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Innovation

De l’oxygène à la naissance

Le programme Pipe de la FAPESP a déjà financé plus de 2 000 startups technologiques à leurs débuts

Alexandre Affonso/Revista Pesquisa FAPESP

L’État de São Paulo représente 30 % du produit intérieur brut (PIB) du Brésil, mais il concentre 55 % des 875 entreprises brésiliennes de technologie profonde (deep techs), des startups de base scientifique fondées sur l’innovation de rupture. La donnée provient d’une enquête réalisée en 2024 par le cabinet de consultation Emerge Brasil. Selon cette enquête, l’agglomération est due à une plus grande disponibilité des soutiens financiers pour l’innovation des nouvelles entreprises à São Paulo par rapport à d’autres États du pays, l’accent étant mis sur le Programme de recherche innovante dans les petites entreprises (Pipe) de la FAPESP. Cette initiative soutient les projets de recherche des entrepreneurs qui souhaitent analyser la viabilité d’une innovation (Pipe-phase 1), mettre en place une technologie ou un processus innovant (phase 2) ou développer leurs produits et services (phase 3). Depuis 1997, le Pipe a déjà financé plus de 2 000 entreprises, dont 28 % des deep techs recensées dans le pays par Emerge Brasil.

Un exemple est Onkos Diagnósticos Moleculares, une startup spécialisée dans la biologie moléculaire et l’intelligence artificielle pour l’oncologie. Créée en 2015 dans la ville de Ribeirão Preto (région de São Paulo), elle a déjà eu cinq projets de recherche financés par le programme : des projets visant le développement de tests de diagnostic pour le cancer de la thyroïde et de la prostate et, plus récemment, la localisation de l’origine du cancer chez les patients atteints de métastases. Le produit phare de l’entreprise est un test de diagnostic et de pronostic des nodules thyroïdiens, utilisé par plus de 7 000 personnes dans 30 pays, qui a été conçu et perfectionné avec le soutien de trois projets Pipe. Marcos Tadeu dos Santos, biologiste moléculaire, fondateur et PDG d’Onkos qui emploie aujourd’hui 42 personnes, explique que « le premier Pipe que nous avons reçu nous a donné la possibilité de développer et de finaliser le test en seulement neuf mois. Ensuite, un deuxième projet a permis de réaliser un essai clinique avec environ 400 patients, au cours duquel l’utilité clinique de la méthode a été démontrée ; cela a permis de réduire d’environ 75 % les opérations inutiles de la thyroïde ». Un troisième projet Pipe, dans le cadre d’un appel d’offres en partenariat avec le Sebrae, a permis à l’entreprise d’élaborer un plan d’affaires et d’investir dans des outils de marketing. Aujourd’hui, l’entreprise envisage de solliciter un financement du Pipe pour rendre viable son processus d’internationalisation en Europe.

Le test vise à éviter les opérations chirurgicales inutiles de retrait de la thyroïde suite à des soupçons infondés de présence de tumeurs. Le diagnostic conventionnel du cancer de la thyroïde est fait à partir de biopsies analysées par des pathologistes et jusqu’à 30 % des nodules sont classés comme « indéterminés ». Pour des raisons de sécurité, la procédure standard dans ces cas est l’extraction de la thyroïde, qui oblige le patient à prendre un traitement hormonal substitutif pour le reste de sa vie. Or, seul un cas sur quatre cas incertains se révèle malin : cela signifie que trois chirurgies sur quatre dans les cas indéterminés sont inutiles. Le test créé par Onkos analyse les micro-ARN, de petites molécules régulatrices de l’acide ribonucléique (ARN), à l’aide d’un algorithme, et voit si le profil de l’échantillon prélevé s’apparente à celui d’un nodule bénin ou malin. Lorsqu’il conclut qu’il ne s’agit pas d’un cancer, il a raison dans 96 % des cas. « Jusqu’à présent, notre test a permis d’éviter au moins 4 000 opérations inutiles de la thyroïde », affirme le docteur Santos. Lorsqu’il indique qu’il s’agit d’un cancer, le taux de résultat positif est de 80 %.

Onkos a récemment fait les premiers pas pour produire et offrir le test en Europe. Après avoir participé à la FAPESP Week Spain, un symposium organisé par la FAPESP en novembre 2024 à l’Université Complutense de Madrid, Santos s’est inscrit et a été sélectionné pour un programme proposé par La Nave, le principal accélérateur de startups en Espagne : « Une publication de l’European Thyroid Association (ETA) a recommandé le type de test que nous faisons, mais personne en Europe ne répond à la demande. En plus de nous, trois autres entreprises américaines explorent ce type de technologie ». Santos est actuellement en train de rassembler et de produire la documentation nécessaire pour répondre aux normes réglementaires européennes. Il y a peu de temps, un projet de l’entreprise a été approuvé par l’Agence de financement d’études et de projets (Finep). L’objectif est de développer un test avec une technologie similaire à celle de la thyroïde, capable d’analyser la signature génétique de la tumeur du sein et d’identifier si le nodule est d’un type qui peut être combattu par des médicaments de chimiothérapie. L’idée est d’éviter que ce type de traitement soit utilisé sur des patientes qui n’en bénéficieront pas.

Le Pipe a également soutenu des entreprises telles que XMobots, qui est aujourd’hui l’un des principaux fabricants latino-américains de véhicules aériens sans pilote, ou drones. L’entreprise est basée à São Carlos, une ville située à 240 kilomètres de São Paulo. Elle a réussi à monter son premier drone pour le tester après l’approbation d’un projet Pipe phase 1 en 2009. Par la suite, trois autres projets ont été approuvés dans le cadre du programme pour développer des applications de drones à usage civil et militaire. Spécialisée dans le développement et la fabrication de drones qui décollent et atterrissent verticalement, l’entreprise est aujourd’hui active dans l’agriculture de précision et les géotechnologies de logiciels, défense et environnement. En 2022, Embraer a acquis une participation minoritaire de Xmobots.

Autaza, une entreprise basée dans le parc technologique de São José dos Campos, à 90 kilomètres de São Paulo, développe des solutions basées sur l’intelligence artificielle avancée pour l’inspection de qualité. Avec le soutien du Pipe, elle a créé des systèmes pour analyser des surfaces et contrôler la qualité de différents types de pièces, des tôles embouties aux peintures automobiles, en passant par les fuselages d’avion. « Notre logiciel inspecte et contrôle en garantissant une analyse précise et standardisée, sans dépendre de la perception humaine », explique Renan Padovani, associé d’Autaza. Issue d’un projet en partenariat avec General Motors et l’Institut technologique de l’aéronautique (ITA), l’entreprise a étendu ses activités à d’autres segments tels que l’odontologie, les peintures et la beauté. Un exemple est Colorize, un colorimètre qui utilise l’intelligence artificielle pour mesurer avec précision les tons de la peau et de surfaces ; il offre des solutions innovantes pour différentes industries. « Nous offrons des systèmes personnalisés pour répondre aux demandes spécifiques de chaque secteur », ajoute Padovani.

 Selon l’économiste Carlos Américo Pacheco, directeur président du conseil technico-administratif de la FAPESP, la Fondation joue le rôle de principale agence publique de financement pour les entreprises technologiques du pays, en intervenant dans les phases initiales : « Au début, elles n’ont pas encore de recette. Au Brésil et dans de nombreuses autres parties du monde, le marché ne fonctionne pas dans ce segment, car il est difficile d’évaluer l’entreprise pour procéder à un apport de capital ». Le programme a créé d’autres initiatives, comme le Pipe Start, qui soutient les entrepreneurs dans le processus de validation initiale de solutions technologiques innovantes, et le Pipe-TC, qui encourage les startups à effectuer une preuve de concept de recherches provenant d’établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Un autre développement récent est l’apport de ressources par la FAPESP d’un fonds d’investissement (FIP) en partenariat avec la Banque brésilienne de développement économique et social (BNDES) et d’autres institutions financières. « Nous travaillons actuellement avec cinq FIP, qui financent des entreprises issues du Pipe. Nous avons aussi sélectionné deux groupes d’investisseurs providentiels et deux plateformes d’investissement participatif (crowdfunding) pour lever des fonds et contribuer aux entreprises qui font partie du Pipe. Ce sont des moyens d’aller au-delà du financement de la recherche, pour soutenir ces entreprises dans leurs phases de croissance », précise Pacheco.

Généralement, les bénéficiaires du programme développent des technologies ou des innovations dérivées d’une connaissance produite dans les universités ; l’État de São Paulo est connu pour créer des environnements d’innovation autour de ses six grandes universités publiques, de l’Institut technologique de l’aéronautique (ITA) et d’institutions de recherche comme le Centre national de recherche sur l’énergie et les matériaux (CNPEM) et l’Institut de recherche technologique (IPT). IdeeLab, une startup de biotechnologie appliquée à l’agriculture installée dans le parc technologique de Piracicaba (région de São Paulo) a été fondée par deux biologistes qui se sont éloignés du milieu universitaire : le phytopathologiste Sérgio Pascholati, chercheur retraité de l’École supérieure d’agriculture Luiz de Queiroz de l’Université de São Paulo (Esalq-USP), et Ronaldo Dalio, qui avait déjà effectué trois stages postdoctoraux, le dernier sous la supervision de Pascholati. En travaillant ensemble sur des micro-organismes capables de produire des bio-intrants pour l’agriculture, ils ont remarqué un intérêt croissant de la part des entreprises pour la formation de partenariats et y ont vu une opportunité d’entrepreneuriat. « Nous sommes le pays qui utilise le plus de bio-intrants dans l’agriculture, comme engrais ou pour lutter contre les parasites, et nous avons le potentiel pour développer des innovations dans ce domaine », déclare Dalio.

Le début des opérations en 2020 a été rendu possible par la concession quasi simultanée de deux projets du programme Pipe pour le développement de produits biotechnologiques : l’un basé sur le champignon Memnoniella levispora, pour le contrôle des parasites, et l’autre, un biofertilisant basé sur un type de bactérie que l’on trouve dans différents types de plantes. Dalio signale que les projets leur « ont permis d’embaucher des étudiants boursiers qui ont contribué au développement des premières innovations ». Cinq ans plus tard, IdeeLab est toujours basée à Piracicaba, mais elle a ouvert une filiale à Londrina, dans l’État du Paraná. Ses clients sont d’autres entreprises : elle développe des ensembles biotechnologiques sur commande et les transfère à ses clients. Elle est rémunérée pour son travail et peut également recevoir des royalties pour l’exploitation économique de ses solutions. En cinq ans, elle a licencié au moins 30 produits, dont des engrais, des herbicides, des insecticides et des bactéries qui favorisent l’équilibre nutritionnel des plantes. Elle emploie actuellement 32 personnes et vient de s’associer à un responsable développement (business developer) aux États-Unis pour se lancer sur le marché nord-américain.

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