Publié en octobre 2002
Le sucre et l’alcool ne sont plus les seuls produits commerciaux importants extraits de la canne à sucre, il faut maintenant y ajouter la production de plastiques biodégradables. Depuis le mois de décembre 2000, l’entreprise PHB Industrial qui appartient au groupe Irmãos Biagi de Serrana (SP) et au groupe Balbo de Sertãozinho (SP) produit chaque mois 4 à 5 tonnes d’un biopolymère produit à partir du saccharose. La totalité de la production de cette usine pilote, située à côté de l’Usine da Pedra à Serrana, est exportée vers des pays comme les États-Unis, l’Allemagne et le Japon.
“Nous avons l’intention de démarrer nos opérations commerciales entre 2004 et 2005 en construisant une usine pouvant produire 10 mille tonnes de bioplastique par an”, déclare le physicien Sylvio Ortega Filho, responsable du développement du plastique biodégradable au sein de l’entreprise PHB qui est financée par la FAPESP dans le cadre du Programma d’Innovation Technologiques pour les Petites Entreprises (PIPE). “Nous ne connaissons aucune autre entreprise au monde qui produise commercialement ce type de résine bioplastique “, déclare Ortega Filho.
La mise au point de ce polymère, qui se décompose rapidement sous l’action de micro-organismes quand il est jeté dans des remblais sanitaires, des décharges publiques ou exposé à un environnement contenant des bactéries actives, est le fruit d’un partenariat réussi entre l’Institut de Recherches Technologiques (IPT), la Coopérative des Producteurs de Canne à Sucre et d’Alcool de l’État de São Paulo (Copersucar) et l’Institut de Sciences Biomédicales (ICB) de l’Université de São Paulo (USP). Les premières études ont été réalisées au début des années 90 et dix ans plus tard le pays est reconnu comme étant l’un des centres mondiaux les plus avancés en matière de recherche et de mise au point de bioplastiques.
Cette technologie a également permis une autre avancée dans ce domaine. Il s’agit de la mise au point d’un procédé permettant d’obtenir ce polymère à partir de la bagasse de canne à sucre hydrolysée qui est un résidu de l’industrie de l’alcool et du sucre. Ce projet, également financé par la FAPESP, a été coordonné par Luiziana Ferreira da Silva, chercheur en biochimie appartenant au Regroupement en Biotechnologies de l’IPT et membre de l’équipe qui a mis au point le bioplastique. L’hydrolyse (rupture de la structure du produit) libère les sucres présents dans la bagasse qui sont ensuite consommés par les bactéries utilisées dans le procédé de transformation du sucre en polyester naturel.
L’hydrolyse induit cependant la formation de substances toxiques pour les bactéries. L’IPT a donc développé un procédé qui enlève la toxicité du produit hydrolysée afin qu’il puisse être consommé par les micro-organismes. “Grâce à ce procédé, il est possible de fabriquer le même polymère que celui déjà exporté et baptisé PolyHydroxyButyrate ou plus simplement PHB avec le sucre extrait de la bagasse”, déclare Luiziana.
La différence entre la technique créée par Luiziana et la précédente développée par l’IPT, Copersucar et l’USP et utilisée par l’entreprise PHB, concerne la matière première utilisée. Alors que Luiziana utilise la xylose (substance sucrée contenue dans la bagasse de canne à sucre), le procédé précédent, dont les études ont été coordonnées par le professeur José Geraldo Pradella de l’IPT, utilise le saccharose.
Elle a également identifié deux nouvelles bactéries (Burkholderia sacchari et Burkholderia cepacia), la première étant jusqu’à présent inconnue, qui sont très efficaces dans le processus de synthèse et de production du bioplastique obtenu par hydrolyse de la bagasse. La bactérie sacchari peut également être utilisée pour produire le PHB à partir de la mélasse ou du saccharose.
Les caractéristiques physiques et mécaniques du plastique biodégradable sont comparables à celles de certains polymères synthétiques à base de pétrole mais ce plastique se décompose plus rapidement que les plastiques classiques. “C’est la grande différence de ce produit “, déclare Luiziana. Les résines plastiques biodégradables se décomposent en 12 mois selon le milieu dans lequel elles se trouvent alors que les emballages en poly (téréphtalate d’éthylène), appelés PET et utilisés principalement pour les sodas et les boissons gazeuses, mettent plus de 200 ans pour se décomposer et les plastiques traditionnels plus de cent ans. La perte de masse atteint 90% en six mois dans les fosses septiques et 50% en 280 jours dans des remblais sanitaires. Quand ces plastiques se décomposent, ils se transforment en gaz carbonique et en eau et ne libèrent pas de résidus toxiques.
Réserve d’énergie
Le début du processus de production du PHB dans cette usine pilote a commencé par la culture de bactéries appartenant à l’espèce Ralstonia eutropha, dans des bioréacteurs utilisant des sucres (saccharose, glucose, etc.) comme matière première. Les microorganismes s’alimentent de ces sucres et les transforment en granulés intracellulaires qui sont en vérité des polyesters. “Pour les bactéries, ces polyesters (plastique biodégradable) sont une réserve d’énergie comparable à la réserve de graisse chez les mammifères “, déclare Luiziana. L’étape suivante du processus de production concerne l’extraction et la purification du PHB accumulé dans les bactéries. Avec un solvant organique (non nuisible à l’environnement), on provoque la rupture de la paroi cellulaire des microorganismes pour libérer les granulés du biopolymère. Selon les calculs réalisés en laboratoire, il faut trois kilos de sucre pour obtenir un kilo de plastique.
Le PHB peut être utilisé comme matière première dans de nombreuses applications, principalement dans des secteurs où la pureté et la biodégradabilité sont nécessaires. Il peut être utilisé pour la fabrication d’emballages de produits de nettoyage, d’hygiène corporelle, de cosmétiques et de produits pharmaceutiques. Il peut également servir à la fabrication de sacs et de tonneaux pour les engrais et les insecticides, de vases pour les plantes et la fabrication de produits par moulage à injection comme des jouets et du matériel scolaire. En outre, comme il est biocompatible et facilement absorbé par l’organisme humain, il peut également être utilisé dans le domaine médical et pharmaceutique pour fabriquer des fils de suture, des prothèses osseuses et des capsules qui libèrent graduellement des substances dans l’organisme. “Grâce à son imperméabilité, le bioplastique peut être utilisé pour des emballages alimentaires de longue conservation comme les jus de fruit naturels, le lait pasteurisé et les boissons isotoniques “, déclare Ortega Filho. Le FDA (Food and Drug Administration), organisme qui réglemente le secteur alimentaire et le secteur des médicaments aux États-Unis, a déjà approuvé l’utilisation du plastique biodégradable dans les emballages alimentaires.
Pour la production d’objets plus flexibles, comme des flacons de shampoing, ou des sacs plastiques, les chercheurs ont déjà mis au point un autre produit appartenant à la même famille de polymère et appelé PHB-HV (polyhydroxybutirate- hydroxyvalérate) produit avec du sucre et de l’acide propionique.
Le principal obstacle rencontré pour la mise au point du PHB concernait le choix des bactéries. “Pour trouver la meilleure bactérie qui serait utilisée pour transformer le sucre en plastique, nous avons testé plus de 50 souches jusqu’à parvenir aux deux lignées les plus appropriées qui sont les espèces Burkholderia sacchari et Burkholderia cepacia “, déclare Luiziana, qui a conclu son projet durant le premier semestre de cette année. Les deux microorganismes sont parvenus à améliorer la production grâce à leur croissance rapide, leur efficacité durant la conversion de la xylose en PHB et leur capacité de stockage du polymère. Les bactéries font toujours l’objet d’améliorations génétiques pour augmenter la production de bioplastiques.
“L’avantage de cette nouvelle technologie est la transformation d’un résidu de l’industrie sucrière en matériel noble comme les bioplastiques “, déclare Luiziana. Actuellement, 60% à 90% de la bagasse (pour un total de 81 millions de tonnes annuelles) produite dans les usines sont utilisées pour produire de l’électricité. Les résidus excédentaires, qui en 1999 atteignaient 8 millions de tonnes, provoquent de sérieux problèmes de stockage et de pollution. “L’utilisation de la bagasse pour produire du PHB atténuera ces problèmes “, déclare-t-elle.
La technique permettant d’obtenir du PHB en utilisant des bactéries n’est pas une nouveauté. Elle est connue depuis le début du XXe siècle. Cependant ce polymère n’a pas été exploité commercialement en fonction de ses coûts élevés de production. Le mérite des chercheurs brésiliens est d’être parvenus à réduire considérablement ce coût si on le compare aux plastiques biodégradables synthétisés aux États-Unis et en Europe et fabriqués uniquement dans des usines pilotes et des laboratoires utilisant des sources différentes comme le sucre de betterave et le maïs. Cette réduction est due principalement aux faibles coûts de production de la culture de la canne à sucre car l’électricité consommée est produite avec la bagasse de canne. “Pour pouvoir obtenir un prix compétitif, l’idéal est que l’unité de production de plastiques biodégradables fonctionne auprès d’une usine sucrière “, déclare Ortega Filho.
Malgré cette réduction des coûts de production, le plastique biodégradable est plus cher que le plastique classique. “Un kilo de polymère synthétique coûte environ 1 dollar US alors que le PHB coûte entre 4 et 5 dollars US selon son application “, déclare Ortega Filho. Il est quand même compétitif et principalement sur le marché international. En effet, les fabricants de polymères comme les États-Unis, le Japon et certains pays européens sont obligés de recycler leurs produits. Les dépenses de recyclage ne sont pas inclues dans le coût du plastique. Au Brésil, le calcul de ce coût ne considère que l’achat de la résine et sa transformation. Il n’y a aucune préoccupation à ce sujet ni de coûts effectifs de recyclage.
Durant ces 60 prochaines années, l’Allemagne prétend remplacer au moins 60% de sa consommation de plastiques synthétiques par des polymères biodégradables. Cette mesure vise, entre autres choses, à soulager les décharges publiques du pays. La longue permanence des plastiques synthétiques dans ces décharges provoque de graves problèmes environnementaux car ils forment une couche imperméable bloquant le passage de liquides et de gaz issus de la fermentation des déchets et retardent ainsi la stabilisation de la matière organique. Le problème est inquiétant quand on sait qu’au Brésil ces plastiques représentent 20 % des déchets urbains.
Selon Luiziana, ces résines plastiques biodégradables ont un autre avantage car elles sont produites à partir de ressources renouvelables contrairement aux plastiques classiques à base de pétrole.
Production de pellets
La production mondiale de plastique représente 200 millions de tonnes par an. Selon les prévisions de certains spécialistes, la part de marché des bioplastiques représentera environ 1% à 2% de cette production dans les dix prochaines années et le PHB compte bien y participer. “Mais pour que cela devienne possible nous devons tout abord conclure la mise au point de cette technologie afin de produire des pellets qui pourront être vendus aux industries de transformation”, déclare-t-elle.
Les Pellets sont de petites pastilles cylindriques millimétriques obtenues à partir du mélange de résine granulée de PHB avec d’autres polymères ou des fibres naturelles. C’est la matière première qui est utilisée par les industries de transformation. “Les industries n’achètent pas le PHB pur. Elles veulent qu’il soit déjà préparé avant la transformation finale “, déclare Ortega Filho.
Pour mettre au point ces pellets, l’entreprise PHB Industrial a signé un accord de coopération et de recherche avec le Département d’Ingénierie de Matériaux (DeMa) de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar) et a obtenu un financement de 338 mille réaux de la FAPESP à travers le PIPE. Ce projet qui a débuté en 2001 devrait encore s’étendre sur un an.
Les fonds ont été utilisés pour acheter des équipements de base pour la fabrication des pellets. “Nous avons acheté un appareil permettant de mesurer l’indice de fluidité et un équipement d’essai universel pour analyser la traction, la flexion et la compression “, déclare Ortega Filho. “D’ici la fin de l’année, nous allons recevoir une machine d’extrusion avec laquelle nous réaliserons des études visant à développer un produit possédant des caractéristiques répondant aux demandes du marché.” Les équipements seront installés dans un nouveau laboratoire au sein de l’UFSCar. “Le financement de la FAPESP est essentiel pour que le Biocycle (nom donné au PHB) devienne commercialement viable. “, déclare l’ingénieur en matériaux Jefter Fernandes do Nascimento, coordinateur du projet du PIPE.
Pour l’instant, les 60 tonnes annuelles de Biocycle produites par l’entreprise PHB Industrial sont principalement envoyées dans des entreprises et des centres de recherche étrangers qui développent également des pellets. Ortega Filho déclare également:”Nous exportons vers des centres américains et européens, comme le Fraunhofer Institute, en Allemagne et l’entreprise américaine Metabolix, dont les propriétaires étaient auparavant des chercheurs appartenant au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ils poursuivent les mêmes recherches que nous en essayant de découvrir le pellet idéal pour chaque application. Cependant le PHB a pris de l’avance sur ses concurrents et si tout se déroule comme prévu l’entreprise exportera d’ici peu des pellets de plastique biodégradables”.
Les projets
1. Obtention et caractérisation de Polymères Dégradables dans l’Environnement (PAD) à partir de Sources Renouvelables: Canne à sucre; Modalité Programme d’Innovation Technologique pour les Petites Entreprises (PIPE); Coordinateur Jefter Fernandes do Nascimento – PHB Industrial; Investissement 338.840,00 réaux
2. Obtention de lignées bactériennes et Développement de Technologies pour la Production de Plastiques Biodégradables à partir de l’Hydrolyse de la Bagasse de Canne à Sucre; Modalité Ligne régulière d’aide à la recherche; Coordinatrice Luiziana Ferreira da Silva – IPT; Investissement 52.133,47 réaux et 19.645,00 dollars US.