Publié en janvier 2006
La construction d’avions et la production d’équipements destinés à l’industrie pétrochimique bénéficient désormais d’une nouvelle technologie qui permettra de souder le titane et l’acier, deux matériaux importants dans ce secteur mais chimiquement incompatibles. Cette nouvelle méthode se base sur l’utilisation d’une soudure de nickel entre ces deux matériaux et d’un poste à souder au laser. L’innovation est importante car elle permettra d’élargir l’emploi de ces matériaux à la production de fuselages, de turbines, de trains d’atterrissage ainsi que de conduites et de réservoirs de stockage utilisés dans l’industrie chimique et pétrolière. Cette découverte est le fruit d’un partenariat entre des chercheurs appartenant à l’Institut de Recherches Énergétiques et Nucléaires (Ipen), du Centre Technologique de la Marine à São Paulo (CTMSP) et du Centre Technico- Aérospatial (CTA) qui a déjà déposé le brevet de ce nouveau procédé auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
“Il s’agit probablement d’une innovation mondiale.D’après ce que nous savons, aucun groupe au Brésil ou à l’étranger n’est jusqu’à présent parvenu à souder avec succès ces deux matériaux.”, déclare le physicien Milton Sérgio Fernandes de Lima, de l’Institut d’Études Avancées (IEA) du CTA. Selon le chercheur, le titane et ses alliages sont chaque fois plus utilisés comme matériaux structurels dans de nombreuses applications industrielles pour remplacer l’acier et l’aluminium. Le principal avantage du titane est d’être un matériel inerte qui possède une couche superficielle imperméable à de nombreuses substances acides, alcalines, et aux fluides du corps humain. Il résiste ainsi davantage à la corrosion et est biocompatible.
“Le titane possède également un excellent rapport résistance mécanique/ poids et ses alliages ont remplacé l’aluminium quand la température d’opération est supérieure à 130° et que ce matériel ne peut plus être utilisé”, déclare-t-il. “Il y a cependant un obstacle à sa large utilisation comme matériel structurel car le titane présente une faible résistance à l’usure. Pour surmonter cette difficulté, il faut utiliser des alliages possédant de meilleures propriétés en termes de résistance au frottement, à l’usure et à la fatigue, comme l’acier.” Le nickel a été choisi comme matériel intermédiaire car il possède des propriétés qui lui permettent d’être métallurgiquement compatible à l’acier et au titane.
Jusqu’à présent, le seul procédé industriel permettant d’unir ces deux matériaux passait par l’utilisation de rivets, petites pièces cylindriques et métalliques ressemblant à des vis. La jonction mécanique de ces pièces occasionnait cependant de sérieux problèmes qui provoquaient la perforation de la structure. Outre le fait de provoquer des tensions sur le matériel, les rivets déforment la zone autour de la perforation, ce qui entraîne une réduction du temps de vie de la jonction. La nouvelle technique mise au point par les chercheurs brésiliens résout ces problèmes. Il est en effet possible de souder les deux matériaux en utilisant une fine lame de nickel de 0,1 à 0,3 mm d’épaisseur entre les pièces d’acier et de titane, à l’aide d’un laser à pulsation mis au point à l’Ipen.
“En vérité, la jonction mécanique du titane et de l’acier avec du nickel était déjà connue.Notre innovation a été d’utiliser une source d’énergie élevée comme le laser pour le soudage “, déclare José Roberto Berreta, ingénieur mécanicien appartenant au Centre Technologique de la Marine à São Paulo.“Grâce au laser, il est possible de mieux contrôler les paramètres de soudage, en focalisant le faisceau de lumière et en contrôlant le taux d’apport thermique, chose difficile à réaliser avec d’autres procédés.”
Après avoir démontré la viabilité technique de ce soudage à l’aide de corps de preuve, les chercheurs travaillent maintenant sur la mise au point de deux prototypes pour l’industrie afin de valider le succès de leur découverte. Leur première démonstration concernera un dispositif d’encapsulation d’un circuit électronique composé d’un dôme en acier inoxydable sur une base épaisse (de 1 à 3 mm) en titane. Ce dispositif est largement utilisé dans l’industrie aéronautique et est normalement fixé sur le fuselage de l’avion. Le deuxième prototype est une tuyère de 1,27 cm de diamètre en acier inoxydable et de 0,6 cm de diamètre en titane, destinée aux industries chimiques et pétrochimiques. “Nous espérons que ces deux prototypes seront prêts en début d’année”, déclare Wagner de Rossi, physicien au Centre d’Application des Lasers à l’Ipen.
Le projet de mise au point de cette nouvelle technique de soudage au laser a reçu le soutien de la FAPESP et a été réalisé dans le cadre de l’Institut Fabrique
du Millenium (IFM). Il s’agit d’une organisation soutenue par le Ministère des Sciences et de la Technologie, regroupant 600 chercheurs issus de 31 groupes de recherches, comme l’Ipen et le CTA. L’action de l’IFM se focalise sur la recherche en manufacture tournée vers les besoins de l’industrie nationale. Selon Milton Lima, du CTA, les premières recherches sur la fusion de l’acier et du titane étaient purement théoriques.“Je voulais étudier les réactions métallu-rgiques qui se produisaient entre le fer et le titane. Il s’agissait d’une étude scientifique, mais je me suis vite rendu compte qu’elle possédait un fort appel commercial”, déclare-t-il.
“Nous sommes optimistes quant à l’applicabilité de cette nouvelle technique.” En mai 2005, Lima a présenté les résultats du projet au 38e Séminaire International de Système de Production du Conseil International pour la Recherche Technologique de Production, Cirp en anglais, qui s’est tenu à Florianópolis, dans l’État de Santa Catarina.“Il s’agit de l’un des congrès internationaux les plus prestigieux en termes de traitement de matériaux et nos études ont été très bien reçues”, déclare Lima.
L’objectif du groupe est d’autoriser une ou plusieurs entreprises à exploiter cette technologie. “Nous avons l’intention de réaliser ce transfert vers le secteur industriel, mais nous n’avons pas encore établi de contacts avec des entreprises. Nous allons tout d’abord préparer les prototypes de démonstration.Nous pensons que les principaux intéressés par ce procédé seront les compagnies des secteurs chimique, pétrochimique et principalement aérospatial quand les fuselages utiliseront probablement le titane comme matière première pour remplacer l’aluminium.” Il s’agit d’un secteur où les exigences en termes de tests et de certifications sont extrêmes.“L’existence d’un procédé qui soude avec succès ce matériel à l’acier sera fondamental.”
LES PROJETS 1. Transformations de phases dans le système ferrotitane, induites par lasers de puissance 2. Procédé de soudage au laser entre l’acier et le titane MODALITÉS 1. Ligne Régulière d’Aide à la Recherche 2. Institut Fabrique du Millenium COORDINATEUR MILTON SÉRGIO FERNANDES DE LIMA – IEA-CTA INVESTISSEMENT 1. 33 275,00 réaux et 835,23 dollars (FAPESP) 2. 18 500,00 réaux (IFM-MCT)
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