienne rappelle que le boycott n’a pris fin qu’en 1979, lorsque le gouvernement brésilien a accordé l’amnistie aux prisonniers politiques. «Ainsi donc, les artistes visuels, qui n´avaient jamais été perçus comme une menace par le régime, ni subi aucun contrôle strict à l´instar de ceux exercés sur le théâtre, la musique et la littérature, ont contribué à dénoncer les abus de la dictature à l’étranger. Ils étaient, en outre, bien décidés à repenser le rôle du public, à questionner le marché de l’art et à défier le pouvoir et la légitimité des institutions artistiques», explique la chercheuse brésilienne.

Ce débat se pose, de façon intéressante, en tant que conséquence inattendue de la «politique de séduction» américaine. «L’intérêt croissant des soi-disant centres hégémoniques envers les arts produits dans des pays culturellement distants a finalement permis d’élargir le débat conceptuel aux »thèmes marginaux« et a suscité une relation tendue et conflictuelle par sa lecture »externe«, affirme Maria Morethy Couto, professeur d’Histoire de l’Art à l’Université Publique de Campinas (Unicamp), qui a travaillé ce sujet dans Le traumatisme de la modernité: l’art et la critique d’art en Amérique du Sud (1950-1970). Selon Dária, tout porte à renforcer l’idée d’un «transit» et non plus d’exils. «L’art brésilien de cette période passe en quelque sorte du Brésil vers les États-Unis. La Biennale du boycott fera naître la Contre-Biennale, une publication qui devient un manifeste politique animé par des groupes d’artistes latino-américains à New York, et qui sera aussi une occasion pour la communauté de développer des projets conjoints», explique la chercheuse.

«Le Museo Latinoamericano sera le fruit de ce même contexte. Il est la réponse des artistes aux politiques conservatrices du Center for Inter-américan Relations, dont le Conseil était constitué de personnalités telles que Dean Rusk et Lincoln Gordon, proches ou impliquées dans les coups d’état militaires de plusieurs pays du Cône Sud. L´intention était de créer un musée constitué de plusieurs ateliers. Le public recevrait un plan avec des adresses et aurait la possibilité de connaître directement la production, sans avoir à passer par le système traditionnel», explique la professeur. C’est de New York et du Museo Latinoamericano, qu’est parti le projet d’élargissement du boycott de 1969 et des accusations de torture des dictatures. Gerchman, par exemple, a soutenu le mouvement du Museo en même temps qu´il prenait ses distances vis-à-vis des dessins et des peintures retraçant les scènes urbaines et cariocas qui le rattachaient à la Figuration Libre. L’abandon des pinceaux et l’utilisation des mots au cours de cette période ne se justifient pas par l’environnement conceptuel américain, mais plutôt par les problèmes de Rio. «De fait, les propositions plastiques poétiques et visuelles seront posées de tout autre forme dans la nouvelle atmosphère new-yorkaise», dit Dária. Les pièces s’emboîtent parfaitement lorsque l’on envisage les artistes en transit.

Mais l’intérêt américain a faibli progressivement, et, avec lui, ont diminuées les chances d’insertion des Brésiliens aux États-Unis. «Les institutions possédant des œuvres de latino-américains, comme le MoMA par exemple, n’ont pas pris la peine de monter des expositions permanentes de ces pièces. Le manque de représentation des artistes latino-américains dans les musées américains n’a pas incité les galeries à les promouvoir. Le public, à son tour, n’était pas intéressé par les œuvres d’étrangers auxquelles les institutions les plus respectées n’avaient consacré aucun espace; ce qui semblait indiquer qu’elles n´étaient pas dignes d’attention», explique la chercheuse. Au Brésil, le Baci ressentait toujours plus le manque de fonds disponibles. Finalement, en 2007, il a été désactivé et Lula a déclaré que les États-Unis n´étaient plus une priorité dans sa politique étrangère.

«Aussitôt que l’Amérique latine a perdu de l´importance dans la politique du gouvernement américain – avec moins d’activités officielles dans le domaine des arts au cours des dernières décennies -, la responsabilité du rapprochement a été laissée au marché de l’art», dit Dária. La promotion est aujourd’hui à la charge des galeries et des foires; ce n’est plus que par ce biais que les musées s’intéressent un minimum à la diversité de la production des pays d’Amérique latine.

Projet
Transits et exils: les artistes brésiliens aux États-Unis pendant la dictature militaire du Brésil – No. 2011/08888-5; Type Bourse de recherche à l’étranger; Coordinatrice Dária Gorete Jaremtchuk – US P; Investissement 29 105 04 reais (FAPES P), 242 235,41 reais (FAPESP) et 1 376 000,00 reais (Suzano).

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