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Physique

Quand le vide est chaud

Des Brésiliens réalisent une expérience pour démontrer que l’espace vide peut échauffer un objet en mouvement accéléré

Eduardo Cesar L’accélérateur linéaire d’électrons microtron, de l’USP, est théoriquement l’un des appareils qui pourra démontrer l’effet UnruhEduardo Cesar

Une expérience réalisée par un groupe de physiciens théoriciens paulistes avec des accélérateurs de particules de la dernière génération pourrait démontrer l’existence de l’effet Unruh. Ce phénomène, proposé il y a plus de 40 ans, est une radiation composée de particules élémentaires qui ne pourrait être enregistrée qu’avec un corps soumis à des accélérations extrêmes. Si l’existence de cet effet se vérifie, l’espace vide doit être plus chaud pour un hypothétique observateur en mouvement accéléré que pour un voyageur se déplaçant à une vitesse constante. Dans le deuxième cas la température du vide est le zéro absolu. Selon les calculs de l’équipe composée du physicien George Matsas et de son élève de doctorat Gabriel Cozzella, de l’Université Publique Pauliste (Unesp), et les physiciens André Landulfo, de l’Université Fédérale de l’ABC (UFABC), et Daniel Vanzella, de l’Université de São Paulo (USP), la chaleur produite par l’effet Unruh pourrait être détectée dans la radiation émise par des électrons accélérés en laboratoire.

Le travail de l’équipe suggère que l’on pourrait observer l’effet Unruh quand un nuage d’électrons déclenché par un accélérateur de particules se voit rapidement freiné à l’intérieur d’un tube en raison de la présence de deux champs puissants, l’un électrique et l’autre magnétique. Les deux champs auraient une influence inverse au mouvement du nuage. Cette situation amènerait les électrons à freiner brutalement et à avoir une trajectoire en spirale tout en émettant des radiations lumineuses sur différentes longueurs d’onde. L’effet serait encodé sur la radiation émise par ces électrons comme une espèce de signature. « L’absence de l’effet Unruh, dans la radiation émise par les électrons avec des longueurs d’onde plus basses, remettra en cause les « sacro-saintes » prévisions de l’électrodynamique classique du XIXe siècle », affirme George Matsas, qui avec Gabriel Cozzella, André Landulfo et Daniel Vanzella, a signé un article scientifique publié le 21 avril dans la revue Physical Review Letters, où ils réaffirment la faisabilité de l’expérience. Cette hypothèse va à l’encontre de l’opinion de certains physiciens qui doutent de la possibilité de confirmer cet effet de manière expérimentale avec les outils technologiques actuels.

Si cette idée se concrétise, l’existence de l’hypothétique phénomène pourrait théoriquement être démontrée au Brésil. « Je ne suis pas encore certain de la faisabilité de l’expérience », déclare le physicien expérimental Marcos Martins, coordonnateur du laboratoire de l’accélérateur linéaire d’électrons microton de l’USP, avec qui le groupe envisage la possibilité de tester ce phénomène « La fréquence du signal de l’effet Unruh dans la radiation des électrons serait en mégahertz, tout comme la radiation émise par des stations de radio et de télévision mais avec une plus faible intensité, ce qui pourrait rendre sa détection impossible ».

Essaim de particules
L’existence de cet effet a été envisagée en 1976 par le physicien théoricien William Unruh, de l’Université de Colombie Britannique au Canada. William Unruh a imaginé un détecteur de particules élémentaires se déplaçant de manière très accélérée. En voyageant en ligne droite dans un espace totalement vide on pouvait s’attendre à ce que le détecteur de particules ultra-accéléré enregistre le même nombre de particules qu’il enregistrerait s’il était à l’arrêt, soit zéro. Les calculs du Canadien ont cependant montré que le détecteur enregistrait un essaim de particules élémentaires naissant du propre espace. Plus l’accélération du détecteur était élevée, plus chaude était la température du bain de particule où le détecteur était immergé. L’effet découvert par William Unruh complète de précédentes études du mathématicien nord-américain Stephen Fulling et a permis de clarifier les résultats obtenus de manière indépendante à la même époque par l’australien Paul Davies.

La conclusion de Stephen Fulling, Paul Davies et William Unruh est la conséquence directe d’une des thèses les plus éprouvées de la physique, la théorie quantique des champs, base de l’ensemble des formules et des règles mathématiques décrivant le comportement de toutes les particules élémentaires connues. Les fondements de la théorie quantique des champs, proposés par différents physiciens entre 1920 et 1940, combinent les principes de la théorie de la relativité restreinte d’Albert Einstein et de la mécanique quantique.

La plupart des physiciens qui ont mené des recherches sur les conséquences de l’effet Unruh sont persuadés que le phénomène existe si la théorie quantique des champs s’avère totalement exacte. Cette théorie a été démontrée par des résultats obtenus par George Matsas et Daniel Vanzella, en 2001. Ils ont découvert que le temps de vie d’un proton soumis à une accélération extrême ne peut être calculé correctement que si l’on tient compte de l’effet Unruh. Mais tout le monde n’est pas convaincu. Certains théoriciens, comme Vladimir Belinski, du Centre International d’Astrophysique Relativise, en Italie, soutiennent qu’il y a une erreur mathématique dans la déduction de l’effet, ce qui est contesté par William Unruh et d’autres. « Nous espérons que l’expérience convaincra les sceptiques de la cohérence de l’effet Unruh », déclare Stephen Fulling dans la revue Science, en commentant l’hypothèse des physiciens de São Paulo.

Sans vouloir entrer dans les débats, la radiation attendue de l’effet Unruh n’a pas été observée car elle est trop faible pour être détectée. « Pour que l’effet puisse créer un bain de particules élémentaires avec une température de 1 Kelvin (- 272 ºC), il faudrait construire une sonde qui puisse résister à des accélérations des milliards de fois plus élevées que celles supportées par les fusées actuelles », explique Gabriel Cozzella, premier auteur de l’article.

Projet
Gravitation et théorie quantique des champs (nº 15/22482-2) ; Modalité Aide à la Recherche Régulière ; Chercheur responsable George Matsas (Unesp) ; Investissement 31 879,15 R$.

Article scientifique
COZZELLA, G. et al. Proposal for observing the unruh effect using classical electrodynamics. Physical Review Letters. v. 118, 21 avril 2017.

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