Publié en octobre 2009
D’ici un siècle, les changements climatiques vont entraîner des modifications profondes dans la nature et l’agriculture brésiliennes. Il est possible que le jaguar, le plus grand félin des Amériques, ne rencontre plus de zones appropriées pour vivre en Amazonie. Le Cerrado pourrait également disparaître définitivement de la région ouest de l’État de São Paulo. Les pertes en matière de culture de soja pourraient s’élever à 40%, ce qui représenterait un manque à gagner annuel de 4,3 milliards de réaux. Il s’agit là de certaines projections faites par des chercheurs préoccupés par les transformations climatiques et qui appartiennent au Groupe Intergouvernemental sur les Changements Climatiques (IPCC). Ces projections, qui permettent aux écologistes et aux agronomes d’oublier un instant le présent pour se pencher sur l’avenir, sont des modèles mathématiques qui définissent en quelques paramètres les conditions environnementales essentielles pour chaque espèce, et simulent les évolutions du climat en utilisant différents scénarios de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
« Les unités de conservation actuelles peuvent s’avérer inutiles pour préserver les espèces », alerte Paulo De Marco Júnior, de l’Université Fédérale de Goiás (UFG). Il dirige, avec José Alexandre Diniz-Filho, le Laboratoire d’Écologie Théorique et de Synthèse, l’un des principaux groupes de recherche brésiliens utilisant des modèles écologiques. Pour l’écologue de l’UFG, il est inutile de déterminer une zone de forêt à protéger si elle n’a aucune chance, dans l’avenir, d’abriter la diversité biologique que l’on souhaite maintenir. C’est le cas du jaguar (Panthera onca), thèse de doctorat de Natália Tôrres, orientée par José Alexandre Diniz-Filho.
A l’aide de 1 053 relevés sur le jaguar de la banque de données de l’Institut Onçapintada (Jaguar), Natália Tôrres a défini les conditions climatiques idéales pour les jaguars en se basant sur des paramètres relatifs aux précipitations et à la température. Bien qu’ils puissent vivre dans des environnements variés, allant des forêts denses, humides et sombres du coeur de l’Amazonie aux régions arides de la Caatinga (forêt d’épineux), des études menées à l’aide de pièges photo et du suivi de ces grands félins montrent qu’ils préfèrent les forêts fermées proches des cours d’eau avec des températures oscillant entre 20 et 25 degrés Celsius et des pluies durant une grande partie de l’année. Le modèle qui a ainsi passé son premier test, a été élaboré en se basant sur la répartition actuelle des jaguars et a ensuite été appliqué aux conditions climatiques passées. La répartition trouvée dans cet exercice de prévision du passé, coïncide avec les données historiques de l’époque, quand les jaguars circulaient dans pratiquement tout le Brésil, dans une zone deux fois plus grande que celle d’aujourd’hui et qu’ils marquaient l’imaginaire populaire.
Les données de Natália Tôrres, publiées à la fin de l’année 2008 dans la revue Cat News, prévoient pour les cent prochaines années une grande diminution des zones les plus propices aux jaguars. En Amazonie, par exemple, ces zones idéales pourraient se limiter à une région appelée arc de déforestation, qui inclut le nord de l’État du Mato Grosso et le sud de l’état du Pará, où la pression de la culture du soja et de canne à sucre est plus grande. L’enjeu est désormais d’y trouver des zones capables de subvenir aux besoins de ces populations de grands prédateurs et qu’elles puissent être préservées.
« Il est important de souligner que le modèle indique une présence possible de l’espèce et que ce n’est pas nécessairement là qu’elle se trouvera », déclare Natália Tôrres. Elle ajoutera au modèle climatique des informations plus détaillées comme la taille des taches de végétation. Elle prétend ainsi définir les zones prioritaires de préservation du jaguar. Une zone prometteuse se situe au sud de l’Amazonie, le long du fleuve Araguaia, qui prend sa source à la frontière du Mato Grosso et de l’État de Goiás et qui s’étend jusqu’au nord pour se jeter dans le fleuve Tocantins, à la frontière des états du Maranhão, du Pará et du Tocantins. « On trouve encore là-bas des zones bien préservées », déclare Natália Tôrres, « il s’agit d’un couloir important pour les jaguars car il relie l’Amazonie et le Cerrado ». Il coïncide avec une partie de la zone qui devra être préservée pour la survie des jaguars. Cette prévision doit être encore améliorée par des analyses plus détaillées. Le climatologue Carlos Nobre, de l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe), est surpris de voir que le modèle n’indique pas la présence de jaguars dans l’ouest de l’Amazonie. « Tous les modèles prévoient qu’il y aura là des forêts denses et humides », affirme-t-il.
La chercheuse sait pertinemment que le jaguar est capable de vivre dans des environnements très variés. La diminution de ces zones ne signifie doncpas nécessairement la disparition de ces félins. « Les changements climatiques ne devraient pas affecter leur répartition générale, mais si la qualité de l’environnement devait avoir un effet sur l’abondance des animaux, cela serait préoccupant pour le maintien de ces populations ». Elle cherche maintenant à réunir des informations pour suggérer des zones de préservation qui devront nécessairement tenir compte de la taille des zones restantes, les grands prédateurs ont besoins de beaucoup d’espace pour avoir des ressources suffisantes.
Les amphibiens, plus sensibles aux conditions environnementales et moins mobiles, sont de bons indicateurs de l’état des forêts. « Ils dépendent de la température et de l’humidité du milieu, c’est pour cela qu’ils sont limités à leur environnement », déclare João Giovanelli, de l’Université Publique Pauliste (Unesp) à Rio Claro. Il a utilisé des modèles écologiques pour analyser la répartition future des amphibiens de la Forêt Atlantique comme celle des grenouilles qui ne vivent que sur le haut des montagnes et d’une rainette avec des habitudes plus variées.
En considérant un scénario pour 2100 avec deux fois plus de gaz carbonique (CO2) qu’à l’époque préindustrielle (une des possibilités prévues par d’autres chercheurs), certaines espèces de petites grenouilles dorées du type Brachycephalus, de la taille du gros orteil, peuvent disparaître. Elles ne vivent que dans les zones humides et sur les hauteurs de la Forêt Atlantique où l’élévation de la température pourrait modifier le régime des brouillards et éliminer ainsi une grande partie de ces forêts qui ne pousseraient plus qu’à des dizaines ou des centaines de mètres plus haut si les conditions essentielles sont réunies. Même si cela devait arriver, le processus de migration de la forêt sera long et les minuscules grenouilles qui ressemblent à des gouttes d’or sur les feuilles qui tapissent le sol de la forêt pourraient, pendant ce temps, perdre leur milieu. Les Brachycephalus peuvent perdre plus de la moitié de leur milieu et diverses espèces peuvent disparaître, conformément au chapitre du livre; La biologie et les changements climatiques au Brésil, écrit par le groupe de l’Unesp, dont fait partie le zoologue Célio Haddad, édité par Marcos Buckeridge, de l’Université de São Paulo, et publié l’année dernière par la maison d’édition RiMa.
João Giovanelli montre également que certaines espèces s’en sortiront mieux que d’autres. La grenouille Hypsiboas bischoffi, par exemple, peut profiter des périodes de froid moins intenses dans certaines zones du Rio Grande do Sul et augmenter ainsi sa zone de répartition de 57%.
Environnements mobiles
Le modelage écologique peut aider à prévoir le destin d’écosystèmes entiers. C’est ce que fait le groupe de Carlos Nobre. « Nous définissons le biome grâce à un ensemble de paramètres climatiques qui considèrent l’humidité du sol, les températures, l’évapotranspiration des plantes et la résistance au feu, entre autres », explique le climatologue. Le groupe estime, par exemple, qu’à la fin de ce siècle, l’Uruguay, aujourd’hui très froid, pourrait abriter la Forêt Atlantique. Les résultats, publiés en 2007 dans le Geophysical Research Letters, indiquent également que seules des plantes adaptées aux conditions de la savane, résisteront dans certaines régions de l’Amazonie. « Le modèle ne permet cependant pas de parler de migration des biomes qui est un processus écologique très lent et très complexe », déclare-t-il.
La botaniste Marinez Siqueira, du Jardin Botanique de Rio de Janeiro, a basé sa thèse de doctorat, orientée par Giselda Durigan, de l’Institut Forestier de l’État de São Paulo, sur l’effet des changements climatiques sur les arbres du Cerrado, végétation typique du centre du Brésil. Ce travail a débouché sur un article publié en 2003 dans la revue Biota Neotropica, où Marinez Siqueira modélise la répartition de 162 espèces d’arbres sur 50 ans et qui indique une réduction drastique de la zone occupée par la plupart d’entre eux. Les conditions idéales pour le Cerrado doivent se déplacer vers le sud de la région de cet écosystème, pour arriver près de la frontière des états de São Paulo et du Mato Grosso do Sul.
Marinez Siqueira détaille maintenant ce qui devra se passer à São Paulo, comme elle l’a déjà fait lors de la Conférence Internationale sur l’Informatique de la Biodiversité qui s’est tenue à Londres. Sur des projections élaborées pour 2020 et 2080, elle montre que les conditions climatiques idéales pour le Cerrado devront se déplacer vers l’est de l’état, près de la Serra do Mar, qui abrite actuellement la Forêt Atlantique. « Mais cela ne veut pas dire que le Cerrado va envahir les zones de Forêt Atlantique ».
En effet, la répartition des espèces au niveau régional n’est pas seulement définie par le climat. « Les températures et les précipitations seules, ne conditionnent pas la présence d’espèces dans le Cerrado », déclare la chercheuse du Jardin Botanique carioca. Les espèces présentes dans une région déterminée dépendent en partie de la capacité de rétention de l’eau par le sol. Il s’agit d’une catégorie de données qui n’a pas été considérée dans les modèles qu’elle a utilisés. La prochaine étape sera d’y remédier.
Des modèles plus complets aideront à imaginer l’avenir des oiseaux du Cerrado. L’écologue Miguel Ângelo Marini, de l’Université de Brasilia (UnB), a dirigé une étude qui a réalisé des projections sur l’avenir de 26 espèces d’oiseaux en 2030, 2065 et 2099. Selon les résultats publiés en juin sur le site du Conservation Biology, la plupart de ces oiseaux devrait se déplacer d’environ 200 kilomètres vers le sud-est, justement la région la plus urbanisée du pays. Dans l’État de São Paulo, par exemple, on estime qu’il reste moins de 1% du Cerrado original. « Il ne suffit pas que le climat soit bon pour les oiseaux si la végétation du Cerrado tarde à arriver », déclare Marini, qui entrevoit une réduction des zones occupées par toutes les espèces étudiées, ce qui raréfiera encore plus les oiseaux qui ont déjà une zone de répartition limitée. Il a montré, en analysant ces zones, dans un article publié dans la revue Biological Conservation, que les oiseaux du Cerrado sont déjà peu protégés aujourd’hui et qu’ils le seront encore moins dans l’avenir. « Nous sommes en train d’identifier de possibles endroits destinés aux unités de conservation dans des région de l’État du Minas Gérais où le climat actuel coïncidera à celui d’ici 50 ans ».
Il est essentiel de planifier la préservation en regardant l’avenir, il se peut que les zones qui ont été définies comme prioritaires pour l’État de São Paulo durant un workshop de spécialistes en 2007, n’aient plus les conditions climatiques nécessaires pour abriter le Cerrado en 2080, selon les projections de Marinez Siqueira. « Les zones du Cerrado qui existent déjà dans la région est de l’état ont acquis une grande importance », affirme-t-il. C’est le cas des enclaves de Cerrado du Vale do Paraíba, dans la partie nord de l’État de São Paulo, situées entre la Serra do Mar et la Serra da Mantiqueira, région déjà très modifiée par l’activité humaine et où il reste peu de fragments de végétation native. Marinez Siqueira estime que cela vaut quand même la peine d’y établir des zones de préservation.
Risque calculé
Les mêmes principes peuvent aider à planifier la culture des principales denrées brésiliennes. C’est ce que l’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole (Embrapa) a fait en partenariat avec l’Université Publique de Campinas (Unicamp), l’Inpe et le soutien de l’Ambassade de Grande-Bretagne. Selon un article paru l’année dernière, coordonné par l’ingénieur agronome Hilton Silveira Pinto, de l’Unicamp, et l’ingénieur agricole Eduardo Assad, de l’Embrapa, le réchauffement global entraînera déjà en 2020 une perte annuelle de 7,4 milliards de réaux en matière de récolte de grains, si rien n’est fait. Ce chiffre pourrait s’élever à 14 milliards de réaux annuel en 2070. Le rapport s’est attaché à analyser les endroits qui offriront les conditions climatiques idéales pour les cultures les plus représentatives du Brésil. La totalité de ces cultures basées sur le coton, le café, la canne à sucre, les haricots, le tournesol, le manioc, le maïs et le soja, correspond à 86% de la zone plantée dans le pays.
Le groupe a considéré deux scénarios. Le plus pessimiste considère une augmentation de la température se situant entre 2°C et 5,4°C jusqu’en 2100, ce qui est plausible si rien n’est fait pour réduire les émissions. Le scénario le plus optimiste prévoit une augmentation de la température se situant entre 1,4°C et 3,8°C jusqu’en 2100, du moment que la croissance de la population humaine se stabilise, que les ressources naturelles soient préservées et que les émissions de gaz à effet de serre diminuent. « Si le Brésil reste stable dans l’inaction », ironise Hilton Pinto, « les préjudices seront les suivants »: les pertes en matière de production de soja, qui est la culture qui souffrira le plus, peuvent dépasser 7 milliards de réaux annuels en 2070, accompagnées de la disparition des zones cultivables, principalement dans la Région Sud et dans le Cerrado nordestin. Avec une température inférieure à 10°C les plantes ne poussent pratiquement plus, et avec une température supérieure à 40°C, elles ne fleurissent plus normalement et ont tendance à perdre leurs grains. En outre, le soja a besoin de beaucoup d’eau durant la germination et entre la floraison et la production des grains.
Les changements sont déjà en train de se produire. « Le café de l’ouest de São Paulo a migré vers le nordest de l’état, dans la région Mogiana», déclare Hilton Pinto. Lors de conversations avec des caféiculteurs, il a constaté que de 1995 à nos jours, des vagues de chaleur ont compromis de manière exponentielle la floraison durant des mois normalement peu chauds, comme le mois de septembre, ce qui provoque l’avortement des fleurs. Les dégâts ne vont cependant pas se généraliser. «La canne à sucre aime les températures chaudes avec des teneurs en CO2 plus élevées », dit-il. Selon ses calculs, même en ne faisant rien pour adapter ces cultures aux nouvelles conditions climatiques, la zone appropriée de production pourrait déjà augmenter d’environ 150% en 2020.
Le groupe est maintenant en train d’évaluer le montant que le Brésil devra investir pour produire des plantes adaptées aux nouvelles conditions climatiques. Selon l’ingénieur agronome de l’Unicamp, le coût de production de chaque nouvelle variété s’élèvera à 1 million de réaux par an. Ces données font partie d’une nouvelle revue qui sera lancée ce mois-ci, et qui se focalise sur l’atténuation et l’adaptation. Comme il faut dix ans pour développer une nouvelle variété, l’addition s’élèvera à 10 millions de réaux pour chacune d’entre-elles.
Les projections peuvent avoir des applications directes dans la pratique, à travers le Zonage des Risques Climatiques qui évalue les risques pour chaque culture et pour chaque commune du pays. Une probabilité de succès d’environ 80% permettra au cultivateur d’obtenir un financement. « Il s’agit d’un système qui représente 19 milliards de réaux destinés au financement de l’agriculture familiale », déclare le chercheur.
Bien que sa production soit faible au Brésil, la culture du tournesol possède un grand atout en termes de superficie, d’environ 4,4 millions de kilomètres carrés. Cette superficie devrait être réduite de 18% jusqu’en 2070, principalement dans l’agreste et le Cerrado nordestins. Cependant un fléau menace davantage ces cultures que les changements climatiques. Il s’agit des chenilles du papillon Chlosyne lacinia, qui mangent les feuilles et qui entraînent une chute de productivité pouvant atteindre 80%. Cet insecte connu au Brésil sous le nom de fléau du tournesol a été l’objet de la thèse défendue par la biologiste
Juliana Fortes, de l’Université Fédérale de Viçosa, en partenariat avec Paulo De Marco. Dans sa thèse de master orientée par Evaldo Vilela, la chercheuse a utilisé un scénario qui prévoit une augmentation de 2,6°C durant les 100 prochaines années. Juliana Fortes a constaté que l’élaboration du modèle en considérant l’espèce comme un tout peut déboucher sur une répartition erronée, car dans le cas de ces papillons, chaque sous-espèce est régie par des exigences environnementales différentes. Seule l’espèce C. lacinia saundersii, la plus répandue au Brésil, est considérée comme étant le fléau du tournesol.
Si les changements climatiques se vérifient ils peuvent être de bon augure pour le tournesol car ils doivent diminuer la superposition entre la chenille et les zones appropriées à la culture des fleurs jaunes riches en huile. La thèse de master, approuvée cette année, nous met également en garde, car si la sous-espèce de chenille C. lacinia lacinia, typique de l’Amérique Centrale, est introduite au Brésil, elle pourra profiter des changements climatiques et s’adapter dans une bonne partie du centre et du nord-est du pays. « Si cela devait se produire, au lieu d’assister à une réduction la zone de prévalence, la possible hybridation de la sous-espèce lacinia avec la saundersii pourrait, dans l’avenir, représenter une augmentation de la zone occupée par l’espèce au Brésil », spécule Juliana Fortes, craignant ainsi de plus grands dégâts sur le tournesol.
Avenir en construction
L’utilisation de modèles est chaque fois plus répandu et peut devenir un outil essentiel pour faire face aux changements climatiques, mais ils sont encore en cours d’amélioration, à mesure que la connaissance avance. Il y a des dizaines de modèles différents et chacun accorde une importance distincte aux différentes variables climatiques. De nombreux chercheurs appliquent plusieurs modèles pour parvenir à un consensus et élaborer ainsi les cartes de la future répartition. « Notre travail consiste à fournir des projections du climat futur », déclare le climatologue José Antonio Marengo, coordonnateur du groupe sur les changements climatiques du Centre Scientifique du Système Terrestre, de l’Inpe. C’est dans ce centre qu’une équipe interdisciplinaire améliore constamment les modèles en insérant davantage de données et en améliorant la représentation mathématique des processus complexes qui se déroulent dans la nature. « Les modèles sont des outils mathématiques et tout modèle est incertain ». D’après lui, il faut tenir compte de cette incertitude pour déterminer les projections les plus fiables, y compris pour trouver des manières d’améliorer le modèle où il ne fonctionne pas. Son équipe utilise des données et des informations nationales et internationales pour développer des modèles régionaux qui fournissent davantage de détails sur le climat brésilien et d’Amérique du Sud, mais il n’a pas encore été possible d’arriver à un niveau de détail souhaité pour l’ensemble du pays. « La fiabilité des projections est relativement moindre dans le Centre-Ouest et dans le coeur de la Région Sud-Est, car certains processus relatifs aux zones continentales ne sont pas encore bien représentés dans les modèles », déclare-t-il. « Le Pantanal présente des difficultés encore plus grandes, car les modèles ne s’adaptent pas bien aux émissions et à la représentation hydrologique de marais de cette taille ».
José Antonio Marengo indique que l’Inpe travaille avec des modèles qu’il connaît dans les moindres détails, mais qu’il est difficile dans certaines régions d’obtenir des données climatologiques continues, de grande qualité et sur une longue durée, avec des relevés quotidiens qui sont nécessaires à l’étude des extrêmes climatiques. « Si nous possédions des bases de données plus fines, nous pourrions faire des analyses plus détaillées, par exemple de l’échelle d’un bassin dans l’État de São Paulo », affirme Paulo De Marco. En outre, il faut connaître les différents modèles à fond. « Il ne suffit pas seulement d’appuyer sur un bouton pour obtenir une réponse », déclare João Giovanelli. « Il faut connaître le fonctionnement du modèle et disposer d’une banque de données sur l’espèce pour savoir s’ils seront compatibles avec les questions que nous posons ».
Une autre difficulté rencontrée par les modèles est d’ordre écologique. Les endroits où une espèce existe ne sont pas nécessairement les seuls où elle pourrait exister. De même que Marinez Siqueira ne peut pas être certain que le Cerrado envahira les zones de Forêt Atlantique, les jaguars pourront bien arriver à vivre dans des zones moins favorables et les grenouilles des montagnes ne souffrirons peut être pas autant qu’on le pense face aux changements climatiques. Selon Célio Haddad, il y a déjà des relevés qui indiquent la présence d’amphibiens typiques du Cerrado en pleine Forêt Atlantique. Pour Paulo De Marco, ceci n’est pas problématique. « Nous faisons des projections pour l’avenir en utilisant des espèces sur lesquelles nous avons des données suffisantes pour représenter leur répartition et leur écologie », affirme-t-il. « En outre, les travaux en cours montrent que la niche écologique actuelle d’une espèce est une bonne manière de prévoir la niche future ». Ceci dans des conditions normales. L’écologue de Goiás explique que les espèces invasives, qui changent brutalement d’habitat, s’adaptent rapidement aux nouvelles conditions.
La connaissance acquise grâce à ces projections fiabilisent davantage les outils qui permettent de faire face aux changements environnementaux provoqués par l’homme, tels les effets amplifiés de la déforestation, comme le montre l’article dans les prochaines pages.
Articles scientifiques
1. MARINI, M.A. et al. Predicted climatedriven distribution changes and forecasted conservation conflicts in a neotropical savanna. Conservation Biology. 2009.
2. SALAZAR, L.F. et al. Climate change consequences on the biome distribution in tropical South America. Geophysical Research Letters. v. 34. 2007.
3. SIQUEIRA, M.F. de; PETERSON, A.T. Consequences of global climate change for geographic distributions of Cerrado tree species. Biota Neotropica. v. 3, n. 2. 2003.
4. TÔRRES, N.M. et al. Jaguar distribution in Brazil: past, present and future. Cat News. Autumn 2008.