Publié en septembre 2008
Le coup d’envoi du plus grand effort multidisciplinaire déjà fait au Brésil pour élargir la connaissance sur les changements climatiques mondiaux a eu lieu à la fin du mois dernier. Des scientifiques de l’état de São Paulo de différents domaines – des sciences physiques et naturelles aux sciences humaines – sont invités à participer au Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Climatiques Mondiaux, lancé officiellement le 28 août au matin. 100 millions de réais – soit près de 10 millions de réais par an – seront investis au cours des dix prochaines années pour articuler des études de base et des études appliquées sur les causes du réchauffement de la planète et ses impacts sur la vie des personnes. D’après Carlos Henrique de Brito Cruz, directeur scientifique de la FAPESP, « l’objectif est d’intensifier quantitativement et qualitativement la contribution des chercheurs de São Paulo afin de faire avancer la connaissance sur ce thème complexe. Nous pensons que ce programme favorisera la production d’études supplémentaires sur des sujets qui concernent particulièrement le Brésil. Nous espérons que l’augmentation de la production scientifique brésilienne en la matière garantira au pays un plus grand espace dans le débat mondial sur les changements climatiques ».
Deux appels d’offres ont été lancés, d’une valeur totale de 16 millions de réais divisés à part égale entre la FAPESP et le Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq), par l’intermédiaire du Programme de Soutien aux Centres d’Excellence (Pronex). L’un des appels d’offre, d’un montant de 13,4 millions de réais, regroupe des projets concernant six thèmes distincts : 1. Le fonctionnement des écosystèmes, avec l’accent sur la biodiversité et les cycles de carbone et d’azote ; 2. Le bilan de la radiation atmosphérique et plus particulièrement les études sur les aérosols, lesdits gaz traces (monoxyde de carbone, ozone, oxydes d’azote et composés organiques volatils, entre autres) et le changement d’utilisation de la terre ; 3. Les effets des changements climatiques sur l’agriculture et l’élevage ; 4. L’énergie et le cycle des gaz à effet de serre ; 5. Les impacts sur la santé et 6. Les dimensions humaines du changement environnemental mondial. L’objectif initial du programme étant de former et d’articuler un réseau de chercheurs, la FAPESP a décidé de financer des projets thématiques ; toutefois, les prochains appels d’offres pourront disposer d’autres modalités de financement, à l’exemple du Soutien Financier aux Jeunes Chercheurs. Des partenariats sont prévus dans les semaines à venir avec des fondations de soutien à la recherche de trois états : Amazonas, Pará et Rio de Janeiro.
La justification du lancement du programme va au delà du besoin urgent de faire avancer la connaissance sur ce thème au Brésil, à un moment où les scientifiques se mobilisent à l’échelle mondiale pour comprendre les changements climatiques et adopter des mesures pour faire face aux conséquences. Vu qu’une série d’impacts et d’aspects liés au réchauffement de la planète affectent ou affecteront le Brésil en particulier, il incombe aux chercheurs brésiliens de les analyser et de découvrir des éléments de réponses. Pour Carlos Nobre, coordinateur du Programme FAPESP de Recherche sur les Changements Climatiques Mondiaux et du tout nouveau Centre des Sciences du Système Terrestre (CCST) de l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe), « les pays développés veulent engager tous les pays en développement dans la même grande bataille mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils sont inquiets de l’adaptation aux changements climatiques, mais pas de notre adaptation ».
La grande majorité des scientifiques est d’accord sur le fait que l’action humaine contribue de manière décisive aux changements climatiques en raison de l’émission de gaz et d’aérosols qui provoquent l’effet de serre. Les modifications continues du modèle de la couverture végétale au Brésil représentent notamment un important facteur régional du phénomène. En plus de nuire à la qualité de l’air, le brûlage de forêts est une source importante d’aérosols et de gaz traces. Le changement du régime des pluies, qui provoque une recrudescence d’événements extrêmes comme les sécheresses et les inondations, aura des effets économiques sur la production hydroélectrique, sur l’érosion du sol ou sur la quantité d’eau disponible. L’augmentation de la température aura un impact sur la biodiversité – en particulier dans des zones où la végétation d’origine s’est déjà fragmentée –, ou sur l’agriculture, avec l’apparition possible de nouveaux fléaux et l’impossibilité de maintenir dans leurs régions actuelles des cultures agricoles dépendantes de climats tempérés. L’élévation probable du niveau de la mer constitue autant un risque pour les millions de Brésiliens vivant sur la côte que pour les écosystèmes côtiers. Dans le domaine de la santé, on prévoit une augmentation de maladies comme la dengue et la malaria dans les régions les plus pluvieuses, ainsi que des troubles cardiaques et respiratoires aggravés par la pollution atmosphérique. Ce sombre tableau suscite une myriade de questions pour les chercheurs.
Carlos Nobre énumère certaines ambitions de cet effort de recherche, dont la réduction des incertitudes sur les causes des changements climatiques au Brésil : « nous observons les changements mais nous avons du mal à définir s’il s’agit d’un effet du réchauffement global ou de la déforestation. Il y a au Brésil une altération importante de la végétation parallèlement aux phénomènes climatiques, et parfois les signaux sont trompeurs. Comme les politiques publiques ont besoin de connaissances scientifiques solides, il faut investir dans des études qui nous permettront de comprendre les causes ». Un autre point de la recherche sera le relevé des vulnérabilités du pays en face des changements climatiques dans des domaines comme la santé, l’agriculture, les ressources hydriques et les énergies renouvelables : « Nous disposons de peu de connaissances sur les impacts futurs sur la vie des personnes et sur la société. En repérant nos vulnérabilités, nous réussirons aussi à ébaucher des politiques pour une adaptation nécessaire ».
Dans le but de mettre les chercheurs brésiliens en contact avec les meilleurs centres d’études sur les changements climatiques de la planète, le resserrement des collaborations internationales est un autre objectif du programme. La coopération est fondamentale ; le Programme International de Géosphère-Biosphère (IGBP) ou l’Intergouvernmental Panel on Climate Change (IPCC) sont notamment dans la ligne de mire du programme lancé par la FAPESP. D’autre part, le programme vise la connaissance et le développement sur le terrain de nouvelles technologies capables de réduire les effets des émissions de gaz à effet de serre, à l’exemple des énergies renouvelables, la possibilité d’adapter la société aux changements climatiques en incluant des partenariats avec le secteur privé. Dans le domaine de l’agriculture, une série de défis technologiques existent, telle que l’adaptation des cultures à des températures plus élevées. Selon Eduardo Assad, chercheur de l’Entreprise Brésilienne de Recherche en Agriculture et Élevage (Embrapa) et impliqué dans la coordination du programme de la FAPESP, « il existe de bonnes idées qui méritent d’être l’objet d’efforts de recherche, comme les systèmes agro-sylvo-pastoraux qui associent élevage de haute productivité, cultures agricoles et plantation d’arbres, ou les techniques comme l’arborisation de caféières […] Nous devons également perfectionner les mesures sur la capacité de l’agriculture à séquestrer le carbone ».
Un deuxième offre d’appels, d’une valeur de 2,6 millions de réais, a pour objectif spécifique de choisir un groupe de chercheurs chargé de créer le premier modèle climatique brésilien – un logiciel capable de procéder à des simulations sophistiquées sur les phénomènes climatiques. La nécessité de développer une compétence nationale se justifie : aujourd’hui, pour projeter les effets des changements climatiques on utilise des outils informatiques non spécifiques, qui sont en réalité des coupures de la prévision pour le monde entier. « Conquérir cette autonomie est stratégique pour le pays », souligne Carlos Nobre. « Le Brésil est grand, divers et il dispose d’une grande variété de climats sur son territoire. L’exploitation économique est fortement liée aux ressources naturelles, elle dépend en grande partie du climat. La capacité de faire des simulations plus spécifiques pour le Brésil et l’Amérique du Sud attestera de la bonne qualité des projections ». D’après lui, le Brésil va entrer dans le groupe restreint de pays qui ont un modèle climatique, à l’image des États-Unis, du Japon et de l’Angleterre. Grâce à cela, la communauté scientifique de ce domaine acquerra plus d’importance.
Le chercheur explique que le Brésil, pour développer et affiner le modèle climatique, ne partira pas de zéro : « nous allons établir des partenariats avec deux ou trois centres les plus performants mondialement et nous pourrons choisir quelques modules de leurs modèles pour les ajouter à notre modèle. Mais nous avons l’intention de développer un modèle compétitif et adapté pour comprendre ce qui se passe dans un pays aux dimensions continentales comme le nôtre ». Selon lui, au moins quatre années seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Brito Cruz, directeur scientifique de la FAPESP, évoque les attentes de la Fondation par rapport au modèle : « Nous aimerions qu’à un certain moment soit utilisé un scénario climatique créé par les chercheurs de São Paulo comme base pour les analyses de l’IPCC », dit-il en faisant référence au groupe de scientifiques réunis par les Nations Unies et qui actualise la connaissance sur les changements mondiaux tous les cinq ans. Pour Carlos Nobre, « l’aspect positif de l’appel d’offres est qu’il donnera lieu à des bourses de master, de doctorat et de post-doctorat. Avec cela, nous envisageons une formation de docteurs dans des domaines de grande complexité ».
La création du modèle climatique brésilien sera possible grâce à un investissement d’un montant de 48 millions de réais, annoncé il y a environ deux mois. Pour la recherche sur les changements climatiques, l’Inpe va abriter l’un des plus puissants ordinateurs au monde, capable de traiter 15 trillions d’opérations mathématiques par seconde. Sur ces 48 millions de réais, 35 millions viennent du Ministère des Sciences et de la Technologie (MCT) et 13 millions de la FAPESP. L’investissement associe la priorité de l’étude sur les changements climatiques définie par le MCT et le programme de la FAPESP. Sérgio Rezende, ministre des Sciences et de la Technologie, affirme : « Avec ce type d’outil informatique extrêmement puissant, il sera possible de coordonner le climat comme jamais personne ne l’aurait imaginé il y a 60 ans ».
L’Inpe s’est offert pour accueillir le secrétariat exécutif du nouveau programme et il se prépare déjà pour recevoir le superordinateur, qui sera mis en route à partir de 2009. La machine sera installée au Centre de Prévision Météorologique et d’Études Climatiques (CPTEC) situé dans la ville de Cachoeira Paulista (Vale do Paraiba). 30 % du temps du superordinateur sera réservé aux réseaux de chercheurs de tous les domaines liés au programme, pour leur permettre de simuler les effets du climat sur la santé humaine, sur la biodiversité, sur l’agriculture et l’élevage, etc. Le directeur scientifique de la FAPESP tient à souligner le soutien offert au programme par l’Inpe : en plus de recevoir le superordinateur, l’institut mettra à disposition du personnel spécialisé pour le support informatique. Cinq chercheurs seront embauchés pour cela et ils seront coordonnés par un scientifique-chef : « il s’agit d’un niveau de soutien institutionnel particulier, rarement obtenu dans nos programmes ».
Le caractère multidisciplinaire du programme impose d’autres défis. L’un des buts est de garantir l’articulation et la communication entre tous les chercheurs. « Il faut que les résultats des uns aident les résultats des autres », dit Brito Cruz. Cette stratégie répète l’expérience du Programme Biota-FAPESP qui a permis de décrire plus de 500 espèces de plantes et d’animaux disséminées sur les 250 000 km² du territoire de l’état de São Paulo. Ce programme a utilisé des protocoles d’intégration de projets pour permettre aux chercheurs de divers domaines de produire et de partager l’accès aux données recueillies sur la biodiversité de l’état de São Paulo. « Un de nos grands défis est de créer de la compétence en termes de modélisation de la biodiversité », affirme Carlos Alfredo Joly, professeur de l’Université d’État de Campinas (Unicamp), coordinateur du Biota-FAPESP et qui participe actuellement à la coordination des recherches sur la biodiversité du Programme de Changements Climatiques. « Nous sommes compétents pour faire des inventaires et pour caractériser les paysages et la perte d’habitats. Désormais nous devons intégrer ces données dans des modèles capables de simuler l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes et sur les espèces ».
Joly donne des exemples pratiques sur la manière dont la modélisation peut aider à comprendre les effets des changements climatiques : « Les changements climatiques peuvent altérer la période de floraison ou de fructification d’une espèce donnée. La modélisation mathématique permettra de faire une prévision détaillée des impacts du changement, de savoir si l’insecte ou l’oiseau pollinisateur sera présent au moment de la nouvelle floraison, s’il y aura réduction de la production de fruits et quel effet cela aura sur la survie des espèces dépendant de fruits pour se nourrir ». D’autres cibles probables pour les simulations sont les plantes ou les insectes invasifs, qui peuvent bénéficier des altérations dans les écosystèmes provoquées par les changements climatiques.
Au Brésil, la biodiversité interagit très fortement et de façon complexe avec les changements climatiques : elle affecte et est affectée par ce phénomène. « La biodiversité subit sans aucun doute les conséquences des changements climatiques, qui provoquent des modifications dans les habitats et peuvent entraîner la perte d’espèces dans des paysages fragmentés », observe Joly. « D’un autre côté, la biodiversité fonctionne aussi comme un amortisseur des effets des changements. Les forêts et le plancton marin par exemple, représentent un grand stock de carbone. Si la forêt disparaît, les conséquences seront grandes. L’humidité du Centre-Ouest et du Sud-Est vient de l’Amazonie. Si la forêt disparaît, cela affectera toute la superficie agricole de ces régions ». Parmi les thèmes du programme liés à la biodiversité se distinguent notamment : la reconstruction des modèles d’occurrence de la flore et de la faune dans le passé et leurs liens avec les changements climatiques ; les effets de l’augmentation de la quantité de CO2 dans la physiologie des plantes natives ; l’impact du déboisement sur des systèmes économiques et environnementaux ; une augmentation de la densité des études sur les systèmes aquatiques.
L’idée de lancer un programme pouvant intégrer des aspects multiples des changements climatiques est née du constat selon lequel la complexité des problèmes est incompatible avec le cloisonnement conventionnel des disciplines. D’autre part, l’adhésion des sciences humaines à l’effort déployé par les sciences physiques et naturelles constitue un élément essentiel pour saisir les causes et les conséquences de phénomènes qui sont, en fin de compte, provoqués par l’homme. D’après Pedro Leite da Silva Dias, professeur de l’Institut d’Astronomie, de Géophysique et de Sciences Atmosphériques de l’Université de São Paulo (USP), directeur du Laboratoire National d’Informatique Scientifique et ayant participé à la coordination du programme, « lors des discussions sur le format du programme, nous avons invité des personnes de divers domaines, comme l’économie, la santé, la biologie ou l’ingénierie, pour garantir son caractère articulé, inclusif et transversal ».
Un autre diagnostic indique que bien qu’il possède une masse critique sur le thème dans le champ des sciences naturelles, le Brésil pâtit d’un manque d’effort coordonné capable de réunir ses scientifiques et de produire des résultats plus globaux. « Le Brésil ne fait pas de petites recherches dans ce domaine. C’est l’un des leaders, même s’il souffre d’un manque d’articulation important entre les chercheurs », souligne Paulo Artaxo, professeur de l’Institut de Physique de l’Université de São Paulo (USP) et coordinateur de la partie du programme qui s’occupe du bilan sur la radiation atmosphérique et du rôle des aérosols. Artaxo se réfère notamment à la participation active de divers chercheurs brésiliens au sein de l’IPCC – Carlos Nobre et lui-même en sont des exemples. L’importance de la recherche brésilienne est également soulignée par Nobre : « Sur les 20 principales revues internationales, 1,5 % des articles sur la science du climat ou sur des thèmes disciplinaires liés sont écrits par des Brésiliens, et deux tiers ont été produits à São Paulo. Cet indice est un peu en deçà de la moyenne de la production universitaire brésilienne dans des revues indexées internationalement, responsable de 2 % du total, mais elle demeure importante ». Parmi les rares exceptions à la règle du manque de coordination, on peut évoquer le programme Biota-FAPESP, qui a rassemblé des chercheurs de différents domaines, et le Projet à Grande Échelle de la Biosphère-Atmosphère de l’Amazonie (LBA), qui a généré une quantité énorme d’informations sur les interactions entre l’Amazonie et le système climatique mondial. Pour Pedro Leite da Silva Dias, « nous aurons la chance d’utiliser des données recueillies par le LBA et d’autres programmes pour les utiliser dans des simulations informatiques qui permettent de réaliser des études sur, par exemple, l’interaction entre la forêt amazonienne, le Pantanal et le climat ».
L’une des innovations du programme est d’inviter des chercheurs des sciences humaines à participer. « Nous sommes très curieux de voir les propositions qui seront présentées », observe le démographe Daniel Joseph Hogan, professeur de l’Unicamp qui travaille au Centre d’Études sur la Population et d’Études et Recherches Environnementales de l’université. Hogan coordonne la recherche sur les dimensions humaines des changements climatiques. Il prédit quelques-uns des thèmes qui pourront surgir : « Il serait intéressant par exemple d’avoir des chercheurs du domaine des relations internationales qui présentent des projets sur les traités et les organismes supranationaux traitant des changements climatiques, pour voir comment ils défient le concept établi de souveraineté nationale ». Les questions de sécurité alimentaire, d’urbanisation et de transformation technologique de l’industrie en quête de durabilité sont d’autres sujets émergents.
Hogan rappelle que les scientifiques sociaux ont mis du temps à s’intéresser aux effets du réchauffement de la planète et qu’il a fallu l’appel de leurs collègues des sciences naturelles : « Les sociologues et les anthropologues ont du mal à aborder, sous une perspective à long terme, des phénomènes qui ne se sont pas encore produits. Ils sont plus habitués à le faire avec des phénomènes du passé ». L’une des références du Programme de Recherche sur les Changements Climatiques Mondiaux est l’International Human Dimensions Program (IHDP), créé en 1990 pour développer des programmes de recherche sur des thèmes critiques pour la compréhension de l’influence de l’homme sur le changement mondial et les conséquences de ces changements sur la société humaine.
Bien que d’autres pays devancent de loin le Brésil en matière d’études sur les dimensions humaines, Hogan observe que le degré de sophistication de ces recherches ne se situe pas au même niveau que celles de domaines comme la physique ou la météorologie, par exemple : « Il suffit de comparer les quatre comptes rendus de l’IPCC de l’an dernier. Le premier texte, qui porte sur la base scientifique accumulée sur le thème, a eu le plus de répercussion car il a réussi à définir les causes et les effets futurs des changements climatiques avec un degré de certitude élevé. Les autres textes, qui abordaient les dimensions humaines, étaient moins décisifs ». D’après lui, certaines généralisations calquées sur le sens commun ont besoin d’être analysées, à l’exemple de l’idée selon laquelle les pauvres souffriront davantage des changements climatiques. « Les pics de chaleur affectent surtout les jeunes enfants et les personnes âgées. Il faut créer des stratégies dans le champ des politiques publiques pour affronter ces événements extrêmes. Cela implique une préparation pour agir avant et après l’événement. Le Brésil n’en est encore qu’à ses premiers pas ».
En ce qui concerne la santé humaine, Paulo Saldiva, coordinateur de cette section et professeur de la Faculté de Médecine de l’USP, prévoit une construction complexe des réseaux de chercheurs : « L’approche est très différente des recherches traditionnelles sur la santé. Nous ne souhaitons pas seulement recueillir des données épidémiologiques ou évaluer des risques, nous voulons aussi intégrer des spécialistes en anthropologie, en gestion de la santé ou en urbanisation. […] Nous sommes en train de parler de phénomènes complexes. L’élévation de la température aura des impacts sur la santé parce qu’elle changera aussi la dynamique des villes. Il est possible que les habitants des zones rurales aient besoin d’émigrer vers les villes, avec une augmentation des bidonvilles et du coût de la santé. Je compare le défi à celui qui consiste à faire face aux maladies provoquées par la pollution à São Paulo. La médecine offre des outils incomplets pour affronter le problème, qui est devenu une question de planification urbaine ». Le professeur espère que surgiront des projets sur plusieurs de ces thèmes : « Si ce sont des propositions isolées, nous ferons en sorte de les intégrer et de faire travailler les chercheurs en réseau ».
Carlos Nobre, le coordinateur du programme, pense que le projet se mettra en route plus vite si la majorité des propositions présentées est déjà imprégnée de l’esprit d’interdisciplinarité qui caractérise le programme : « Il n’y a pas de limites pour les propositions. Elles peuvent concerner des recherches de base ou des recherches appliquées, sans restrictions. Le défi est que les groupes discutent entre eux. Plus les projets seront interinstitutionnels, plus la chance de réussite sera grande ».
Lors du lancement du programme, le secrétaire de l’environnement de São Paulo, Xico Graziano, a annoncé que le gouvernement de l’état allait envoyer à la Chambre des Députés un projet de loi sur les changements climatiques ; ce projet proposera des actions de réduction de l’émission de gaz dans l’état. Présent le jour de la cérémonie, l’ancien président de la République Fernando Henrique Cardoso a rappelé que l’effort des scientifiques devait également être d’informer et de faire participer la société, afin que la connaissance produite se transforme en actions concrètes : « Sans la pression de la société, il n’y a pas de revendication et les choses se passent plus difficilement. Même aux États-Unis, dont la posture est réactionnaire, les états, les municipalités et les entreprises ont pris des décisions pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre à l’encontre de Washington, parce que la base de la société participe au processus de compréhension des effets du réchauffement de la planète ». En vue de diffuser l’initiative et d’inciter à des partenariats internationaux, Fernando Henrique Cardoso a remis une copie du programme de la FAPESP à l’ancien président chilien Ricardo Lagos, actuel représentant de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur la question des changements climatiques.
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