Publié en Février 2011
Ceux qui travaillaient déjà avec la lumière synchrotron pour étudier des protéines, des os de fossiles, des roches, des médicaments ou des matériaux pour ordinateurs, ont revu leur plan d’activités après avoir pris connaissance des travaux d’autres groupes de recherche. Ceux qui en savaient encore peu sur ce domaine ont découvert que ce type de lumière pouvait avoir des applications universitaires et industrielles. Du 17 au 25 janvier 2011, 18 spécialistes de six pays (parmi lesquels un prix Nobel de chimie et un autre de physique) se sont réunis avec des chercheurs et 76 étudiants de troisième cycle de 24 pays (dont 13 Brésiliens) à l’occasion de l’École São Paulo de Science Avancée (ESPCA) du Laboratoire National de Lumière Synchrotron (LNLS) de Campinas. L’ESPCA est une modalité lancée en 2009 par la FAPESP pour financer l’organisation de cours de courte durée dans le domaine de la recherche avancée au sein des différents champs de la connaissance de l’État de São Paulo.
Antonio José Roque da Silva, directeur du LNLS, observe : « Nous voulons augmenter la visibilité du laboratoire pour des chercheurs potentiels de l’étranger. Alors que nous débutons en ce moment le projet d’un nouvel anneau de lumière, nous devons penser à l’avenir et voir ce que les autres font ». Nommé Sirius, le nouvel anneau doit avoir 460 m de circonférence – l’actuel en compte 93 m – et une énergie beaucoup plus grande. Seule source de lumière synchrotron en Amérique latine et l’une des deux existantes dans l’hémisphère sud, à côté de l’Australie, le LNLS travaille avec des chercheurs universitaires et des entreprises brésiliennes et étrangères.
Parfois, le contraste avec d’autres pays est grand. « Alors que beaucoup d’entreprises brésiliennes continuent encore d’essayer d’utiliser la ligne de lumière synchrotron pour améliorer la qualité de leurs produits, l’entreprise japonaise Toyota utilise sa propre ligne », indique Silva. Ancienne utilisatrice de l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) de Grenoble, la compagnie a décidé de construire sa propre ligne, qui fonctionne au Japon depuis 2009. Gemma Guillera est une chercheuse qui a travaillé en collaboration avec Toyota. Elle raconte que cette ligne de lumière doit appuyer le développement de nouveaux catalyseurs pour la réduction de polluants, de batteries et de cellules à combustibles : « la spectroscopie d’absorption de rayon X [une des formes d’analyse au moyen de la lumière synchrotron utilisées par l’équipe de Toyota] fournit des informations sur les longueurs des liaisons atomiques, le type et le nombre d’atomes ».
Les chercheurs et les étudiants ont pu voir comment émergent les recherches, et combien l’apparition de résultats substantiels peut être longue. L’Israélienne Ada Yonath dit avoir travaillé pendant presque 30 ans dans son laboratoire de l’Institut Weizmann, en Israël, et sur des sources de lumière synchrotron des États-Unis, d’Allemagne et du Brésil avant de découvrir la structure et la fonction des composants cellulaires ribosomes, essentiels pour la production de protéines.
Pour aller de l’avant, Ada Yonath et d’autres spécialistes devaient obtenir des cristaux de ces composants cellulaires. Si cela a été jugé impossible durant des décennies, ils y sont finalement parvenus par l’intermédiaire du refroidissement des cellules. La maîtrise de la technique et l’avancée conséquente de la connaissance sur les ribosomes ont fait gagner aux trois chercheurs le prix Nobel de chimie de 2009 : aux côtés d’Ada Yonath ont participé Venkatraman Ramakrishnan, du Laboratoire anglais de Biologie Moléculaire de Cambridge, et Thomas Steitz, de l’Université américaine Yale. À la fin de sa présentation, Yonath a remercié l’Institut Weizmann pour lui « avoir permis de poursuivre [ses] rêves ».
Nouvelles mémoires
Le physicien français Albert Fert, chercheur du Centre National de Recherches Scientifiques (CNRS) et l’un des lauréats du prix Nobel de physique 2007, a présenté les fondements et les applications de la spintronique, un nouveau type d’électronique qui n’explore pas la charge électrique mais le spin (sens de la rotation) des électrons. Il s’agit de la base de mémoires informatiques ultra puissantes que des entreprises des États-Unis, de France et du Japon doivent lancer dans les prochains mois.
Fert et le physicien allemand Grünberg ont reçu le prix Nobel de physique de 2007 pour l’identification simultanée, en 1988, de la magnétorésistance géante – un effet mécanique quantique observé dans des matériaux composés de matériaux magnétiques et non magnétiques qui résultent en une variation intense de la résistance électrique avec le champ magnétique. Cet effet a permis d’augmenter la mémoire d’ordinateurs et de téléphones portables ; et à présent elle va augmenter encore plus grâce à une nouvelle génération de dispositifs sur la base de la spintronique.
Ceux qui ont partagé le déjeuner de Fert ont constaté qu’il n’évoque pas seulement avec plaisir les ordinateurs du futur, mais aussi ses propres vacances. Âgé de 73 ans, Fert pratique le windsurf, généralement en France et dans les Caraïbes. Il est déjà allé deux fois à Botafogo (Rio de Janeiro) non pas pour parler de physique, mais pour surfer.
Republier