Publié en juin 2009
Le 20 avril 2006, une équipe du Groupe Optique Quantique de l’Institut de Physique de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) a publié un article dans la revue scientifique britannique Nature, dans lequel elle annonçait la première mesure directe de l’un des phénomènes les plus étranges et les plus fascinants du monde quantique : ledit enchevêtrement ou enlacement de particules tels que les atomes, les électrons ou les particules élémentaires de lumière, les photons. Le 27 avril 2007, les chercheurs brésiliens ont publié dans le magazine nord-américain Science un autre article important sur ce champ complexe d’étude de la physique ; ils y ont montré comment l’enchevêtrement, propriété essentielle pour le développement d’un ordinateur quantique, peut soudainement disparaître, être victime d’une sorte de mort subite. Cette même équipe de scientifiques – composée des chercheurs Luiz Davidovich, Paulo Henrique Souto Ribeiro et Steve Walborn – a apporté une nouvelle contribution importante le 14 mai 2009, avec la parution d’un travail sur le site Internet de Science : dans ce travail, ils for mulent et démontrent expérimentalement une loi décrivant la dynamique de l’entrelacement.
Dans le langage du commun des mortels, les physiciens de Rio de Janeiro ont créé une équation générale qui leur permet d’estimer avec précision et de manière simple la perte d’enchevêtrement d’un système formé de deux particules lorsque l’une d’elles subit les effets nuisibles du milieu. Des facteurs externes à un système doté de ces caractéristiques, comme l’attrition ou la température, peuvent entraîner une diminution et même une disparition de l’enchevêtrement. La nouvelle méthode ne nécessite pas la reconstruction de l’état final d’un système enchevêtré, une tâche difficile et aux résultats parfois imprécis.
Davidovich, l’auteur principal de l’étude qui a compté sur la collaboration de deux étudiants de 3e cycle, Camille Latune et Osvaldo Jiménez Farías, explique : « Jusqu’à présent, il n’existait qu’une seule équation, proposée dans un travail théorique publié en 2008 dans la revue Nature Physics pour décrire la dynamique de l’enchevêtrement dans un cas très particulier et idéalisé : un système dont l’état initial était totalement connu. […] Notre équation est une généralisation de l’équation précédente et sert également pour des situations plus proches du réel, quand il existe une incertitude sur l’état initial du système ». L’influence du milieu sur l’une des particules du système enchevêtré a été démontrée par les scientifiques brésiliens dans une expérience avec des photons utilisant une méthode connue parmi les physiciens sous le nom de « tomographie quantique de processus ».
Défini par Albert Einstein comme quelque chose entouré par une « action fantasmagorique à une distance », l’enchevêtrement quantique est un phénomène étranger au monde de la physique classique, newtonienne, dans laquelle nous vivons. Comme par magie, elle fait en sorte qu’un ensemble de particules élémentaires partage certaines caractéristiques, et ce même s’il n’y a aucune liaison physique entre elles. Le problème est qu’il n’est pas possible de déterminer les propriétés de chacune des particules enchevêtrées, mais seulement du système global. Si le lecteur visualise deux dés enchevêtrés à la place de deux particules élémentaires, il peut mieux comprendre ce concept déconcertant de l’univers quantique. Parce qu’ils présentent une forte corrélation quand ils sont lancés, les dés donnent toujours le même résultat : la somme de leur valeur est, par exemple, de dix. Le résultat final du système est connu et facilement mesurable, cependant on ignore la combinaison numérique (cinq et cinq, sept et trois, huit et deux, ou n’importe quelle autre) qui a donné cette somme. Mais puisque les dés sont enchevêtrés, déterminer la valeur de l’un d’eux permet de découvrir automatiquement celle de l’autre.
Dans l’expérimentation décrite dans la revue Science, l’équipe de Davidovich a produit – au moyen de l’émission d’un faisceau laser sur un cristal – des couples de photons enchevêtrés par rapport à un de leurs paramètres physiques : la polarisation (la direction spatiale, verticale ou horizontale, où vibre leur champ électromagnétique). Autre paramètre des photons, le moment (associé à leur direction de propagation, à leur parcours dans l’espace) a agi dans l’expérimentation comme milieu extérieur au système. En produisant une interaction entre le moment de l’un des photons et la polarisation, les chercheurs ont observé une réduction du degré d’enchevêtrement du système et constaté que leur équation pouvait rendre compte de cette perte d’intrication. « Nous avons franchi un petit pas dans la compréhension de la dynamique de l’enchevêtrement, capable d’aider à construire des systèmes quantiques plus robustes et plus stables », souligne Davidovich dont l’équipe fait partie de l’Institut National de la Science et de la Technologie en Information Quantique. Emmagasiner, transmettre et traiter l’information en exploitant les propriétés inusitées du monde quantique est l’un des enjeux de l’informatique du XXIe siècle. Mais il faudra encore beaucoup de recherches basiques et appliquées avant qu’un PC mû par des atomes ou des photons se matérialise dans les foyers.
Article scientifique
FARÍAS, O. J. et al. Determining the dynamics of entanglement. Science Express Reports, publié sur le site Internet le 14/5/2009.