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MICROÉLECTRONIQUE

Conducteur au four

Des chercheurs ont mis au point de nouveaux matériaux qui augmentent jusqu’à 250 fois la mémoire des ordinateurs à l’aide d’un four à micro-ondes domestique

ChipEduardo CESARPublié en mars 2004

Un groupe de chercheurs du Centre Multidisciplinaire pour de Développement de Matériaux Céramiques (CMDMC) à São Carlos, a annoncé la mise au point d’un nouveau procédé et d’un nouveau type de puce capable d’augmenter de 250 fois la mémoire des ordinateurs. Cette nouvelle est importante car elle apportera de grands bénéfices aux consommateurs et ouvrira une nouvelle voie à l’industrie informatique et électronique nationale voire internationale. La production de semi-conducteurs, qui sont des éléments essentiels au fonctionnement de tout équipement électronique, est un des quatre points faisant partie des directives de la politique industrielle brésilienne annoncées par le gouvernement fédéral en novembre, et qui doivent être confirmées au mois de mars. Ces produits fabriqués avec du silicium comprennent les fameuses puces et d’autres dispositifs faisant partie des circuits intégrés qui traitent et conservent les informations de tout processeur utilisé dans les guichets électroniques de banques, les téléphones portables, le système d’injection des voitures, les TV ou les ordinateurs.

Les semi-conducteurs sont bien cotés pour bénéficier d’encouragements gouvernementaux et entrepreneuriaux qui favoriseront leur développement, au même titre que les logiciels, les substances pharmaceutiques et les biens de capital. Jusqu’à présent les discussions menées autour de la production de ces éléments au Brésil n’abordent que l’importation de procédés technologiques et la création d’usines dans le pays. Cette nouvelle perspective, annoncée à São Carlos, peut raviver le débat sur la production des semi-conducteurs dans le pays.

Pour obtenir des nouveaux matériaux, qui pourront être utiles aux nouvelles générations de mémoires informatiques, les chercheurs du CMDMC, un des dix Centres de Recherche, d’Innovation et de Diffusion (Cepids) financés par la FAPESP, ont mis au point un procédé simple et bon marché basé sur un dépôt chimique réalisé à l’aide d’un four à micro-ondes domestique et qui a déjà été breveté. Ils ont également créé une électrode (élément conducteur d’électricité) qui pourra remplacer le platine dans les circuits intégrés. Toutes ces découvertes intéressent déjà une entreprise multinationale, que les chercheurs ne souhaitent pas pour l’instant citer en fonction des négociations en cours.

INFO 1De petits isolants
Pour comprendre l’avancée des produits présentés par les chercheurs il faut entrer dans le monde des semi-conducteurs et de leurs éléments. Ce nouveau matériel en forme de pellicule, appelé films fins, à base de Titanate de baryum et de plomb (PbBaTiO3), possède de bonnes caractéristiques pour pouvoir intégrer un dispositif de mémoire informatique et son effet diélectrique constant et élevé est de bonne augure. Plus cette constance sera élevée, plus grande sera la quantité d’électrons stockée dans la mémoire. Ce paramètre mesure la capacité du matériel à permettre le déplacement de la charge électrique à travers sa surface vers les autres couches internes des circuits. En vérité, il s’agit de matériaux isolants et incapables de conduire un courant électrique, contrairement aux matériaux conducteurs dans lesquels le courant passe normalement. Les semi-conducteurs sont des matériaux composés d’éléments chimiques comme le silicium, le germanium ou des substances comme l’arsénite de gallium, et possèdent une conductivité électrique intermédiaire, stockant moins d’électrons qu’un métal, mais favorisant un contrôle plus aisé et plus ordonnée de ces particules. Dans un matériel diélectrique la charge est déplacé vers un autre niveau dans des circuits électroniques, connu sous le nom de puce (un sandwich de matériaux semi-conducteur et conducteur intercalés par des couches de films diélectriques), sous la forme de décharges, également appelées inductions, quand la rigidité diélectrique est dépassée.

L’effet diélectrique constant du film de titanate de baryum et de plomb obtenu à São Carlos est de 1.800, soit plus de 250 fois celui d’un capaciteur (dispositif qui stocke la charge électrique dans un espace très réduit), utilisé dans les circuits intégrés. Les films actuels à base d’oxyde de silicium et de nitrate de silicium possèdent un effet diélectrique constant égal à sept. Dans d’autres produits mis au point par les chercheurs du CMDMC et par les nord américains et les japonais, les plus grandes constantes diélectriques obtenues atteignent 700 avec des méthodes sophistiquées et onéreuses. “Les puces actuelles d’une constance de sept sont par exemple capables de gérer une mémoire d’un Gigaoctet, alors que le matériel que nous avons mis au point atteint 250 Gigaoctets”, déclare le professeur Elson Longo, coordinateur du Laboratoire Interdisciplinaire d’Electrochimie et de Céramique (Liec) du département de Chimie de l’Université Fédérale de São Carlos (UFScar) et du CMDMC. Ce dernier appelé également Cepid Céramique, est composé de l’Institut de Chimie (IQ) de l’Université Publique Pauliste (Unesp) d’Araraquara, de l’Institut de Recherches Énergétiques et Nucléaires et de l’Institut de Chimie de l’Université de São Paulo à São Carlos.

“Actuellement il est possible de stocker 1 mégaoctet d’informations dans des pastilles semi-conductrices d’un centimètre carré (cm2). Avec la nouvelle mémoire il sera possible de stocker 250 mégaoctets dans le même espace ”, déclare Longo. “La haute densité diélectrique, outre le fait de représenter une grande avancée pour le stockage de le mémoire des capaciteurs, est nécessaire pour maintenir la concentration et le stockage de la charge électrique à des niveaux exigées par les prochaines générations de mémoires à accès aléatoire dynamique, appelées Dram (Dynamic Random Acess Memory), qui stockent les données et les informations du logiciel utilisé et favorisent également une économie d’électricité.”

La recherche qui a débouché sur la découverte des films fins de Titanate de baryum et de plomb fait partie d’une course mondiale initiée depuis plus de vingt ans pour résoudre un des problèmes de la microélectronique; la taille des cellules de mémoire. Cette pièce diminue chaque année afin d’augmenter le nombre de ces dispositifs et favoriser une plus grande capacité de stockage et de traitement des données. C’est une voie dictée par l’évolution des logiciels, chaque fois plus variée, répandue et sophistiquée. La diminution des dispositifs de mémoires favorise la miniaturisation et la création de nouveaux équipements électroniques ainsi que la multiplication des fonctions de ces appareils.

Les recherches visant à augmenter la mémoire et l’espace dans les dispositifs semi-conducteurs sont permanentes depuis les années 70. La plus fameuse prédiction sur les progrès de l’informatique émane de l’ingénieur en électronique Gordon Moore, un des fondateurs d’Intel, principale fabrique de semi-conducteurs aux États-Unis. Il avait déclaré que la croissance de l’industrie informatique provoquerait une augmentation de la capacité de traitement des puces qui devrait doubler tous les deux ans. Cette prévision rédigée par ses propres soins dans un article publié dans la revue Eletronics en 1965 sera connue plus tard sous le nom de Loi de Moore. Depuis lors, l’industrie électronique a exactement suivi cette évolution parfois même avec davantage de rapidité. À titre d’exemple, la taille des mémoires RAM quadruple tous les trois ans.

Il est cependant chaque fois plus difficile de maintenir la densité des électrons dans des capaciteurs utilisant les dérivés actuels du silicium. Le capaciteur qui est un élément essentiel pour ce type de dispositif diminue chaque année. Au début des années 1990, il mesurait 3,6 mm2 et actuellement il mesure 0,1 mm2. La prévision est qu’il atteigne la taille de 0,04 mm2 entre 2007 et 2010. Grâce à la miniaturisation, la quantité de transistors (amplificateurs de signaux électriques) a également augmenté dans les équipements électroniques. Les processeurs 8086, introduits sur le marché en 1978, possédaient 29 mil transistors. De nos jours avec le Pentium 4, ce nombre de transistors s’élève à 42 millions.

INFO 2Choc de température
La taille réduite de ces composants crée un autre problème; le super réchauffement des couches d’oxyde de silicium. L’industrie qui produit ces dispositifs mène depuis quelques années des recherches incessantes afin d’éviter, dans l’avenir, la perte de courant électrique dans les circuits intégrés de ces capaciteurs de plus en plus réduits, remettant en cause la fiabilité des ordinateurs et d’autres équipements électroniques.

Les températures élevées ne sont pas un problème pour les films mis au point par l’équipe coordonnée par le professeur Elson Longo. “Les systèmes sont fiables car le titanate de baryum et de plomb ne se dégrade pas aux températures qui affectent les dispositifs actuels. La propriété ferroélectrique du nouveau film possède plusieurs avantages sur les dispositifs ferromagnétique utilisés actuellement, comme son faible voltage opérationnel, sa légèreté, sa taille réduite ainsi qu’une vitesse d’écriture et de lecture plus élevée dans le processus qui stocke, efface et imprime les signaux digitaux 0 et 1 dans la mémoire d’un ordinateur. “De grands groupes industriels américains, européens et asiatiques investissent actuellement des millions de dollars dans l’achat de films fins ferroélectriques car ils sont compatibles et s’intègrent facilement à la technologie actuelle de production de circuits intégrés qui utilisent des puces de silicium et d’arsénite de gallium ”, déclare Longo.

Mais le plus grand avantage industriel du nouveau film réside dans son processus de fabrication. À partir d’une solution organique de citrate obtenue à partir de l’acide citrique (existant dans toutes les agrumes) on prépare une substance solide possédant une structure chimique polymérique (identique aux plastiques) en utilisant comme ingrédients du baryum, du plomb et du titanate. Cette substance est réchauffée dans un four classique à une température de 300º Celsius afin d’en retirer le matériel organique (principalement le carbone). “Ensuite nous utilisons un four à micro-ondes domestique pour produire la cristallisation, [essentielle pour obtenir un bon effet diélectrique constant] et produire le film de titanate de baryum et de plomb”, explique Longo. C’est la première fois que l’on obtient cet élément en utilisant cette méthode. “Il est possible que la NASA (agence spatiale nord-américaine) et les militaires US utilisent déjà du titanate dans des puces réclamant davantage de stabilité. Cependant il n’est pas fabriqué industriellement et est probablement produit en laboratoire par des méthodes onéreuses et complexes sans pour autant posséder l’effet constant diélectrique que nous avons obtenu”.

Les films de titanate de baryum et de plomb pourront être produits dans un environnement normal, sans aucunes contraintes. Les fabriques de technologie de pointe sont obligées d’utiliser des salles décontaminées de tout matériel en suspension qui coûtent des millions de dollars. “En utilisant les méthodes conventionnelles de production, le temps actuel de fabrication de ces matériaux est d’environ 40 heures. Dans le système que nous avons mis au point, le temps de production du titanate est de deux heures dans un four classique plus dix minutes dans un four à micro-ondes”, déclare Longo. La FAPESP en a financé le brevet qui a été déposé en juillet 2003, bien avant la publication le 12 janvier de cette année de l’article scientifique paru dans la revue de l’Institut Américain de Physique Applied Physics Letters. Cet article a été signé par le professeur Longo et par les chercheurs Fenelon Martinho Lima Pontes, Edson Leite, Geovane Pimenta Mambrini et Márcia Tsuyama Escote, de l’UFScar, ainsi que par le professeur José Arana Varela, de l’Unesp.

Cette même méthode a été utilisée par l’équipe de chercheurs pour produire une autre nouveauté; l’électrode de nickelate de lanthane (LaNiO3). Ce matériel remplace la couche de platine dans le sandwich formé par la puce. Comme le titanate de baryum, le nickelate a été produit à partir d’un composé de nickel et de lanthane qui garantit les propriétés structurelles du matériel avant qu’il n’aille au four, contrairement aux films actuels qui passent par divers processus de dépôts chimiques ou physiques. Cela signifie que le précurseur polymérique possède déjà la mémoire chimique ayant la structure nécessaire pour devenir un matériel semi-conducteur ou conducteur. “Nous donnons au matériel la forme d’une structure polymérique et quand nous le brûlons, il ne reste que le squelette qui est la plaque conductrice ou diélectrique”, déclare Longo. “Il faut également souligner que ces matériaux sont compatibles entre eux dans leur structure chimique et moléculaire, facilitant ainsi l’intégration de ces films dans un dispositif utilisant normalement de l’or comme conducteur et qui est chimiquement compatible.”

INFO 3Des milliards en jeu
Les nouveautés présentées par l’équipe du professeur Longo ne doivent pas pour l’instant diminuer la dépendance brésilienne en matière d’importation de semi-conducteurs qui, en 2003, se chiffrait à 1,7 milliards de dollars US, conformément aux données transmises par l’Association Brésilienne de l’Industrie Électrique et Electronique (Abinee). Les achats réalisés dans les pays du sud-est Asiatique, comme Taiwan, Singapour et Hong-Kong correspondent à 1,2 milliard de dollars US de ce montant total. “Le Brésil n’a pas les moyens de financer seul la construction de fabriques de semi-conducteurs qui nécessitent de lourds investissements s’élevant à plusieurs milliards de dollars ”, déclare Longo. “Grâce à notre travail, nous avons démontré que le Brésil possède les compétences nécessaires pour développer de nouveaux projets et pour former un personnel hautement qualifié dans ce secteur.” Les films de titanate de baryum et de plomb ainsi que l’électrode de nickelate de lanthane, produits grâce à la technique mise au point par le Cepid Céramiques, pourront aussi bien être produits au Brésil qu’à l’étranger, si les résultats des négociations s’avèrent positifs.

Le marché des semi-conducteurs qui brasse des milliards, s’adapte et évolue rapidement. Selon les données de l’Association de l’Industrie des Semi-conducteurs Américaine (SIA), les ventes mondiales pour ce secteur ont, l’année dernière, atteint la somme de 166,4 milliards de dollars US, soit 18,3% de plus qu’en 2002, La croissance prévue pour cette année est de 19%. Il s’agit donc d’un marché hautement attractif dans une activité chaque fois plus fondamentale.

Les projets
1. Films fins destinés aux mémoires des ordinateurs; Modalité Centres de Recherche, Innovation et Diffusion (Cepids); Coordinateur Elson Longo – Centre Multidisciplinaire pour le Développement de Matériaux Céramiques; Investissement 1.200.000,00 réaux par an pour l’ensemble du Cepid
2. Appareil et méthode pour cristalliser les films fins en utilisant un four à micro-ondes domestique; Modalité Programme de Soutien de la Propriété Intellectuelle; Coordinateur Elson Longo – Centre Multidisciplinaire pour le Développement de Matériaux Céramiques; Investissement 6.000,00 réaux

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