Publié en septembre 2013
Une atmosphère plus riche en gaz carbonique (CO2), comme celle prévue pour les prochaines décennies compte-tenu des émissions continues de gaz à effet de serre dues aux feux de forêts et aux combustibles fossiles, pourrait être profitable à la culture du café, l’une des principales cultures agricoles du pays. Elle pourrait même interrompre la perte de productivité liée à l’augmentation de la température et à l’intensification des sècheresses et des inondations, selon les premiers résultats obtenus par une culture expérimentale à l’Embrapa de Jaguariúna.
Les caféiers cultivés pendant deux ans dans six octogones de 10 mètres de diamètre ont reçu une concentration en CO2 de 550 parties par million (ppm), simulant ainsi l’atmosphère de la fin du siècle qui pourrait atteindre 760 ppm. Dans six autres octogones les caféiers ont été cultivés avec un niveau de CO2 comparable à celui de l’atmosphère actuelle, soit une concentration de 400 ppm. Comparativement, les caféiers ayant reçu davantage de CO2 (contrôlés par des capteurs actionnés automatiquement selon le sens et l’intensité du vent), sont plus grands, avec des branches plus longues, une tige plus robuste et des feuilles plus larges.
Les caféiers ayant reçu davantage de CO2 ont également produits plus de fruits, selon Raquel Ghini, coordonnatrice du projet Face, sigle de free aircarbon dioxide enrichment. Elle indique également que le gain de productivité final ne sera pas encore communiqué car il n’exprime que le résultat d’une seule récolte. Comme le café passe par des années de haute et de faible productivité, «il nous faut au moins deux récoltes pour avoir des valeurs plus solides», dit-elle. La qualité des grains est actuellement analysée par des spécialistes de l’Institut Agronomique de Campinas.
Les caféiers ont pu se développer dans une atmosphère enrichie en CO2 car le taux de photosynthèse a augmenté de 60%, passant de 10 à 16 micromoles de CO2 par mètre carré foliaire par seconde. «Mais l’ajout de CO2 dans l’atmosphère requiert davantage de substrats pour que le caféier puisse réaliser la photosynthèse», déclare Emerson da Silva, chercheur à l’Institut de Botanique de São Paulo, et responsable des analyses.
EDUARDO CÉSARC’est à travers la photosynthèse que les plantes transforment la lumière solaire et le CO2 en carbohydrates. Avec plus de carbohydrates dans ses tissus, la plante pourra se développer davantage, produire plus de fruits ou, comme dans le cas du soja, synthétiser davantage de composés chimiques qui protégeront les plantes de microorganismes pathogènes. En cultivant des caféiers dans des serres au toit ouvert avec une concentration en CO2 de 760 ppm, l’équipe de l’Institut de Botanique a constaté un accroissement de la capacité de résistance à la lumière, du point de saturation lumineux, qui est passé de 600 à 800 micromoles de photons par mètre carré seconde. «Les plantes ont acquis la propriété de recevoir davantage de lumière», explique Emerson Silva.
L’exemple de Minas
Fabio DaMatta, professeur à l’Université Fédérale de Viçosa (UFV), estime que les avantages liés à la concentration élevée de CO2 dans l’atmosphère pourraient neutraliser une bonne part des effets nuisibles dus à l’élévation de la température et aux variations des précipitations. Selon une étude récente, cet ajout de CO2 pourrait avoir le même effet pour les cultures de soja, riz et blé, pour lesquels on prévoit une chute importante de production dans les prochaines décennies en ne tenant compte que de l’élévation de la température.
Si ces prévisions optimistes se confirment, on pourrait éviter la migration de cultures comme celle du café vers des régions aux températures plus amènes dans le sud du pays. «Le nouveau zonage du café ne peut pas être établi sans considérer l’augmentation de la concentration de CO2 », dit-il. L’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 pourrait expliquer «certains résultats jusqu’alors impensables», dit-il. En effet, les caféiers cultivés dans certaines régions de l’état de Minas Gérais supportent une température moyenne annuelle de 24,5º Celsius, soit 1,5 degré de plus que la limite normalement supportée par la plante. «Une partie du succès de la culture dans ces régions est possiblement due à l’augmentation de la teneur en CO2 dans l’atmosphère».
Les études en cours présentées début septembre à Jaguariúna, indiquent que le caféier pourrait être moins susceptible à certaines maladies. Cependant ce scénario est encore incertain. «Certains parasites et maladies devraient augmenter et d’autres diminuer, car les plantes en se développant davantage pourraient créer un microclimat plus humide avec des températures plus basses qui seraient favorables aux champignons et aux bactéries», déclare Raquel Ghini.
L’herbe Brachiaria decumbens, principal aliment du bétail au Brésil et qui pousse entre les plants de café, s’est développée davantage quand elle a été soumise à une atmosphère plus riche en CO2, produisant plus de biomasse et de fibres que l’herbe non exposée aux doses supplémentaires de CO2. Cependant, «sa valeur nutritive est moindre», constate Adibe Abdalla, chercheur à l’Université de São Paulo (USP). En outre, il s’agit d’une fibre de moindre qualité dont la digestion pourrait mener à une plus grande production de méthane, l’un des gaz liés aux changements climatiques.
Projets
1. Effets d’une concentration atmosphérique élevée en CO2 dans des serres au toit ouvert, le système Face sur la photosynthèse et les mécanismes naturels de résistance à la rouille du caféier (12/08875-3); Modalité Ligne Régulière d’Aide au Projet de Recherche; Coordination Emerson Alves da Silva – Institut de Botanique; Investissement 198 255,31 réais (FAPESP).
2. Impact de l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et disponibilité en eau pour la culture du café dans une expérimentation Face (“Free Air CO2Enrichment”); Coordination Raquel Ghini – Embrapa Environnement; Investissement 2 627 048,96 réais (Embrapa).
Republier