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ÈNERGIE

Vinasse alternative

Un résidu de la production d’éthanol peut être utilisé pour produire du biodiesel

Publié en Août 2011

LÉO RAMOSRéunir des microalgues et de la vinasse pour produire du biodiesel est le défi relevé par l’entreprise pauliste Algae Biotecnologia. La nouveauté réside dans l’utilisation de vinasse car la production de biodiesel à partir d’algues a déjà été réalisée par certaines entreprises étasuniennes. Le résidu de la production d’éthanol se caractérise non seulement par la mauvaise odeur qu’il dégagé mais également pour le fait d’être riche en sels minéraux, principalement du potassium, et de posséder des teneurs élevées en matières organiques d’une grande acidité. Dans les années 70, la vinasse est devenue la bête noire du Proálcool, programme gouvernemental visant à utiliser l’éthanol comme carburant. Ce résidu, jeté comme des eaux usées dans les fleuves et les lacs, a tué des poissons, pollué l’eau et atteint la nappe phréatique de certaines localités. Des normes et une législation spécifique fédérale et des états ont été élaborées à partir de 1978, par la Compagnie de Technologie d’ Assainissement Environnemental (Cetesb) de l’État de São Paulo, et ont contraint les producteurs à traiter les résidus d’une manière écologiquement correcte et commercialement intéressante. La solution a été de les utiliser comme engrais dans leur propre plantation de canne à sucre. Depuis lors, la vinasse est répandue par des tuyaux d’irrigation dans un processus appelé ferti-irrigation ou transportée en camion pour une application directe dans les champs. Ces habitudes sont déjà fortement implantées dans l’industrie du sucre et de l’éthanol mais le volume de résidus augmente de manière effarante car environ 10 litres de vinasse sont produites pour chaque litre d’éthanol.

250 milliards de litres de vinasse ont été produits en 2010 après distillation du vin obtenu dans le processus de fermentation du sirop de canne. Ce volume impose des alternatives et d’autres types d’usage outre la fertilisation. À l’inverse des usages visant à une production d’éthanol plus rentable dans certaines grandes propriétés qui ont de gros frais de transport de vinasse, un nouveau processus est apparu visant à réduire la quantité de résidu en augmentant la teneur alcoolique dans la phase de fermentation et mis au point par l’entreprise Fermentec, de Piracicaba, dans l’intérieur pauliste. «Grâce à cette augmentation, il est possible de réduire de moitié la production de vinasse», déclare l’ingénieur agronome Henrique Amorim, associé de l’entreprise Fermentec et professeur retraité de l’Ecole Supérieure d’Agriculture Luiz de Queiroz (Esalq) de l’Université de São Paulo (USP).

Malgré la diminution du volume de vinasse, plus de160 milliards de litres par an seront encore excédentaires. Cette matière première pourra être utilisée pour la production d’huile de microalgues destinée à la fabrication du biodiesel. Ce procédé a déjà montré son efficacité dans les laboratoires d’Algae. « Nous avons déjà obtenu de bons résultats et l’enjeu actuel est de réaliser une planification de la production d’huiles dans des usines pilotes jusqu’en 2012 et ensuite de réaliser des tests dans une usine entre 2013 et 2014 », dit Sergio Goldemberg, directeur technique de l’entreprise. L’huile est extraite de la biomasse qui se forme grâce à la multiplication des microalgues cultivées dans la vinasse. Les microalgues consomment les nutriments du liquide et se développent. Certaines espèces doublent leur population en un seul jour.

Pour extraire l’huile, il faut utiliser un système de centrifugation qui sépare les lipides (graisses) de la biomasse. Le matériel passe ensuite par un séchoir et l’huile est extraite à travers des procédés mécaniques ou chimiques. La teneur en lipides de la biomasse de microalgues atteint 30% contre 18% pour le soja ou encore 40% pour le Jatropha. Les microalgues possèdent un autre grand avantage. La productivité peut s’élever à 40 mille kilos d’huile par hectare (kg/ha), alors que le soja atteint 3 mille kg/ha et le Jatropha, 3,5 mille kg/ha. L’autre avantage des microalgues est que le CO2 émis par les usines durant la fermentation et qui est absorbé par la propre plantation de canne, peut être utilisé pour la production de biomasse car ces microorganismes ont besoin de CO2 pour se multiplier. La protéine résiduelle de ce processus peut être utilisée dans des rations pour la pisciculture, ce qui représente un gain supplémentaire pour les producteurs. Pour produire du biodiesel, tout type d’algue, y compris celui des microalgues, passe par un processus de transestérification qui est une réaction chimique entre un type d’alcool (méthanol ou éthanol) et un lipide et qui produit du biodiesel.

Le bon choix
Sergio Goldemberg explique que les chercheurs sont maintenant engagés dans un projet visant à développer des études et à trouver des solutions pour une meilleure efficacité de tout le système. La recherche commence par le choix des microalgues ou cyanobactéries qui ressemblent à des algues. « Nous menons des recherches sur différentes espèces, principalement celles qui vivent en eau douce », déclare Sergio Goldemberg. « Nous réalisons ensuite une sélection pour savoir quelles sont celles qui s’adapteront le mieux à la vinasse et qui produiront une biomasse microbienne avec un contenu élevé en lipides », déclare le professeur Reinaldo Bastos, du Centre des Sciences Agraires de le ville d’Araras, de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar), partenaire dans les recherches de l’Algae, avec un groupe dirigé par le professeur Eduardo Jacob-Lopes, de l’Université Fédérale de Santa Maria, dans l’État du Rio Grande do Sul. «Nous avons déjà sélectionné environ 20 espèces, la plupart prélevées dans l’environnement et elles sont en train d’être testées dans des cultures avec de la vinasse», déclare Reinaldo Bastos.

La vinasse fonctionne comme un milieu de culture pour la croissance et la multiplication des microalgues. Dans des expériences menées dans d’autres pays, principalement aux États-Unis, les entreprises qui cultivent les algues doivent rajouter des sels minéraux et des nutriments à l’eau dans le processus productif. « Nous avons un avantage par rapport à eux car nous avons un résidu réellement économique pour la production », affirme Reinaldo Goldemberg. Il y a différentes entreprises aux États-Unis qui utilisent des algues pour produire des biocarburants, y compris du biokérosène pour l’aviation, bien que cela ne soit pas encore produit à une échelle commerciale. Il y a l’entreprise Solazyme, financée par le géant Chevron dans le domaine du pétrole et de l’énergie, Algenol, partenaire de l’entreprise Dow et Sapphire, financée par Cascade, entreprise de Bill Gates ainsi que la Fondation Rockefeller. Les trois entreprises reçoivent également un financement du Département de l’Énergie étasunien. Les premières études sur l’utilisation des algues dans la production de biocarburants ont commencé en 1980 au National Renewable Energy Laboratory (NREL), étasunien. « Mais à l’époque, les problèmes énergétiques et les excès de CO2 n’étaient pas considérés comme importants », affirme Reinaldo Goldemberg, ingénieur agronome qui a déjà travaillé avec de la vinasse dans des usines d’éthanol avant de monter l’Algae. La vague de projets, principalement étasuniens avec un soutien gouvernemental, a débuté dans les années 2000.

« Nous aurions pu répliquer ce qui se fait à l’étranger, bien qu’il n’y ait pas encore de produits destinés à la vente, mais nous avons décidé de développer nos propres idées et de suivre une nouvelle voie avec la vinasse », déclare Reinaldo Goldemberg, fils de José Goldemberg professeur de l’Université de São Paulo (USP), ancien ministre de l’éducation et ancien Secrétaire d’État à l’Environnement de l’État de São Paulo. L’Algae reçoit un financement pour la recherche de l’ordre de 2,5 millions de réaux du bailleur de fonds d’Étude et de Projets (Finep), au sein d’un projet du Programme Subvention Économique. Elle reçoit également un second financement de la Banque Nationale de Développement Économique et Social (BNDES), du Fonds de Technologie (Funtec), en partenariat avec l’UFSCar, pour un montant de 3,2 millions de réaux versé sur trois ans, qui a également reçu 400 mille réaux de l’entreprise. Algae a été créée en 2007 et depuis 2009 est une joint-venture du groupe Ecogeo, conglomérat d’entreprises travaillant dans le domaine du conseil et de l’ingénierie environnementale et dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 50 millions de réaux en 2010.

Levure alcoolique
La production de biodiesel à partir de la vinasse peut également éviter de nombreux frais pour le producteur d’éthanol qui a besoin de pomper ou de transporter sur de longues distances ce résidu transformé en engrais, outre le fait d’obtenir de nouveaux gains avec le produit final. La proposition de l’entreprise Fermentec de réduire la production de vinasse de moitié peut être une source d’économie pour les usiniers. «La transporter jusqu’à 35 kilomètres de distance du local de production de la vinasse couvre les coûts de l’engrais, principalement du chlorate de potassium, qui est en grande partie importé. « Au-delà de cette distance, il y a des pertes financières », déclare Amorim, de Fermentec. L’objectif de l’entreprise est d’augmenter à 16% la teneur alcoolique en fin de fermentation, qui est en moyenne de 8%, phase dans laquelle les levures de l’espèce Saccharomyces cerevisiae se chargent de transformer le sucre en alcool. Ce dernier est ensuite séparé de la vinasse dans la phase de distillation.

L’entreprise, dont le chiffre d’affaires s’élève à 10 millions de réaux par an, sélectionne des lignées de Saccharomyces depuis 1990 et fournit environ 80% des levures utilisées dans les usines du pays. Depuis six ans elle développe des études liées à la température dans le processus de fermentation et principalement dans la sélection de ces microorganismes. À cet effet, elle a réuni des chercheurs comme les professeurs Luiz Carlos Basso et Márcio de Castro Silva Filho de l’Esalq, de Pio Colepicolo de l’Institut de Chimie de l’USP et de Boris Stambuck, de l’Université Fédérale de l’État de Santa Catarina. Une étude a été réalisée, sous la coordination de Silva Filho et le financement du Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq), pour comprendre comment les levures s’adaptent à la teneur alcoolique élevée de la fermentation. Après l’analyse des 6 mille gènes de ces levures, il a été possible de détecter ceux liés à la capacité de l’organisme de se maintenir viable dans une teneur alcoolique élevée. « Nous avons déjà identifié une série de gènes et à long terme nous pourrons introduire ou moduler l’expression de ces gènes dans des lignées de levure », déclare Silva Filho. Pour sélectionner de nouvelles levures qui agissent à une teneur alcoolique élevée, Fermentec a, en 2009, sollicité un projet du Programme de Recherche d’Innovation en Petites Entreprises (Pipe) de la FAPESP. « Nous voulons trouver de meilleures levures que les actuelles et qui puissent agir dans 18% de teneur alcoolique pour l’utilisation du nouveau processus de fermentation », affirme Amorim.

Une étude a été menée avec succès dans l’usine da Pedra, dans la commune pauliste de Serrana. Avec une fermentation réalisée à 16%, il a été possible d’évaluer l’économie qui serait réalisée avec de la vinasse et qui se chiffrerait à 7 millions de réaux par récolte. « Nous sommes déjà prêts à commercialiser le procédé », affirme Amorim.

LE PROJET
Sélection de levures tolérantes dans des processus de fermentation avec une teneur alcoolique élevée visant à la réduction de la vinasse et à l’économie d’énergie– nº 09/52427-2
MODALITÉ
Recherche d’Innovation en Petites Entreprises (Pipe)
COORDONNATEUR
Henrique Amorim – Fermentec
INVESTISSEMENT
202.923,42 réaux et 135.310,28 US$ (FAPESP)

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