Imprimir PDF Republish

SYLVICULTURE

Plus de cellulose 
par centimètre carré

Un eucalyptus transgénique produit 20 % de plus 
que l’arbre original Evanildo da Silveira

Publié en Février 2013

Eucalyptus génétiquement modifié de 6 ans, à Angatuba, dans l’intérieur pauliste

LÉO RAMOS Eucalyptus génétiquement modifié de 6 ans, à Angatuba, dans l’intérieur paulisteLÉO RAMOS

En apparence, la petite plantation d’eucalyptus de 2,2 hectares située dans une ferme de la commune d’Angatuba (SP) n’a rien d’inhabituel. Mais les différences existent et se trouvent dans les cellules de ces arbres qui ont reçu le gène d’une autre espèce, l’Arabidopsis thaliana, une plante-modèle très utilisée dans les expérimentations génétiques. Avec cette modification, les arbres sont capables de produire 20% de plus de bois que les eucalyptus originaux. La petite forêt d’eucalyptus transgéniques en pleine croissance est l’une des quatre plantations expérimentales, de cet arbre génétiquement modifié, cultivées par FuturaGene, entreprise qui se consacre à l’amélioration de la productivité et à la durabilité des forêts cultivées pour les marchés de la cellulose, de la bioénergie et des biocarburants. L’objectif est d’évaluer la biosécurité des transgéniques pour vérifier s’ils créent des impacts et des interférences sur l’environnement et d’autres végétaux.

FuturaGene a été fondée en 1993 en Israël, comme entreprise incubée, à l’Université Hébraïque de Jérusalem qui se consacre à l’ingénierie des protéines et appelée CBD Technologies. FuturaGene a été achetée en juillet 2010 par l’entreprise brésilienne Suzano Papier et Cellulose. Les expériences menées dans l’intérieur pauliste, dans l’état de Bahia et dans l’état du Piauí sont une étape nécessaire avant la libération commerciale des plantes génétiquement modifiées et c’est une exigence de la Commission Technique Nationale de Biosécurité (CTNBio), organisme responsable au Brésil de l’évaluation des produits transgéniques. «Ces quatre plantations cultivées en 2012 totalisent neuf hectares», déclare Eugenio Ulian, vice-président des affaires réglementaires de l’entreprise FuturaGene. L’objectif recherché est de faire des analyses et de collecter des données pour répondre aux exigences de la loi sur la biosécurité et de transmettre prochainement une demande d’autorisation commerciale à CTNBio. La perspective est que ce produit puisse être approuvé pour un usage commercial d’ici environ quatre ans».

Le gène qui a été introduit dans l’eucalyptus codifie l’une des enzymes spécifiques qui participent à la formation chimique de la cellulose, l’endoglucanase. «L’entreprise FuturaGene a découvert une manière de modifier la structure de la paroi cellulaire (qui est composée de cellulose) des arbres transgéniques grâce à l’expression du gène Arabidopsis thaliana de cet enzyme dans les plantes», déclare Eugenio Ulian. «De cette manière, le gène exogène fait en sorte que les cellules déposent plus de cellulose dans la formation des parois cellulaires de l’arbre, ce qui, dans le cas d’espèces comme l’eucalyptus, produit un plus grand volume de bois».

Laboratoire de biotechnologie de l´entreprise Futura Gene, à Itapetininga (SP)

ETLaboratoire de biotechnologie de l`entreprise Futura Gene, à Itapetininga (SP)ET

La paroi des cellules d’une plante est un composé chimique composé de cellulose, un polymère d’unités de glucose, enchevêtré à d’autres polymères complexes comme l’hémicellulose et la lignine. Ceci forme une structure rigide autour de la cellule végétale qui se détend seulement pour lui permettre d’augmenter de taille et de se diviser. «La technologie de l’entreprise FuturaGene rend possible la production d’espèces ayant des parois cellulaires modifiées qui sont capables d’accélérer leur distension et leur reconstitution pendant la croissance normale de l’arbre», explique Eugenio Ulian. «L’introduction du nouveau gène dans l’eucalyptus provoque une croissance accélérée et une plus grande productivité». Ce sont deux bonnes raisons pour que les industries du papier et de l’énergie se sentent attirées par cette technologie. La cellulose extraite de la paroi cellulaire de la plante est la matière première de toute fibre industrielle utilisée dans la fabrication de papier, de panneaux d’aggloméré et de bois. En outre, ce procédé technologique produit également des matériaux pour une série d’autres produits forestiers ou agricoles comme les sucres qui seront prochainement utilisés dans la production d’éthanol de deuxième génération, ou encore, les composés chimiques utilisés dans les bioplastiques. Dans le cas de l’eucalyptus transgénique développé par l’entreprise FuturaGene, outre le fait de produire 20% de plus de cellulose que les plantes normales (qui produisent en général une moyenne de 45 mètres cubes à l’hectare), ce procédé peut augmenter les taux de productivité du bois de 30 à 40% qui seront utilisés dans d’autres applications, comme la bioénergie, par exemple.

L’entreprise FuturaGene a parcouru un long chemin avant d’arriver à cette plante génétiquement modifiée. Les premières recherches qui ont débouché sur l’eucalyptus transgénique ont commencé à être menées juste après sa création à l’Université Hébraïque de Jérusalem. «De nombreuses études ont été réalisées sur les différents gènes impliqués dans la formation de la paroi cellulaire qui ont été clonés et introduits par surexpression dans des espèces-modèle comme sur le propre Arabidopsis, sur le peuplier et sur l’eucalyptus lui-même», raconte Eugenio Ulian. «Le gène de l’endoglucanase a été choisi pour la suite des travaux car c’est lui qui a obtenu les meilleurs résultats».

L’entreprise FuturaGene a déjà planté 12 zones expérimentales avec de l’eucalyptus transgénique. Les premières cultures ont été cultivées en 2006 et 2007 en Israël et au Brésil. Les travaux ont continué après l’acquisition par l’entreprise Suzano, avec de nouvelles plantations au Brésil. En 2012, outre les neuf hectares cultivés avec la première espèce génétiquement modifiée, six autres hectares ont été plantés avec des semences provenant de croisements réalisés entre le transgénique et des matrices conventionnelles, visant à sélectionner des clones améliorés ayant comme caractéristique un taux de productivité élevé.

Depuis 1998 l’entreprise Suzano développe également des projets en partenariat avec le professeur Carlos Alberto Labate, du Département de Génétique de l’École Supérieure d’Agriculture Luiz de Queiroz (Esalq), de l’Université São Paulo (USP). «Il s’agit de travaux tournés vers le domaine de la biotechnologie et de la génomique fonctionnelle de l’eucalyptus», déclare Labate. «Nous avons déjà eu deux projets financés et approuvés par le Programme de Soutien à la Recherche en Partenariat pour l’Innovation Technologique (Pite) de la FAPESP et maintenant nous en sommes au troisième. Dans notre premier projet Pite, l’objectif était de développer la méthodologie de transformation génétique de l’eucalyptus. «Esteban Roberto González, mon élève de doctorat a été embauché par l’entreprise Suzano et est aujourd’hui le directeur de la recherche et du développement de l’entreprise FuturaGene», déclare le chercheur de l’Esalq, qui assumé au mois de janvier le poste de directeur du Laboratoire National de Sciences et de Technologie du Bioéthanol (CTBE). «La méthodologie que nous avons développé a été brevetée et toute la connaissance acquise a été d’une certaine manière transférée vers l’entreprise. En outre, nous réalisons jusqu’à aujourd’hui des réunions fréquentes et des formations pour le personnel de l’entreprise FuturaGene, ce qui nous permet d’avoir une excellente interaction avec l’entreprise».

ANA PAULA CAMPOS Teneurs en sucre
Dans le second projet Pite, le chercheur de l’Esalq a développé différents plants transgénique d’eucalyptus en modifiant l’expression des gènes liés à la synthèse des glucides de la plante. «L’objectif du projet était d’augmenter la quantité de xylanes dans le bois d’eucalyptus», explique-t-il. «Ces plantes transgéniques se trouvent actuellement chez l’entreprise FuturaGene qui va réaliser des essais sur le terrain». La xylane est une hémicellulose, un polymère de xylose (un sucre présent dans le bois), qui a un rôle important dans le blanchissement des pâtes de cellulose et dans les propriétés du papier. La modification des teneurs de ce sucre dans la plante permet d’augmenter la production et de différencier les propriétés des pâtes et des papiers produits.

Les Objectifs de l’entreprise FuturaGene pour 2013 sont de planter 30 hectares d’eucalyptus génétiquement modifiés pour réaliser des tests. «L’objectif est de tester de nouvelles modifications génétiques qui pourront éventuellement déboucher sur d’autres produits ayant la même caractéristique en termes de productivité élevée, comme dans le premier eucalyptus transgénique produit, mais contenant des gènes différents ou des constructions génétiques améliorées», déclare Eduardo José de Mello, vice-président des opérations Brésil et directeur de l’amélioration forestière de l’entreprise FuturaGene. «Nous pensons que les expériences de cette année serviront à la sélection de nouveaux produits». En outre, les laboratoires de l’entreprise sont en train de développer de nouvelles espèces résistantes aux parasites et aux maladies qui permettront une meilleure gestion des plantes invasives et une amélioration de la qualité du bois. Outre la biosécurité, l’entreprise FuturaGene, dans les différents tests réalisés, vérifie également le comportement de l’eucalyptus transgénique dans divers espacements de culture. «Cette information sera importante pour la planification des plantations futures en fonction de leur finalité, comme la production d’électricité, de panneaux d’aggloméré ou de cellulose, par exemple», déclare Mello. «Compte tenu de la haute productivité du transgénique et de la finalité de la biomasse, l’abattage pourra être réalisé plus précocement vers 5 ans et demi». L’eucalyptus conventionnel n’atteint la même productivité qu’à l’âge de 7 ans.

Aujourd’hui, selon Mello, le Brésil détient le plus grand taux de productivité mondial en termes de culture d’eucalyptus. Cette supériorité est due au climat favorable et au développement technologique atteint par le pays. «L’amélioration génétique conventionnelle par sélection et propagation des meilleurs individus est un apport important en termes de gains de productivité, mais la tendance montre que ces résultats sont chaque fois plus difficile à dépasser», déclare Mello. «La biotechnologie, à travers l’utilisation de transgéniques, sera un outil important pour que le Brésil reste leader en termes de productivité et continue compétitif sur le marché du bois d’eucalyptus et de ses dérivés». L’entreprise Suzano est actuellement la deuxième productrice mondiale de cellulose d’eucalyptus et le résultat net de l’entreprise a atteint 4,8 milliards de reais en 2011, sachant que plus de 50 % des ventes sont réalisées sur le marché extérieur.

La manipulation génétique des plantes pourra également avoir un rôle important dans le maintien et la préservation des forêts natives du monde entier. Selon les données de l’organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), il y a environ 4 milliards d’hectares de forêts sur la planète, ce qui représente autour de 27 % des terres émergées du globe. On estime aujourd’hui que la consommation mondiale de bois s’élève à environ 3,4 milliards de mètres cubes par an, avec une prévision d’augmentation de 25 % jusqu’en 2020. Pour répondre à cette demande, les forêts natives de la planète sont abattues à un rythme de 12 millions d’hectares par an. Selon une étude du Centre pour l’Évaluation du Risque Environnemental de Cultures Génétiquement Modifiées (Cera), d’Ilsi Research Foundation (fondation qui réunit des institutions de recherche du monde entier), les forêts plantées représentaient 5 % du total des forêts de la planète mais représentaient environ 35 % du bois produit en 2000. Depuis lors, la zone de culture des espèces arborées s’élève à 264 millions d’hectares, ce qui représente 6,6 % des forêts mondiales. On estime que depuis la fin des années 80, à l’époque où les premiers végétaux transgéniques ont été autorisés pour une culture commerciale, plus de 800 expériences sur le terrain, avec des arbres génétiquement modifiés appartenant à environ 40 espèces, ont déjà été réalisées à travers le monde.

Projet
Génomique fonctionnelle appliquée à la découverte de gènes de résistance à la rouille de l’eucalyptus – nº 2008/50361-1; Modalité Programme de Soutien à la Recherche en Partenariat pour l’Innovation Technologique (Pite); Coordonnateur Carlos Alberto Labate – USP; Investissement 330 195,78 reais et 242 235,41 dollars US (FAPESP) et 1 376 000,00 reais (Suzano).

Republier