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LÉGISLATION

Cellules souches

La Loi de Biosécurité brésilienne va stimuler la recherche nationale déjà avancée dans ce domaine

Colonie de cellules-souches embryonnaires humaines: espoir pour de nouvelles thérapies

Université Du Wisconsin Colonie de cellules-souches embryonnaires humaines: espoir pour de nouvelles thérapiesUniversité Du Wisconsin

Publié en avril 2005

En 1998, l’équipe du biologiste James Thomson de l’Université du Wisconsin aux États-Unis, a isolé et développé pour la première fois en laboratoire une lignée de cellules souches extraites d’embryons humains. Il s’agissait d’une prouesse technique remarquable et également d’un problème éthique pour la recherche biologique. C’est un exploit remarquable car l’étude de ces cellules pourra théoriquement améliorer les traitements et guérir une liste interminable d’affections. Les cellules souches embryonnaires dûment cultivées peuvent donner naissance à tous les tissus de l’organisme grâce à 220 types différents de cellules qui constitueraient dès lors, la matière première de nouvelles thérapies. Le problème éthique relève du fait que leur obtention va à l’encontre des croyances d’une partie de la société, principalement pour des motifs religieux et en raison des lois adoptées par certains pays qui stipulent qu’en cédant leurs cellules souches, les embryons deviennent inutilisables.

Nous assistons actuellement à un débat juridique et moral entre leurs défenseurs et leurs opposants dans différentes parties du globe. Peu à peu et avec des restrictions différentes, les grands pays à vocation scientifique ou, du moins, possédant une structure appropriée, tendent à autoriser les expériences sur ces cellules (voir cadre page XX). Au mois de mars, le Président de la République Luís Inácio Lula da Silva a sanctionné la nouvelle Loi de Biosécurité, élargissant ainsi les perspectives de développement biotechnologique dans le pays en autorisant les études sur les cellules souches embryonnaires humaines ainsi que la culture et la commercialisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM). L’investissement accordé à ces deux lignes de recherche, et annoncé par le ministre des Sciences et de la Technologie, Eduardo Campos, s’élève à 28,3 millions de réaux.

La nouvelle Loi de Biosécurité, approuvée par le parlement brésilien sous la pression des chercheurs, de la société civile et des médias, confère à la Commission Technique Nationale de Biosécurité (CTNBio), composée de 27 scientifiques renommés, les pleins pouvoirs pour autoriser la recherche et la commercialisation des produits transgéniques au Brésil. Cette décision a eu deux conséquences immédiates. À partir du mois de mai, les agriculteurs brésiliens auront accès à 11 variétés de semences de soja génétiquement modifiées développées par l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa) et par une douzaine de laboratoires. Certains de ces laboratoires mènent déjà des recherches sur les cellules souches de la moelle osseuse et du cordon ombilical et vont d’ici peu faire des recherches sur les cellules souches embryonnaires sans pour autant pouvoir réaliser de clonages thérapeutiques.

Le cardiologue José Eduardo Krieger de l’Institut du Coeur (InCor), de la Faculté de Médecine de l’Université de São Paulo (USP), utilise une métaphore intéressante pour décrire l’importance de cet encouragement à la recherche dans ce domaine. “Les cellules embryonnaires sont les seules qui possèdent le disque dur complet de l’ordinateur biologique ”. Il rajoute également que “les recherches vont maintenant essayer d’identifier les logiciels spécifiques et les touches correctes qui favoriseront la formation des différents tissus.”

Ces dernières années, alors que les travaux sur les cellules souches embryonnaires d’origine humaine étaient interdits, les scientifiques brésiliens sont allés de l’avant. Ils ont développé ce que la législation leur permettait de faire, menant des recherches sur des cellules souches animales et des cellules souches humaines extraites de tissus adultes, en général de la moelle osseuse et du sang du cordon ombilical. La plupart des recherches sont des études biologiques de base. Leur objectif est de comprendre et de contrôler in vitro les mécanismes de division et de différenciation des cellules souches et, dans certains cas, de créer des modèles animaux pour traiter certaines affections. D’autres études plus appliquées concernent le traitement d’affections à l’aide de cellules souches adultes testées sur des animaux et sur des hommes. On ne sait pas à l’heure actuelle si les cellules souches adultes possèdent la même flexibilité que les cellules embryonnaires. Cependant, au fil du temps, on découvre qu’il est possible de les extraire de tissus plus mûrs qu’on ne le pensait (la graisse est une de ces sources) et de différencier une plus grande variété de tissus. Elles peuvent peut-être devenir la base du traitement de certaines affections comme les problèmes cardiaques, orthopédiques et dentaires.

Cellules nerveuses humaines dérivées de cellules-souches embryonnaires: neurones mûrs ( en rouge)

Su-chunzhang Cellules nerveuses humaines dérivées de cellules-souches embryonnaires: neurones mûrs ( en rouge)Su-chunzhang

Moins versatiles que les cellules embryonnaires, les cellules souches adultes ont l’avantage d’être plus fiables. Durant les traitements expérimentaux, on injecte chez les patients des cellules souches extraites généralement de leur propre organisme. Ceci élimine le risque de rejet et réduit l’apparition d’autres problèmes. “De nombreuses études indiquent que l’injection de cellules souches embryonnaires non différenciées provoque des tumeurs chez les souris”, déclare Marco Antonio Zago, coordinateur du Centre de Thérapie Cellulaire de la Faculté de Médecine de l’Université de São Paulo (USP) à Ribeirão Preto. “Il serait insensé d’inoculer des cellules embryonnaires chez l’homme sans avoir appris à les différentier”, déclare la généticienne Mayana Zatz, coordinatrice du Centre d’Études du Génome Humain de l’USP et qui mène actuellement des recherches sur l’utilisation de la thérapie cellulaire dans les dystrophies musculaires (voir entretien page XX).

C’est pour cela qu’aucun groupe de recherche sérieux, brésilien ou étranger, n’envisage, à court terme, d’injecter une dose de cellules souches embryonnaires chez l’homme. D’ici deux ou trois ans, les résultats cliniques les plus encourageants devraient être appliqués avec prudence dans de possibles traitements à base de cellules souches adultes. Il y a un précédent qui justifie l’optimisme modéré de cet abordage. Jusqu’à présent un seul traitement cellulaire est devenu routinier dans les hôpitaux de pointe. Il s’agit de la greffe de moelle osseuse, utilisée depuis 40 ans pour soigner la leucémie, certains types de lymphome ainsi que d’autres désordres sanguins. Pour utiliser une métaphore, dans le “miracle” de la greffe, le “saint”, duquel on parlait si peu avant, est représenté par la population de cellules souches adultes dans ce tissu mou et spongieux situé dans les os. Il y a deux types de cellules souches dans la moelle: les cellules hématopoïétiques, qui produisent les globules rouges (Hématies), les globules blancs, les plaquettes, et les mésenchymes qui produisent différents tissus, comme les os, le cartilage, les tendons, les muscles et la graisse.

Les avancées dans ce domaine seront dues aux recherches les plus variées, comme les travaux menés sur des cellules souches adultes d’origine humaine ou animale cultivées en laboratoire ou implantées sur des animaux et même chez l’homme, des études menées sur les cellules humaines embryonnaires in vitro ou injectées chez des animaux ainsi que des expériences menées sur les cellules embryonnaires d’animaux. Certaines applications élémentaires utilisées par la recherche brésilienne sont présentées ci-dessous.

Cardiologie
Au même titre que l’Allemagne, le Brésil est une des références internationales en matière de recherches cliniques utilisant les cellules souches de la moelle osseuse des propres patients pour traiter leurs problèmes cardiaques. Encouragé par les résultats positifs obtenus par les études pilotes menées sur un petit nombre de patients victimes d’infarctus aigu du myocarde, de cardiomyopathie dilatée, d’ischémie chronique et de maladie de Chagas, le Ministère de la Santé brésilien a lancé au mois de février un projet d’un montant de 13 millions de réaux au profit des recherches sur les cellules de la moelle osseuse visant à combattre ces affections qui provoquent une insuffisance cardiaque. Ce projet ambitieux appelé Étude Multicentrique Randomisé de Thérapie Cellulaire en Cardiopathie sera coordonné par l’Institut National de Cardiologie de Laranjeiras (INCL) à Rio de Janeiro et comptera sur la participation de près de 30 universités et hôpitaux du pays. Cette nouvelle approche sera testée sur 1 200 patients répartis en quatre groupes de 300 individus, classés selon leurs problèmes cardiaques. Tous les patients recevront un traitement conventionnel et seront suivis pendant un an. Pour vérifier les possibles effets bénéfiques de la thérapie cellulaire, la moitié des patients recevra une injection d’un placebo (matériel inoffensif, sans effets thérapeutiques) et l’autre moitié recevra une injection de cellules souches dans le coeur. L’étude aura un caractère confidentiel, car ni les médecins et ni les patients ne connaîtront le contenu des injections.

Clonage permis dans un but: therapeutique au Royaume-Uni

Instituto Roslin Clonage permis dans un but: therapeutique au Royaume-UniInstituto Roslin

Chaque pathologie dépendra d’un centre coordonnateur d’études. L’INCL s’occupera des travaux sur la cardiomyopathie dilatée (le coeur augmente de volume et pompe difficilement le sang). L’InCor coordonnera les études concernant l’ischémie chronique du coeur. L’hôpital Santa Izabel de Salvador, en collaboration avec la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz) à Bahia, supervisera une toute nouvelle recherche sur les individus souffrant de la maladie de Chagas. L’Institut de Sciences Biomédicales de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (ICB/UFRJ) et l’hôpital Pro-Cardiaque coordonneront les expériences réalisées sur l’infarctus aigu du myocarde.

Si à la fin de cette étude, certaines thérapies cellulaires se montrent plus efficaces que le traitement cardiaque actuel, elles seront adoptées dans le réseau des hôpitaux publics. “D’ici un an et demi, nous devrions connaître les premiers résultats concernant l’efficacité des cellules souches de la moelle osseuse dans le traitement des infarctus”, estime Antonio Carlos Campos de Carvalho, de l’INCL. “Pour les autres cardiopathies il faudra attendre environ trois ans.” Pour les patients souffrant d’infarctus aigu, de cardiomyopathie dilatée et de la maladie de Chagas, la thérapie cellulaire (ou le placebo) seront administrés à travers un cathéter dans les artères coronariennes. En ce qui concerne les individus atteints d’ischémie chronique et les personnes ayant souffert une attaque depuis plus de six mois mais qui continuent à avoir des problèmes d’irrigation cardiaque, les cellules souches seront introduites directement dans le muscle cardiaque durant une chirurgie visant réaliser un pontage de la veine saphène ou un pontage mammaire. Les attentes sont grandes en ce qui concerne les tests réalisés avec les chagasiques graves qui ont développé une insuffisance cardiaque et qui sont candidats à une greffe du cœur. Normalement la plupart des patients atteints pas cette affection décède en moins de deux ans. “Lors d’études préliminaires sur 30 patients traités avec des cellules souches de la moelle osseuse, deux seulement sont décédés.”, déclare Ricardo Ribeiro do Santos, coordinateur de l’Institut du Millenium de Bio-ingénierie Tissulaire et chercheur à la Fiocruz à Salvador. “Mais aucun n’est décédé à cause de la thérapie.” Selon Santos, la qualité de vie et les fonctions cardiaques de la plupart des chagasiques se sont améliorées.

Les études brésiliennes menées sur les thérapies cellulaires des problèmes cardiaques font l’objet de deux critiques. En premier lieu, les expériences ont avancé trop rapidement créant de nombreuses expectatives au sein de la société avant d’avoir épuisé toutes les possibilités en matière de recherche animale et avant d’avoir découvert la solution idéale pour obtenir et injecter les cellules souches chez les malades. “Personne ne sait quel est le meilleur type de cellule à utiliser dans les thérapies ni la technique idéale pour les administrer chez les patients”, déclare le cardiologue Edimar Bocchi de l’InCor, dont les travaux sur les cellules souches adultes administrées sur les patients cardiaques ne font pas partie du mégaprojet du Ministère de la Santé. Deuxièmement, les chercheurs ne connaissent pas les mécanismes qui se cachent derrière cette amélioration cardiaque démontrée lors d’études préliminaires. On ignore toujours pourquoi les injections de cellules de la moelle osseuse sont bénéfiques. En effet, les raisons peuvent être nombreuses car elles peuvent soit augmenter la vascularisation du cœur, soit créer davantage de muscle cardiaque ou renouveler les cellules endommagées du cœur. “Nous ne réaliserons des tests sur l’homme qu’après avoir travaillé sur des animaux et quand nous serons convaincus que les bénéfices apporté par les cellules souches sont plus grands que les risques encourus ”, déclare Radovan Borojevic, de ICB/UFRJ, chercheur de pointe en matière de thérapie cellulaire cardiaque. Quoi qu’il en soit, le Conseil National d’Ethique en Recherche (Conep) a donné son feu vert aux recherches brésiliennes qui font déjà école à l’étranger. L’Institut du Coeur du Texas a récemment initié un test clinique sur des cellules souches de la moelle osseuse en prenant modèle sur des études brésiliennes. Treize patients ont bénéficié de cette thérapie alternative et les résultats obtenus sont encourageants.

Diabètes et maladies auto-immunes
L’utilisation de cellules souches adultes visant à contrôler les désordres dus au propre système immunologique est actuellement testée au Brésil. À titre d’exemple, l’équipe du chercheur Júlio Voltarelli du Centre de Thérapie Cellulaire de l’USP à Ribeirão Preto, a réalisé trente greffes de cellules souches de la moelle osseuse sur des patients atteints de sclérose multiple, 15 sur des personnes souffrant d’affections rhumatismales et 5 sur des diabétiques de type 1 (qui doivent constamment recevoir des doses d’insuline). Avant de recevoir par voie endoveineuse leurs propres cellules, les patients ont été soumis à des sessions de chimiothérapie ou de radiothérapie pour éliminer les cellules du système défensif de l’organisme qui provoquent ces maladies auto-immunes. “Cinq personnes souffrant d’affections rhumatismales sont décédées ainsi que quatre souffrant de sclérose multiple, à l’issue de complications principalement infectieuses ”, déclare Voltarelli. “Aucun diabétique n’est décédé.” Les patients qui ont survécu ont vu leur état de santé s’améliorer ou leur maladie se stabiliser, démontrant ainsi que les cellules souches peuvent avoir aidé à la reconstruction d’un système immunologique plus sain. L’équipe de Ribeirão Preto, en collaboration avec l’Hôpital Albert Einstein de São Paulo et l’Université Fédérale de São Paulo (Unifesp), va prochainement initier un projet de greffe de cellules souches adultes sur des individus atteints de sclérose latérale amyotrophique (maladie neuro-dégénérative).

Odontologie
Des dents produites grâce à la culture de cellules souches adultes? Du moins en ce qui concerne les animaux, la production d’une canine ou d’une molaire est pratiquement devenue une réalité. Au mois de juillet de l’année dernière, deux dentistes de l’Université Fédérale de São Paulo (Unifesp), Silvio et Monica Duailibi, ont publié un article paru dans la revue scientifique Journal of Dental Research dans lequel ils décrivent la formation de dents primitives produites à partir de la culture de cellules souches extraites de dents de lait de souris âgées de 3 à 7 jours. Les chercheurs ont stimulé la croissance des cellules dans un milieu riche composé d’un bipolymère et les ont ensuite greffées dans une région très vascularisée de l’abdomen des animaux. Trois mois plus tard, des dents ont commencé à se former. Avant cette étude, un groupe de chercheurs étrangers était déjà parvenu au même résultat sur des porcs. Cette expérience sur des rongeurs avec la collaboration des chercheurs de l’Institut Forsyth de Boston et de l’Hôpital Général du Massachusetts, a été réalisée durant un séjour d’étude des brésiliens aux États-Unis et a été ensuite brevetée. De retour au Brésil, les Duailibi ont obtenu des résultats identiques dans les laboratoires de l’Unifesp. Ils ont ensuite amélioré leurs recherches. “Nous avons fait pousser des dents sur la mandibule de souris à partir des cellules souches des animaux”, déclare Monica, qui publiera prochainement un article sur ce nouveau travail. La prochaine étape sera d’essayer de cultiver, toujours sur des rongeurs, des cellules adultes extraites de dents humaines. “Nous allons épuiser toutes les possibilités en matière de recherche animale avant de commencer les tests sur l’homme”, déclare Silvio.

Les hématies dérivées des cellules-souches embryonnaires humaines: une source de sang possible pour les transfusions

PNAS Les hématies dérivées des cellules-souches embryonnaires humaines: une source de sang possible pour les transfusionsPNAS

Neurologie
Dans le monde, certaines équipes de recherche ont produit sur des animaux et in vitro des cellules nerveuses à partir de cellules souches. Cette prouesse augmente l’espoir de pouvoir trouver une cure pour les maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Parkinson. Des chercheurs suédois ont renversé les symptômes de la maladie de Parkinson en utilisant une source biologique limitée et polémique, les cellules souches extraites de fœtus avortés et qui ont la capacité de se transformer en neurones. C’est pour cette raison que la science est à la recherche de sources alternatives en matière de cellules souches également capables de se transformer en cellules cérébrales. Luis Eugênio Mello, de l’Unifesp, a essayé de produire des neurones à partir de la culture de cellules souches extraites du sang du cordon ombilical. Il y est parvenu, mais la faible quantité de neurones obtenue n’était pas encourageante. “Ce matériel n’est pas idéal pour produire des cellules nerveuses”, déclare Mello qui, à court terme, a l’intention de mener des recherches sur une lignée de cellules embryonnaires humaines importée des États-Unis. Rosalia Mendez-Otero, chercheur en neurologie à l’UFRJ, décrit un fait identique. Elle a extrait des cellules souches neurales du cerveau de souris et de musaraignes et les a cultivées jusqu’à ce qu’elles se transforment en neurones. Il s’agit cependant d’un processus très lent. “Il fallait attendre 12 à 15 jours pour que les cellules se divisent et produisent des neurones”, déclare Rosalia. Ces neurones pourraient être obtenus plus rapidement grâce à des cellules souches embryonnaires. Dans une ligne de recherche plus appliquée, elle a testé l’utilisation de cellules souches de la moelle osseuse pour renverser les symptômes de l’attaque cérébrale. Les résultats obtenus sur le premier patient sont encourageants. “Maintenant nous allons réaliser des test sur 25 autres personnes ”, déclare Rosalia.

Recherche de base
Depuis une dizaine d’année Lygia da Veiga Pereira, Chef du Laboratoire de Génétique Moléculaire de l’Institut de Biosciences (IB) de l’USP, est pionnière au Brésil dans l’élaboration de lignées de cellules souches embryonnaires de souris. En 2001, elle a créé les premières souris transgéniques brésiliennes possédant un gène modifié et pouvant servir de modèle animal pour étudier certaines affections. Grâce aux expériences animales, Lygia est parvenue à maîtriser certains phénomènes chimiques favorisant la différenciation des cellules souches embryonnaires. “Pour induire la production de neurones, nous additionnons de l’acide rétionoïque dans la culture. Pour obtenir du sang nous introduisons certaines Interleukines (protéines produites par des cellules du système immunitaire) dans le milieu. Bien entendu, le processus de culture cellulaire n’est pas si simple, mais nous savons maintenant quels sont les ingrédients indispensables pour induire les cellules souches à produire certains types de tissus» déclare-t-elle. Cette année Lygia doit commencer de nouvelles recherches sur des cellules souches embryonnaires humaines importées.

L’équipe de Dimas Covas du Centre de Thérapie Cellulaire de l’USP à Ribeirão Preto, maîtrise déjà une bonne partie du processus de transformation des cellules souches mésenchymes et hématopoïétiques qui sont les deux principaux types de cellules reproductrices présents dans la moelle osseuse humaine et dans différents tissus comme les os et le sang. L’équipe sait également extraire des cellules mésenchymes de différentes sources. “On peut retirer ces cellules des veines, des artères et du sang du cordon ombilical”, déclare Zago, le coordinateur du centre. Un de ses principaux objectifs est de parvenir à cartographier le type de gène activé durant le processus de transformation des cellules souches de la moelle osseuse en tissus plus spécialisés.

La recherche de base est onéreuse, lente et confuse. Elle est parfois polémique comme dans le cas des cellules souches retirées d’embryons humains, ou n’atteint pas a priori les résultats escomptés (la thérapie génique en est un exemple). Mais sans investissements, nous ne pourrons pas découvrir de nouveaux traitements. Voici un exemple qui justifie le besoin d’investissements dans la recherche. Le mois dernier, des chercheurs de l’Université du Wisconsin, toujours les mêmes, ont développé une manière de cultiver les cellules souches embryonnaires humaines sans qu’il soit nécessaire de les laisser en contact avec le matériel biologique extrait de souris. C’est une avancée importante pour produire des lignées de cellules embryonnaires non contaminées par des cellules d’animaux, et une condition obligatoire pour pouvoir les utiliser sur l’homme.

Cellules de la discorde
Certains pays ont récemment voté des lois règlementant la recherche sur les cellules souches extraites d’embryons humains et le clonage thérapeutique. Voici les décisions prises par 8 pays dans ce domaine.

Royaume Uni
Depuis le début de l’année 2002, ce pays autorise la recherche sur les cellules souches embryonnaires spécialement créées pour cette finalité. Il autorise également le clonage thérapeutique à partir d’embryons âgés d’au maximum 14 jours. Deux équipes ont déjà reçu le feu vert pour cloner des embryons humains à des fins thérapeutiques.

Corée du Sud
En février 2004, une équipe sud-coréenne a été la première au monde à cloner des embryons humains pour en extraire des cellules souches embryonnaires. Cependant, ce n’est qu’à la fin de l’année dernière que le gouvernement coréen a officiellement définit sa politique dans ce domaine, en autorisant les recherches sur les embryons et le clonage thérapeutique.

Japon
Bien qu’il n’existe pas de loi réglementant ce domaine, le Ministère de la Santé japonais a autorisé au mois de juillet de l’année dernière les recherches sur les cellules embryonnaires et le clonage thérapeutique.

Brésil
La Loi de Biosécurité légalise la recherche sur les cellules souches embryonnaires extraites d’embryons surnuméraires, non utilisés à des fins reproductives par des couples ayant des problèmes de fertilité, et congelées depuis trois ans. Le consentement du couple est nécessaire pour que leur embryon soit remis à la science. Des embryons impropres à la fécondation peuvent également être utilisés par la recherche. Le clonage thérapeutique est interdit.

États-Unis
Depuis août 2001, le gouvernement de George Bush ne subventionne que les études réalisées sur les quelques lignées de cellules souches embryonnaires créées jusqu’à cette date. Mais les états américains sont autonomes pour créer leurs propres lois et le secteur privé peut également subventionner les recherches. L’année dernière, la Californie a voté un budget de 3 milliards de dollars destiné aux études sur les cellules embryonnaires et le clonage thérapeutique.

France
En août 2004, une révision des lois de bioéthique a autorisé, pour une période de cinq ans, le début des recherches sur les cellules embryonnaires à partir du matériel surnuméraire se trouvant dans les cliniques de fécondation artificielle. Le clonage thérapeutique est toujours interdit.

Allemagne
L’Allemagne n’autorise les recherches que sur des cellules embryonnaires importées et créées avant le premier janvier 2002. Une autorisation préalable est nécessaire pour pouvoir importer ces lignées. Normalement, la loi ne viabilise pas le développement de ce domaine de recherche.

Portugal
Un vide juridique règne dans ce domaine. Dans la pratique, les recherches sur les cellules embryonnaires ne sont pas autorisées.

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