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INGÉNIERIE

Un robot-chien guide d’aveugle

Une startup de l'État d'Espírito Santo procède au pré-lancement d'un véhicule autonome permettant aux personnes malvoyantes de circuler dans des espaces fermés

Équipé de capteurs, d'une caméra et d'une intelligence artificielle, le robot Lysa est vendu à 15 000 reais BRL

Marlon Marques

Un robot d’environ 4 kilos, de 40 centimètres de haut et ayant la forme d’un petit bagage à main muni d’une poignée rétractable et de roues, pourrait être aperçu dans les prochains mois en train d’accompagner des personnes malvoyantes dans des centres commerciaux, des magasins et les aéroports d’Espírito Santo, de Rio de Janeiro et de São Paulo. Il s’agit de Lysa, un chien guide robot développé par la startup Vixsystem depuis 2014 et mis sur le marché fin 2021 pour un usage en intérieur.

Équipé d’un logiciel dédié, d’une application pour mobile, d’un système d’intelligence artificielle, d’un ensemble de capteurs, d’une caméra et du système laser Lidar (détection de lumière et mesure de distance), le robot Lysa cartographie le lieu, établit un itinéraire jusqu’à la destination et guide l’utilisateur jusqu’au point souhaité. Il émet également des signaux sonores et des vibrations lorsqu’il se déplace (voir infographie).

Alexandre Affonso / Revista Pesquisa FAPESP

« Il détecte les objets qui peuvent se trouver devant et au-dessus de l’utilisateur, les contourne et signale la présence d’une personne ou d’un groupe de personnes sur le parcours. En d’autres termes, il donne des indications précises et est bien plus efficace qu’une canne pour malvoyants, explique Neide Sellin, directrice exécutive de la startup et diplômée en informatique. Elle fait allusion aux cannes intelligentes qui existent déjà sur le marché et qui détectent les obstacles non seulement au sol, mais aussi à hauteur des yeux, comme les branches d’arbres et les vases suspendus, responsables de nombreux accidents chez les personnes malvoyantes.

« Ce mois-ci, 20 unités doivent être livrées », précise Neide Sellin. « Sur ces 20 unités, certaines ont été déjà vendues et d’autres sont laissées au client pour être testées ». Comme il s’agit d’un nouveau produit, les entreprises veulent tout d’abord l’essayer et estimer la demande avant de l’acheter.” Chaque robot est vendu au prix de 15 000 reais BRL.

D’ici un an, la startup espère disposer d’une nouvelle version équipée d’un GPS et qui pourra être utilisée sur la voie publique. « Nous devons encore résoudre certains problèmes pour pouvoir circuler dans la rue. Le principal défi à relever est lorsqu’il n’y a pas de trottoirs ». La startup bénéficie du soutien de la FAPESP depuis 2021, dans le cadre du programme Small Business Innovation Research (Pipe), pour travailler sur la version du robot d’extérieur.

La startup Vixsystem a été sélectionnée dans le cadre d’un appel à propositions de recherche stratégique sur l’internet lancé par la FAPESP, le Ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation (MCTI), le Ministère des Communications (MCom) et le Comité de Gestion de l’Internet au Brésil (CGI.br). C’est la première fois qu’un projet du programme Pipe est approuvé pour une startup située hors de São Paulo. Des projets menés en dehors de São Paulo peuvent être soutenus par la FAPESP dans le cadre de partenariats avec les MCTI, MCom et CGI.br.

Prototype artisanal
Selon la cheffe d’entreprise, l’idée de mettre au point un robot chien d’aveugle est née en 2011, alors qu’elle donnait des cours de robotique aux lycéens d’une école publique de la ville de Serra, dans la région métropolitaine de Vitória, capitale de l’État d’Espírito Santo. « Après avoir fait des recherches et constaté que la demande était importante, j’ai construit un prototype avec mes élèves, en utilisant des pièces issues d’autres robots. Nous avons réalisé plusieurs tests et fait appel à 20 malvoyants pour qu’ils nous donnent leur avis », se souvient-elle. « Ils ont alors voulu l’acheter même s’agissant d’un appareil très artisanal. Cela m’a vraiment fait prendre conscience de l’utilité et de la nécessité de développer un tel produit. Je n’ai pas pu le faire aussi rapidement que je le souhaitais, mais je l’ai fait ».

L’élan initial pour la création de ce prototype est né d’un projet approuvé en 2014 par le Conseil National pour le Développement Scientifique et Technologique (CNPq). Le soutien de l’institution a permis de recruter deux chercheurs titulaires d’un master pour la poursuite du projet, l’un ingénieur en génie électrique et l’autre ingénieur informatique. « Il y a eu de nombreux prototypes et beaucoup de tests. J’ai élaboré le concept global de Lysa avec l’aide de plus de 200 personnes malvoyantes, qui ont donné leur avis ».

En 2017, la cheffe d’entreprise a gagné 200 000 reais BRL et une plus grande visibilité en termes de recherche de financement, après avoir participé à la version brésilienne d’une émission de téléréalité d’entreprenariat appelée Shark Tank. La startup Vixsystem a également reçu le soutien de l’Agence de Financement d’Études et de Projets (Finep) et de la Fondation de Soutien à la Recherche et à l’Innovation d’Espírito Santo (Fapes).

L’idée d’un robot chien-guide est prometteuse, mais comme il s’agit d’une nouvelle technologie, elle doit être évaluée avec prudence, estime l’avocat Marcelo Panico, responsable des relations institutionnelles de la Fondation Dorina Nowill pour les Malvoyants, à São Paulo. Il ajoute que, outre la question du coût du robot, il convient également d’analyser les avantages et les inconvénients de la nouvelle technologie d’un point de vue social. « Les chiens guides sont aujourd’hui respectés par la société et leur présence dans les lieux publics est garantie par la loi. De plus, le chien devient un compagnon de la personne en situation de handicap et il permet de renforcer son estime de soi ».

Mark Ralston / AFP via Getty ImagesL’entreprise américaine Boston Dynamic fait une démonstration des chiens robots Spot lors d’un événement à Las VegasMark Ralston / AFP via Getty Images

Marcelo Panico souligne toutefois qu’il y a peu de chiens guides au Brésil. On estime qu’il n’y en a que 200 pour environ 6,5 millions de malvoyants dans tout le pays. Selon l’avocat, les chiens guides sont généralement dressés à l’étranger au prix de 10 000 dollars et le délai d’attente pour en obtenir un peut être de 2 ans. Les coûts de dressage sont généralement couverts par des institutions et des projets partenaires.

Robots à pattes
Lysa n’est pas seule dans le monde des chiens robotisés. Un autre chien guide est en développement depuis 2017 à Catanduva dans l’état de São Paulo. Ce projet est mené par Diego Renan Bruno, étudiant de troisième cycle au Laboratoire de Robotique Mobile (LRM) de l’Institut des Sciences Mathématiques et Informatiques de l’Université de São Paulo (ICMC-USP), campus de São Carlos, et par son ancien élève à la Faculté de Technologie Marcelo Assis (Fatec) de Catanduva.

Les chercheurs ont déjà mis au point deux prototypes, dont le second en 2019 dans le cadre du projet de résidence hacker Red Bull Basement, un programme du fabricant de boissons énergétiques qui aide les universitaires à développer leurs projets technologiques. La première version a été construite à partir des pièces d’un aspirateur usagé. « Le nôtre n’est pas encore un produit fini ; il est en cours de développement et la prochaine version, la troisième, sera un robot avec des pattes », informe Bruno. « Je pense que si on l’appelle chien guide, il devra se comporter comme un véritable chien guide ».

Selon Diego Renan Bruno, l’utilisation de roues pose un problème, car on ne peut accéder qu’aux endroits accessibles aux fauteuils roulants, par exemple. Nedinalva de Araújo Sellin de Vixsystem, estime toutefois que, pour être petit et léger, le robot Lysa (le premier de ce type lancé au monde, selon la startup) remplit parfaitement sa mission, car il peut être facilement transporté dans un véhicule et même porté à la main. « Il s’arrête et signale, par exemple, la présence d’un escalier roulant et la personne peut alors le transporter comme s’il s’agissait d’un caddie ».

Selon Diego Renan Bruno, le chien robot à quatre pattes développé et vendu par la société nord-américaine Boston Dynamics est une référence à travers le monde et pourrait être utilisé pour guider les non-voyants. Baptisé Spot, il est déjà utilisé dans le domaine du BTP et de l’exploitation minière pour des tâches d’inspection et de reconnaissance de sites. L’un des obstacles pour atteindre un grand public est son prix car Spot coûte plus de 70 000 dollars aux États-Unis.

« D’autres entreprises, en Chine, au Japon et en Allemagne, ont créé des robots ressemblant à des chiens et inspirés de celui de Boston Dynamics. Bien qu’il s’agisse d’un bon modèle, il ne correspond pas à notre objectif qui est de développer un produit plus abordable », précise Bruno. Une version chinoise beaucoup moins chère d’un robot à quatre pattes est déjà sur le marché. Unitree Robotics propose six modèles de son chien robot, le plus simple étant vendu à 2 700 dollars. Cependant, aucun d’entre eux ne convient comme guide pour les malvoyants ; ils ne sont conçus que pour les inspections souterraines, la surveillance et la détection d’explosifs, entre autres applications.

Projet
Lysa : Robot guidé par GPS pour la mobilité des personnes malvoyantes (nº 20/05195-8) ; Modalité Recherche Novatrice en Petites Entreprises (Pipe) ; Convention MCTI/MC ; Chercheuse responsable Nedinalva de Araújo Sellin (Vixsystem) ; Investissement 532 606,26 reais BRL.

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