Publié en août 2009
EDUARDO CESARIntégrée au satellite sino-brésilien de ressources terrestres, à 800 kilomètres d’altitude, une caméra entièrement développée et fabriquée par l’entreprise brésilienne Opto Eletrônica de São Carlos (État de São Paulo) va notamment produire des registres sur la déforestation, l’expansion urbaine et l’étendue de la culture et de l’élevage sur le sol brésilien et d’autres pays à partir de 2011, date prévue pour le lancement du Cbers-3 21 juillet dernier, la deuxième version de la caméra a été remise à l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe) pour être envoyée en Chine, où elle subira plusieurs tests de qualification. Prête en décembre 2007 et envoyée en Chine en juin 2008, la première version a dû finalement être totalement redessinée après que les États-Unis et d’autres pays aient imposé des restrictions pour l’importation de plusieurs composants utilisés pour la construction de l’équipement. Au final, l’obstacle s’est changé en opportunité de création d’une technologie nationale pour la fabrication des principales pièces utilisées. Pour cette raison, la nouvelle version a reçu le nom de MUX Free.
D’après Mário Stefani, ingénieur, directeur de recherche et développement d’Opto et coordinateur du projet de la caméra multispectrale, « la caméra est la première de ce type et avec un tel objectif à être entièrement projetée et produite au Brésil ». L’équipement enregistre des images en quatre couleurs – bleu, vert, rouge et en infrarouge – en bandes étroites bien définies. Alors que la caméra précédente, fabriquée en Chine et accouplée au Cbers-2 actuellement en orbite, travaille avec seulement trois couleurs (le bleu est absent). « La combinaison des quatre bandes spectrales permet de voir la qualité de l’eau des fleuves, si le sol est exposé ou dégradé, s’il y a dégradation de la végétation ou occupation irrégulière de superficies. Le bleu sert surtout à évaluer les ressources hydriques ». La caméra brésilienne possède quatre lignes de 6 000 pixels, chaque pixel couvrant une zone de 20 mètres au sol. La largeur de la bande imagée, qui correspond à l’extension du territoire vue sur une ligne dans l’image, est de 120 kilomètres.
Pour que la caméra soit capable de supporter la fusée de lancement, de fonctionner dans le vide du milieu spatial à gravité zéro et de résister au bombardement continu de radiation, le processus comprend plusieurs étapes. Stefani indique que « deux modèles d’ingénierie ont été élaborés et qu’un modèle de qualification sera construit, ainsi que trois modèles de vol ». Mais avant de s’attaquer au développement du projet, l’entreprise a dû remporter un appel d’offres international promu par l’Inpe en décembre 2004. Le projet préliminaire de la caméra a été présenté en octobre 2005 et le premier modèle d’ingénierie livré en 2007 ; mais il a dû être totalement refait après le boycott. Le nouveau modèle d’ingénierie remis à l’Inpe subira plusieurs tests pour évaluer sa fonctionnalité et sa résistance à l’environnement spatial. C’est seulement après cette étape que sont construits le modèle de qualification puis les modèles de vol, prévus pour être prêts en juillet 2010 afin d’intégrer la charge utile du satellite Cbers-3 mais aussi du Cbers-4, qui devra être lancé en 2014.
L’entreprise Opto Eletrônica participe également du consortium pour le développement d’une deuxième caméra qui sera embarquée sur les satellites 3 et 4, en partenariat avec l’entreprise Equatorial Sistems de São José dos Campos (État de São Paulo) : il s’agit de la caméra WFI (Wide Field Imager, ou caméra grand champ). Dans ce projet, Opto est chargé de la partie optoélectronique et Equatorial du traitement et du signal de vidéo, ainsi que du traitement thermique. La caméra WFI possède un plus grand angle de couverture, cependant sa résolution est moins élevée que la MUX. « La WFI sera envoyée en octobre 2009 pour les tests de qualification », signale Stefani. En plus des deux caméras produites par les entreprises brésiliennes, les satellites emporteront deux autres de fabrication chinoise. « Au total, nous allons remettre pour le vol trois ensembles de caméras MUX et WFI, soit 6 caméras ». L’un d’eux est pour le Cbers-3, un autre pour le Cbers-4 et le troisième ensemble est gardé en réserve, en cas de problème. Stefani dirige une équipe de 56 professionnels qui travaillent simultanément au développement de trois caméras : deux pour les satellites sino-brésiliens et une pour le satellite Amazônia-1, appelée AWFI (Advanced Wide Field Camera), avec une résolution spatiale de 40 mètres et une capacité d’imagerie d’une bande de 780 kilomètres.
Opto a été créée en 1985 par les professeurs Milton Ferreira de Souza, Jarbas Caiado de Castro et quatre autres chercheurs de l’Institut de Physique de l’Université de São Paulo (USP) à São Carlos. Depuis sa mise en service, l’entreprise et ses partenaires ont reçu le soutien financier de la FAPESP pour huit projets dans la modalité Pipe (Recherche Innovatrice dans les Petites Entreprises) – des projets portant surtout sur des études dans les domaines d’application industrielle et d’équipements ophtalmologiques destinés à un usage médical. Le premier d’entre eux a été accordé en 1988 et coordonné par Stefani pour le développement d’un mesureur à laser de distances longues pour un usage industriel. Le produit est né deux ans plus tard, néanmoins il n’a pas réussi à décoller commercialement. Seules 8 unités ont été vendues, sept à Vale do Rio Doce et une à Firestone. Stefani précise : « Malgré l’échec commercial, le projet a créé pour l’entreprise une capacité aussi bien humaine qu’instrumentale, en donnant lieu à un bagage technologique qui a abouti à un laser très compétitif pour les chirurgies de rétine ». Aujourd’hui encore, l’entreprise fabrique ce laser – un grand succès commercial qui a donné à l’entreprise une forte position sur le marché international – avec les mêmes personnes, instruments et équipements utilisés lors du premier projet financé par la FAPESP. Opto intervient dans les domaines d’équipements médicaux ophtalmologiques, de traitement antireflet pour les lentilles, d’équipements de mesure et de contrôle, de défense et de produits aérospatiaux. Actuellement, l’entreprise compte 450 employés dont 58 chercheurs. L’investissement en recherche et développement est en moyenne de l’ordre de 15 % du chiffre d’affaires, qui a été en 2008 de 50 millions de réaux.
Lorsque les caméras seront dans l’espace, Opto va aider le Brésil à faire partie du groupe restreint de pays qui fabriquent des systèmes d’imagerie à usage orbitale, composé des États-Unis, de la Russie, de la France, d’Israël, de l’Inde et de la Chine. La participation au projet MUX et aux projets Pipe a permis à l’entreprise de créer une infrastructure de pointe, avec des machines et une salle blanche pour les tests spatiaux. Avec cela, Opto peut développer une seconde génération de rétinographes – des appareils qui photographient les rétines – et faire concurrence aux géants internationaux. De l’avis de Stefani, « le programme spatial fonctionne comme un améliorateur puissant de la capacité industrielle du pays, qui devient compétitif dans des domaines importants ».
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