Publié en août 2011
Imaginez que vous preniez le soleil entier et que vous le comprimiez jusqu’à ce qu’il atteigne la taille d’une ville. Radical? Peut être, mais la nature reproduit cette même expérience quand elle créée les étoiles à neutrons, l’un des plus petits et plus denses objets de l’Univers. Les astronomes en connaissent plus ou moins les mécanismes mais peu admettent le grand manque d’éléments pour que la science puisse expliquer ce qui se passe dans l’Univers. L’un des mystères à résoudre est de comprendre comment apparaissent les étoiles à neutrons qui ont une masse plus élevée que les prévisions faites par la théorie de la formation et de l’évolution stellaire. Un groupe de chercheurs travaillant au Brésil essaye de résoudre ce mystère en reprenant une hypothèse controversée. En lignes générales, ils suggèrent qu’il doit y avoir plus d’une manière de créer les étoiles à neutrons.
Leur apparition est liée à la mort d’étoiles qui possèdent une masse très élevée, environ huit fois supérieure à celle du soleil. Pour comprendre ce qui se produit, il faut d’abord dire quelques mots de l’état actuel des connaissances sur la vie et la mort des étoiles. Les étoiles, constituées de gaz (la majorité d’hydrogène) et de poussières concentrées, commencent à briller quand la concentration de la matière est telle que les atomes situés dans la région la plus centrale de ces corps célestes commencent à s’unir dans un processus connu sous le nom de fusion nucléaire. La transformation de deux noyaux d’hydrogène, chacun avec un proton, dans un noyau d’hélium, avec deux protons, est accompagné d’une subtile réduction de la masse totale. Une partie de cette masse est convertie en énergie et s’échappe de l’étoile (c’est de là que vient tout la puissance d’irradiation de ces astres dans un système planétaire entier). Cette énergie créée à l’intérieur de l’étoile compense la force gravitationnelle, qui agit dans l’autre sens. Grâce à cet équilibre, l’étoile conserve approximativement la même taille durant une grande partie de sa vie.
Cependant, au cours de millions d’années, le carburant nécessaire à la fusion nucléaire s’épuise. Par manque d’hydrogène, des éléments plus lourds sont utilisés, comme l’hélium, le carbone, l’oxygène, jusqu’à arriver à un point limite qui est le fer. C’est l’ultime frontière et pour une raison simple car la fusion des noyaux de fer consomme plus d’énergie que celle libérée à la fin du processus. À ce stade, la production d’énergie dans la région centrale est interrompue et la gravité commence à agir librement, sans aucune force contraire pour compenser son action.
Bombe cosmique
L’étoile s’effondre alors sur elle même et disparaît dans une séquence complexe d’évènements. Le résultat final se solde par une explosion des couches les plus externes de l’étoile au cours de laquelle 90% de sa masse est lancée dans l’espace. Le reste de ce violent épisode, connu sous le nom de supernova, est un noyau résiduel stellaire très compact. Si la masse du noyau est relativement petite, cette compression crée ce que nous appelons communément des étoiles à neutrons (si la masse est plus élevée et la compression continue, cela créera un trou noir, objet si dense que rien n’échappe à son attraction, pas même la lumière).
Selon la théorie actuellement acceptée, les étoiles à neutrons, appelées ainsi car elles contiennent des proportions élevées de particules sans charges électriques (neutrons), devraient toutes avoir les mêmes dimensions avec une masse environ 40% supérieure à celle du soleil et seraient comprimées dans une sphère de moins de 20 kilomètres de diamètre.
«Mais personne ne sait exactement qu’elle est la masse qu’une étoile doit avoir en vie pour mourir et se transformer en étoile à neutrons ou en trou noir», déclare l’astronome Jorge Horvath, de l’Institut d’Astronomie, Géophysique et Sciences (IAG) de l’Université de São Paulo, et coordonnateur d’un groupe qui mène des recherches sur les caractéristiques des étoiles à neutrons.
«Nous pensions encore récemment que toutes les étoiles à neutrons suivaient le même modèle», affirme João Steiner, autre astronome de l’IAG. «Mais un cas nettement plus grand a été découvert l’année dernière».L’objet s’appelle PSR J1614-223, c’est une étoile à neutrons située à 3 mille années lumières de la Terre et découverte par un groupe de l’Observatoire National de Radioastronomie (NRAO) étasunien. Cette étoile, présentée dans un article publié dans la revue Nature, semble avoir deux masses solaires (énorme quand il s’agit d’objets de ce type).
Cette découverte a obligé la communauté astronomique à accepter le fait qu’il y ait des variations significatives dans la masse des étoiles à neutrons. Ceci correspond parfaitement aux prévisions récentes d’un groupe de Horvath, et publiées dans le numéro du mois de juin de la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Dans ce travail, Horvath, Eraldo Rangel et Rodolfo Valentim ont mené une analyse statistique fouillée sur la masse de 55 étoiles à neutrons et ont montré qu’il y a deux modèles plus habituels, l’un formé par les étoiles de masse plus faible (aux alentours de 1,37 fois celle du soleil) avec peu de variations comme cela était prévu, et l’autre avec une masse supérieure d’environ 1,73 fois la masse solaire et plus variable.|
Pourquoi y a-t-il deux groupes distincts? «Les résultats indiquent qu’il y a plus d’un mécanisme de formation des étoiles à neutrons», déclare Horvath.
Cette idée semble compatible avec la répartition d’étoiles à neutrons dans des endroits comme les amas globulaires, peuplés principalement d’étoiles très anciennes et, selon la théorie, de masse inférieure à celle qui serait nécessaire pour créer des étoiles à neutrons. Des observations récentes, réalisées par des astronomes de différents pays, montrent qu’il y a beaucoup plus d’étoiles à neutrons que prévu dans ces régions que si elles n’étaient exclusivement que le résultat d’explosion d’étoiles de masse élevée.
Les étoiles qui s’effondrent et qui ont à la base une masse huit fois inférieure à celle du soleil ne créent pas des étoiles à neutrons, mais une autre classe d’objets appelés les naines blanches. Elles ont la masse d’un soleil comprimé d’un volume identique à celui de la Terre. C’est ainsi que le soleil finira ses jours. Dans certains systèmes binaires, la naine blanche sous l’effet de la gravité, vole la masse de son étoile voisine jusqu’à atteindre une limite qui provoque un nouvel effondrement. Cet évènement est explosif et produit un type spécifique de supernova, appelée de type Ia, dans lequel la masse totale de l’étoile est lancée violemment dans l’espace.
Certains astronomes suggèrent cependant que cela puisse peut être se produire d’une autre manière. Au lieu de créer une supernova, l’accroissement rapide de la masse transformerait la naine blanche en étoile à neutrons. «C’est une idée qui nous travaille depuis 20 ans et certains la déteste”, déclare Horvath. «Mais certains disent que cela fonctionne. Il est difficile d’imaginer une meilleure alternative pour expliquer comment certaines étoiles à neutrons se trouvent là où elles sont».
Des données récentes compliquent le scénario en indiquant l’existence d’étoiles à neutrons d’une masse inférieure à celle du soleil et qui ne se formeraient pas par effondrement. La réponse définitive n’a pas encore été apportée, mais il est pratiquement sûr que l’avenir des recherches passera par une reformulation des théories expliquant l’apparition et le comportement des étoiles à neutrons.
À l’extérieur et à l’intérieur
Si la masse est mystérieuse, la chose se complique en ce qui concerne la composition des étoiles à neutrons. Le niveau de compression de ces objets est si élevé (la densité d’une étoile à neutrons est supérieure à celle du noyau des atomes et 100 trillions de fois supérieure à celle de l’eau) que la matière peut apparaître sous des formes qui n’existent à aucun autre endroit de l’univers.
Il y a des densités supérieures à celles du noyau atomique, des particules comme les protons et les neutrons se défont dans leurs unités fondamentales appelées quarks, et qui, selon la règle, ne sont jamais vus seuls. Il est difficile de confirmer ces hypothèses avec des observations, mais on pense que ces conditions existent dans certaines étoiles à neutrons qui abriteraient une soupe de quarks dans leur région centrale.
À l’Université Fédérale de l’ABC, à Santo André, région métropolitaine de São Paulo, le groupe de Germán Lugones est en train de réaliser des calculs et des simulations pour expliquer comment les différentes compositions internes de ces astres affecteraient la masse, le rayon, l’évolution ainsi que d’autres propriétés. Un des résultats obtenus par l’équipe montre que certains phénomènes qui apparaissent quand la matière se trouve sous la forme de quarks (comme la transition d’un état supraconducteur) expliquent naturellement l’existence d’étoiles avec une masse bien supérieures à la masse solaire classique de 1,4. C’est pour cela que la découverte de la PSR J1614-223 est une étape importante montrant qu’ils sont sur la bonne voie. Lugones pense qu’une version plus radicale des étoiles à quarks (appelée étoile étrange ou étoile à quarks où l’astre serait entièrement composé de ces particules) doit être sérieusement considérée si l’on parvient à observer des étoiles d’une masse encore plus élevée que celle de la PSR J1614-223.
«Selon les études théoriques menées ces dernières années par notre groupe, la densité nécessaire pour que les particules de matière se défassent en quarks est 5 à 10 fois supérieure à la densité interne d’un noyau atomique», affirme Lugones, tout en soulignant que ces densités peuvent être parfaitement atteintes au centre des étoiles à neutrons d’une masse supérieure.
Personne ne sait si cela se produit. Il y a encore des lacunes, tant pour la compréhension de la physique expliquant ce processus, que pour les propriétés observables des étoiles à neutrons. Manuel Malheiro, chercheur de l’Institut Technologique d’Aéronautique et collaborateur de Horvath et de Lugones, est depuis 2010 à l’Université de Rome où il mène des recherches sur la composition et autres caractéristiques d’un autre type spécial d’étoiles à neutrons appelées magnétars et qui possèdent un champ magnétique élevé.
Des avancées seront encore nécessaires en termes de théorie et d’observation pour parvenir éventuellement à un cadre plus cohérent. L’unique certitude est le défi captivant que nous imposent ces astres qui sont parfois des laboratoires idéaux pour étudier les propriétés les plus extrêmes de la matière.
LES PROJETS
1. La matière hadronique et QCD en astrophysique: supernovas, GRBs et étoiles compactes – nº 2007/03633-3 / 2. Recherche de phénomènes astrophysiques de haute énergie et de densité élevée – nº 2008/09136-4 MODALITÉ 1. Projet thématique 2. Programme Jeune Chercheur COORDONNATEURS 1. Jorge Horvath – IAG/USP 2. German Lugones – UFABC INVESTISSEMENT 1. 154.250,00 réaux (FAPESP) 2. 91.207,65 réaux (FAPESP)
Article scientifique
VALENTIM, R. et al. On the mass distribution of neutron stars. Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. v. 414 (2), p. 1.427-31. Juin 2011.