Publié en novembre 2014
Les jours sont longs sur Vénus. La planète tourne très lentement. Presque aussi grande que la Terre, Vénus a une période de rotation de 243 jours. Avec une rotation aussi lente, les météorologistes pensaient que l’atmosphère vénusienne était l’une des plus calmes du Système Solaire. Toutefois, des sondes envoyées sur la planète ont détecté dans la haute atmosphère des vents violents constants soufflant à 400 kilomètres heure. Des vents d’une telle intensité ne se manifestent généralement sur terre que lors d’ouragans ou, parfois à de hautes altitudes. Sur Vénus, ils soufflent constamment, principalement à l’équateur.
Pour essayer de comprendre ce mystère, le météorologiste João Rafael Dias Pinto, de l’Université de São Paulo (USP), et Jonathan Lloyd Mitchell, astronome de l’Université de Californie à Los Angeles, ont créé un modèle informatique simplifié de planète avec une atmosphère. Des simulations utilisant ce modèle et publiées en août dans la revue Icarus décrivent correctement pour la première fois comment se comportent les vents qui balaient Vénus. Il s’agit d’un phénomène connu sous le nom de super-rotation atmosphérique et également observé sur Titan, la plus grande lune de Saturne. « Nous avons détecté de nouveaux et d’importants mécanismes qui nous aident à mieux comprendre ces vents », déclare Jonathan Lloyd Mitchell.
Le secret de la super-rotation, selon ce nouveau modèle, réside dans le mode de propagation de la chaleur dans l’atmosphère de Vénus et de Titan. La chaleur s’y propage verticalement vers le haut et en direction des pôles et cela plus lentement que sur Terre. En outre, un type particulier d’ondulation dans l’atmosphère affecte les courants de gaz.
Vénus et Titan sont si dissemblables qu’il est assez curieux que leurs atmosphères se comportent de manière identique. La température à la surface de Vénus atteint 477 degrés Celsius, conséquence de l’effet de serre de son atmosphère riche en gaz carbonique. Sur Titan, la température est de moins 180 degrés, et des pluies de méthane alimentent des lacs en surface. Cependant, en se posant sur Titan, la sonde spatiale Huygens a découvert en 2005 un profil de vents quasi identique à celui observé sur Vénus par les sondes soviétiques de la série Venera dans les années 70 et 80. Les vents qui soufflent faiblement en surface atteignent 360 km/h à l’équateur de Vénus et de Titan et cela à plus de 50 kilomètres d’altitude. Sur la Terre, ces vents de haute altitude situés à l’équateur ne dépassent pas 15 km/h.
Outre la rotation
João Rafael Dias Pinto explique que sur la Terre le déplacement des masses d’air qui entourent le globe est dû à la différence de température entre l’équateur et les pôles et à la rotation de la planète. C’est pour cela que les météorologistes s’attendaient à des vents plus faibles pour des planètes et satellites ayant une rotation plus lente. Les chercheurs essayaient de comprendre cette super rotation depuis les années 70 et ont fini par conclure que, outre cette rotation plus lente, il est probable qu’un type spécifique d’oscillations situé dans les mouvements de l’atmosphère, les ondes atmosphériques, aident à créer un jet d’air intense qui se concentre à l’équateur et qui couvre pratiquement tout le corps céleste. « C’est comme si l’atmosphère entière se déplaçait dans un seul sens », explique João Rafael Dias Pinto. « Le problème, c’est que la plupart des modèles atmosphériques de Vénus et de Titan, même les plus réalistes, ne parviennent pas à reproduire cette super-rotation ».
Il s’est mis à étudier la super rotation au cours de son doctorat et, lors d’une conférence en France en 2011, il a rencontré Mitchell, un spécialiste de Titan et de Vénus qui souhaitait attaquer de front le problème à l’aide d’un modèle plus simplifié. « Avec un modèle mieux conçu, je peux mieux contrôler la dynamique de l’atmosphère », explique João Rafael Dias Pinto. Il a mené des recherches sous l’orientation de Mitchell et des brésiliens Rosmeri Porfírio da Rocha et Tércio Ambrizzi, de l’Institut d’Astronomie de Géophysique et de Sciences Atmosphériques (IAG) de l’USP, et est parvenu à simuler cette super rotation en utilisant un modèle atmosphérique utilisé pour les prévisions météorologiques.
En modifiant certains paramètres de ce modèle, João Rafael Dias Pinto a découvert que le ralentissement de la rotation de la planète n’était pas suffisant pour accélérer la rotation de l’atmosphère. « João Rafael a démontré que le modèle ne déclenche une super rotation que s’il transporte plus lentement la chaleur de l’équateur vers les pôles », explique Mitchell, observant que sur Vénus et Titan l’air circule verticalement très lentement, malgré la force des vents.
João Rafael Dias Pinto a également observé dans ses simulations un type spécial d’onde planétaire issu des oscillations dans le mouvement d’air à l’équateur de la planète. « Il s’agit d’ondes planétaires qui produisent et entretiennent la super rotation », déclare Mitchell.
« Ces aspects liés à la super rotation n’avaient jamais été analysés de manière détaillée », déclare Sébastien Lebonnois, astronome du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) en France et qui étudie la super rotation de Vénus et de Titan. « Pour confirmer ces analyses, nous aurons besoin d’observations du vent et de la température avec un degré de précision qu’il est même difficile d’obtenir sur Terre ». Malgré les difficultés, il espère obtenir des données concrètes de la sonde Vénus Express ou de la sonde Cassini qui survole Titan.
Projet
Interaction onde-écoulement moyen et super-rotation atmosphérique sur des planètes terrestres (nº 12/13202-8); Modalité Bourse de Doctorat – Stage à l’Étranger; Chercheur responsable Tercio Ambrizzi (IAG/USP); Boursier João Rafael Dias Pinto; Investissement 40 381,84 reais (FAPESP).
Article scientifique
DIAS PINTO, J. R. et MITCHELL, J. L. Atmospheric superrotation in anid ealized GCM: Parameter dependence of the eddy response. Icarus. v. 238. p.93-109. Août 2014.