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ÉCOLOGIE

Parcours écologique

De la recherche de base aux politiques publiques, la FAPESP investit depuis cinq décennies dans des études sur la biodiversité

Publié en Août 2011

Aython et Carlos Joly: de la flore des algues marinesau Programme Biota-FAPESP

COLLECTION PRIVÉEAython et Carlos Joly: de la flore des algues marinesau Programme Biota-FAPESPCOLLECTION PRIVÉE

Des centaines de chercheurs paulistes, issus de disciplines liées aux études de la biodiversité, se sont réunis à São Carlos au début du mois de juillet pour discuter des avancées de leurs travaux. Dans le même temps, un comité d’évaluation composé de scientifiques étrangers analysait l’ensemble des résultats présentés et suggérait des voies à suivre pour les prochaines années. Les deux évènements ont marqué la septième évaluation du programme de Recherche en Caractérisation, Préservation, Récupération et Utilisation Durable de la Biodiversité de l’État de São Paulo, plus connu sous le nom de Programme Biota-FAPESP, lancé en 1999 avec la participation de 1 200 spécialistes, dans le but d’identifier la biodiversité pauliste.

Ce programme a permis de réaliser plus d’une centaine de projets de recherche et a favorisé les avancées de la connaissance dans l’identification de 1 766 espèces (1 109 microorganismes, 564 invertébrés et 93 vertébrés), outre la publication de plus de 1 145 articles scientifiques, 20 livres, 2 atlas et diverses cartes qui ont facilité l’orientation de politiques publiques. L’État de São Paulo possède actuellement six décrets gouvernementaux et 13 résolutions qui citent les orientations du programme. Dans le domaine de la formation en ressources humaines, ce programme a formé 190 masters, 120 docteurs ès sciences et 86 post doctorants. La FAPESP a investi 82 millions de réaux dans le programme juste pour les 10 premières années.

Le Biota-FAPESP est le premier programme scientifique brésilien à avoir bénéficié d’un investissement régulier pendant plus de 10 ans, observe son coordonnateur, le botaniste Carlos Alfredo Joly, professeur à l’Université Publique de Campinas (Unicamp). Après 10 ans de fonctionnement, les organisateurs du programme ont proposé à la FAPESP un nouveau plan scientifique pour la décennie suivante. «Cette réunion d’évaluation est très spéciale car c’est la première de ce genre depuis que la FAPESP a renouvelé son soutien au programme jusqu’en 2020», déclare Carlos Alfredo Joly. «La perspective sur le long terme est fondamentale pour la recherche scientifique», affirme-t-il. Le programme Biota-FAPESP est le principal exemple d’investissement élevé de la Fondation en matière de recherche, dans le domaine des sciences naturelles et de l’écologie et cela de nombreuses années avant que le terme biodiversité ne soit inventé. Dès les premières années, la FAPESP a financé des études sur les algues marines, tout d’abord sur le littoral de l’État de São Paulo (1962-1963) et ensuite sur le littoral nord, nord-est et est du Brésil (1964-1965). Ces études ont été menées par le Département de Botanique de l’ancienne Faculté de Philosophie, de Sciences et de Lettres de l’USP et qui fera plus tard partie de l’Institut de Biosciences (IB). Les études réalisées sur le littoral de l’État de São Paulo ont permis de mener différents travaux de recherches publiés dans des revues scientifiques, de former des biologistes marins spécialisés dans les algues et d’agrandir l’herbier d’algues du département de Botanique. Le relevé de la flore d’algues du reste du littoral brésilien fait quant à lui partie d’un travail de coopération internationale soutenu par la Section Océanographique de l’Unesco. L’ensemble des résultats de ces projets a permis d’élaborer la première version de la Flore Algologique Marine du Brésil.

Un personnage clé de cette ligne de recherche est Aylthon Brandão Joly (1924-1975), professeur à l’Université de São Paulo, qui a été l’initiateur des études sur les algues au Brésil dans les années 50. En 1957, il a publié un livre intitulé Contribution à la connaissance de la flore algologique marine de la baie de Santos et des alentours. Il s’agit du premier relevé floristique planifié d’algues dans une région délimitée du Brésil. «Aylthon Brandão Joly a travaillé seul à l’université jusqu’en 1960. Il a ensuite créé une véritable école au sein du Département de Botanique de l’USP, orientant directement ou indirectement une bonne partie de la première génération d’algologues brésiliens et également d’autres pays d’Amérique Latine», écrit Carlos Bicudo, chercheur à l’Institut de Botanique de São Paulo, dans l’article intitulé «L’étude des algues dans l’État de São Paulo», publié en 1998. Aylthon Joly a laissé beaucoup d’héritiers, l’un d’eux au sens propre et figuré du terme. Son fils Carlos Alfredo Joly, coordonnateur du programme Biota-FAPESP, a suivi les traces de son père. «Il y a une génération de chercheurs en algues marines qui sont les petits-fils académiques de mon père», déclare Carlos Alfredo Joly. «La professeur Mariana Cabral de Oliveira, de l’USP et membre de la coordination du Programme Biota-FAPESP, est un bon exemple de cette nouvelle génération car outre le fait d’avoir utilisé des techniques d’ADN barcoding pour sa recherche, elle fait preuve du même esprit novateur qui a toujours caractérisé les algologues brésiliens».

Barrages
MIGUEL BOYAYANLa FAPESP a pris l’initiative d’organiser des projets spéciaux dans les années 70 et a décidé de consacrer l’un d’entre eux à l’écologie en commandant un projet au professeur José Galizia Tundisi, qui était déjà à l’époque une référence en algologie. Le résultat de cette commande fut le projet Typologie des Barrages de l’État de São Paulo, qui a mobilisé 70 chercheurs du Laboratoire de Limnologie de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar), de l’Institut de Biosciences de l’USP et de L’Institut de la Pêche du Secrétariat à l’Agriculture de l’État de São Paulo. «À cette époque, un chercheur espagnol avait réalisé une étude sur le profil de 104 barrages espagnols, considérant la biologie des algues, la contamination et la pollution. Je lui ai proposé un projet similaire», déclare José Galizia Tundisi. Le projet a largement porté ses fruits sur le plan scientifique car il a élargi la connaissance sur les mécanismes de fonctionnement des barrages, expliquant les différences entre lacs et réservoirs. Ce projet a enrichi les collections d’organismes aquatiques conservés dans des instituts de recherche et a favorisé la publication de 150 travaux au Brésil et à l’étranger, ainsi que de quatre livres (trois d’entre eux à l’étranger), formant 10 PhD et 15 masters. Il a permis, par exemple, de développer une méthodologie de comparaison des écosystèmes aquatiques inédite au Brésil. Il a également permis de produire un ensemble d’informations sur la répartition géographique des organismes aquatiques et sur les caractéristiques des réservoirs, qui ont eu un impact dans l’utilisation des bassins hydrographiques et qui servent encore de référence pour de nouvelles études. Finalement, il a établi les paramètres de gestion des barrages. «Nous sommes parvenus à déterminer que le temps idéal de rétention d’eau dans les réservoirs doit être inférieur à 10 jours afin de garantir la qualité de l’eau et la santé des écosystèmes. Quand l’eau d’un réservoir met du temps à être changée, la rétention de polluants, de nitrogène et de phosphore a un impact sur la préservation des espèces. Cette information a été fondamentale pour planifier de nouvelles centrales hydroélectriques», affirme José Galizia Tundisi. Après l’approbation du projet, José Galizia Tundisi est allé voir le directeur scientifique de la FAPESP, William Saad Hossne, pour lui faire une nouvelle demande. «J’ai sollicité 15 bourses d’initiation scientifique pour former de nouveaux chercheurs au sein de ce projet. Ce fut un succès. Parmi les 15 jeunes boursiers, 13 sont actuellement professeurs titulaires», dit-il.

Description
Si l’étude des barrages a permis de former des leaderships et de semer les graines de la compétence dans ce domaine de la connaissance, le projet Flore Fanérogamique de l’État de São Paulo a été une étape dans l’apprentissage d’un travail multi-institutionnel qui allait ensuite acquérir les contours d’un réseau élargi d’institutions et de chercheurs au sein du programme Biota-FAPESP. Le projet, initié en 1993, a réuni des spécialistes issus de trois universités publiques (Unicamp, USP et Université Publique Pauliste (Unesp), de trois instituts de recherche (Botanique, Forestier, et Agronomique) et d’un organisme municipal (Département des Parcs et Zones Vertes de la mairie de São Paulo). Actuellement, l’une des principales contributions en matière de connaissance de la diversité de la flore brésilienne est la production de six volumes décrivant des espèces de plantes fanérogames, celles qui produisent des fleurs. L’intention est d’en publier 10 autres et de mettre à jour les premières œuvres sur l’Internet.

L’objectif du projet était de combler une lacune en matière de préservation environnementale au Brésil et celle-ci était discutée par les membres de la Société Botanique Brésilienne (SBB). La flore brésilienne, reconnue comme possédant le plus grand nombre d’espèces, était également l’une des moins connues et l’une des plus menacées au monde. «En 1992, le Congrès National de Botanique, réalisé à Aracaju dans l’État de Sergipe, a consolidé et approuvé les principes d’une élaboration de la flore brésilienne qui prévoyait, outre les études sur la végétation, le développement d’actions au profit de la formation en ressources humaines ainsi que la création de programmes d’expéditions botaniques dans les différents écosystèmes du pays», se rappelle Maria das Graças Lapa Wanderley, chercheuse à l’Institut de Botanique et qui coordonne actuellement le projet. L’année suivante, avec le premier appel à projet thématique de la FAPESP, des botanistes réunis dans un congrès à São Luís do Maranhão ont décidé de présenter une proposition transformant le projet sur la flore de l’État de São Paulo en projet pilote. La coordination du projet a été attribuée au professeur Hermógenes de Freitas Leitão Filho (1944-1996), du Département de Botanique de l’Unicamp, l’un des rares spécialistes brésiliens de la famille des Compositae qui possède environ 10 000 espèces, comme la marguerite, la camomille et différentes autres plantes médicinales.

Les deux premières années ont correspondu à une phase de planification avec le recensement des collections des herbiers, permettant la création de la banque de donnée du projet. La deuxième phase a concerné les expéditions scientifiques, la plupart d’entre elles se déroulant entre 1996 et 1997. Ces expéditions ont permis de collecter environ 20 000 plantes qui ont été ensuite distribuées aux herbiers de l’État de São Paulo. Après le décès inattendu d’Hermógenes Leitão, en février 1996, quand il dirigeait une activité sur le terrain, la coordination du projet a été reprise par Maria das Graças Lapa Wanderley, George Shepherd, de l’Unicamp, et Ana Maria Giulietti, de l’USP. La troisième phase a commencé avec la diffusion des résultats et la prévision de publier 16 volumes. La FAPESP a soutenu le projet jusqu’en 2005. Les six volumes publiés jusqu’à présent décrivent 132 familles, incluant 655 genres et 2 767 espèces, ce qui équivaut à 37% des 7 058 espèces référencées sur le territoire pauliste. «Tous les chercheurs qui veulent étudier une plante fanérogame consultent notre base de données. La portée du projet s’étend à d’autres secteurs de la botanique», déclare Maria das Graças Wanderley.

Lacunes

Hermógenes Leitão: Flore Fanérogamique

ANTONINHO PERRI/ ASCOM/ UNICAMPHermógenes Leitão: Flore FanérogamiqueANTONINHO PERRI/ ASCOM/ UNICAMP

L’exemple du projet Flore Fanérogamique a inspiré le programme Biota-FAPESP. En 1995, le Secrétariat à l’Environnement de l’État de São Paulo a essayé en vain d’impliquer des chercheurs dans des travaux qui allaient plus loin que l’élaboration d’une liste des espèces menacées sur le territoire pauliste. «Il y avait beaucoup de lacunes en matière de connaissance mais les chercheurs avaient des réticences à s’engager, craignant que d’éventuels changements politiques du Secrétariat compromettent la continuité des travaux», dit Carlos Joly, qui, à l’époque, était conseiller du secrétaire à l’Environnement, Fabio Feldmann. À cette époque, Carlos Joly était également membre de la Coordination des Sciences Biologiques de la FAPESP et travaillait avec le professeur Naércio Menezes. «L’idée d’un programme de recherche en biodiversité a mûri à la FAPESP. J’avais beaucoup discuté avec le professeur Hermógenes à l’Unicamp et je connaissais bien la Flore Fanérogamique. Mais à l’inverse de ce dernier qui était un projet thématique qui se focalisait uniquement sur un groupe taxonomique, nous voulions englober toute la biodiversité de l’État, ce qui évidemment ne s’insérait pas dans une seule thématique», se rappelle Carlos Joly. L’idée de créer un programme comprenant un ensemble de projets thématiques articulés a été présentée par le directeur scientifique de la FAPESP, José Fernando Perez, lors d’un workshop à Serra Negra, en 1997. Le groupe de coordination de l’époque (voir détails sur www.biota.org.br/info/historico) a décidé d’utiliser l’internet pour créer des outils d’intégration et de partage de données. L’Institut Virtuel de la Biodiversité était alors créé. C’est l’autre appellation utilisée pour désigner le programme Biota-FAPESP.

Les données accumulées par le programme Biota-FAPESP orientent aujourd’hui les critères adoptés pour la création de nouvelles unités de préservation et l’autorisation de déboisement de végétation native. Elles définissent également les règles de zonage agroécologique pour la culture de la canne à sucre sur le territoire pauliste. Des décrets gouvernementaux et des résolutions du Secrétariat à l’Environnement citent dans leurs considérants les cartes de zones prioritaires destinées à la préservation et à la restauration de la biodiversité pauliste produites par les chercheurs du Programme Biota.

Si les 10 premières années du Programme Biota-FAPESP ont été marquées par une avancée dans la caractérisation de la biodiversité en utilisant la base de donnée comme outil de perfectionnement des politiques publiques, le programme cherche aujourd’hui à en élargir sa portée, mettant l’accent, par exemple, sur l’élargissement du BIOprospecTA, sous-programme qui recherche des composés ou des molécules d’intérêt économique, sur la production de matériel éducatif pour le réseau d’enseignement primaire et secondaire et sur des études liées aux services écosystémiques et au fonctionnement d’écosystèmes terrestres. «Le professeur Arthur Chapman, du Service Australien d’Information sur la Biodiversité et membre du comité international d’évaluation, a fait l’éloge du programme en disant qu’il s’efforce d’implanter les suggestions faites auparavant par le comité», affirme Carlos Joly. «En 2008, les évaluateurs avaient critiqué le nombre limité de projets en biologie marine et en microorganismes. Il y a maintenant 10 nouveaux projets de biologie marine et, dans le cas des microorganismes où il n’y avait qu’un seul projet thématique, plus de 40 projets ont été proposés lors du dernier appel à projet. Il y a des groupes qui ont la formation nécessaire et la coordination a eu la sensibilité d’être à l’écoute des attentes de la communauté scientifique pauliste. C’est pour cela que toutes ces choses sont en train de se dérouler si rapidement», déclare Carlos Joly.

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