Publié en juillet 2013
RAUL AGUIARDes innovations conçues dans des universités arrivent plus fréquemment sur le marché brésilien. Cette alternative représente une valeur ajoutée technologique pour les entreprises en termes de produits et de processus comme le prouve l’augmentation croissante d’autorisations concédées aux universités en termes de droits intellectuels et de la transformation de cette connaissance en produits novateurs. Une technologie prometteuse lancée sur le marché fin 2012, par exemple, concerne un photomètre analyseur de carburant développé à l’Institut de Chimie de l’Universidade Estadual de Campinas (Unicamp) et breveté par Tech Chrom, entreprise hébergée dans l’Incubateur d’Entreprises de Base Technologique de l’Université (Incamp). Alors que les tests d’évaluation d’adultération de carburants dans les stations-service doivent suivre différentes étapes et ont besoin de personnel entrainé pour analyser les informations, le photomètre (qui travaille dans la région du proche infrarouge), indique automatiquement le résultat obtenu dans le viseur de l’appareil en sept secondes. En outre, le test traditionnel pour l’essence requiert 50 millilitres (ml) du carburant et celui de l’éthanol, 1 litre. L’appareil avec le photomètre, quant à lui, fonctionne avec seulement 5 ml de carburant introduit dans un récipient approprié. «Il suffit d’indiquer si l’analyse concerne de l’éthanol ou de l’essence», déclare Ismael Pereira Chagas, qui a développé le prototype d’analyseur de carburant au cours de son doctorat et qui travaille actuellement comme chercheur dans l’entreprise.
Un financement du programme Recherche Novatrice en Petites Entreprises (Pipe), de la FAPESP, a permis à Ismael Pereira Chagas de poursuivre ses recherches chez Tech Chrom pour que le prototype se transforme en produit. «L’enjeu a été de créer un équipement petit et robuste et qui puisse être utilisé par n’importe qui», dit Valter Matos, directeur de l’entreprise. L’appareil, appelé Xerloq, peut stoker dans sa mémoire les résultats de 98 analyses. «Nous avons également développé un logiciel pour imprimer le résultat de l’analyse pour le client de la station-service», dit Ismael Chagas. Grâce au projet Pipe, l’entreprise a pu réduire le prix de vente de l’équipement qui est passé de 6 800,00 à 4 950,00 réais. Jusqu’à présent, plus de50 appareils ont été vendus à des stations de revente et à des distributeurs de carburant. «Mais il y a un marché potentiel à exploiter avec environ 39 mille stations-service réparties dans le pays», déclare Valter Matos.
La licence obtenue par une graisse à faible teneur en acides gras saturés et exempte d’acides gras trans, développée à la Faculté d’Ingénierie d’Aliments en partenariat avec Cargill Agrícola et utilisée comme garniture de biscuits et d’autres applications, a permis à l’Unicamp de percevoir des royalties records s’élevant à 724 mille réais en 2011. Les recherches menées sur cette nouvelle graisse ont commencé à l’université dans les années 90, mais ce n’est qu’en 2008 que les résultats effectifs ont commencé à apparaitre et à attirer l’attention de l’industrie.
Depuis sa création en 2004, l’Agence d’Innovation Inova, de l’Unicamp, a enregistré une hausse tant en termes de dépôts de brevet que de licences, ce qui démontre l’intérêt des entreprises pour les innovations. L’année dernière, 73 brevets ont été déposés, 13 contrats de licence ont été signés, 29 programmes informatiques ont été enregistrés, ce qui est un record pour une seule année depuis le premier brevet déposé par l’université en 1984. Au total, 63 licences sont actuellement en vigueur.
L’agence a établi un partenariat avec l’Université de Cambridge en 2009 pour connaître à fond les systèmes d’innovation avancés. Cambridge Enterprise est la filiale de l’université qui s’occupe des brevets et du transfert de technologie. «Depuis 2006, nous sommes devenus une entreprise qui peut également investir dans d’autres entreprises après plus de 20 ans passé comme agence d’innovation de l’université. Nous investissons et possédons des actions dans 63 compagnies», déclarait Shirley Jamieson, directrice de marketing de Cambridge Enterprise, au cours de la XIII Conférence de l’Association Nationale de Recherche et de Développement des Entreprises Novatrices (Anpei), réalisée à Vitória (ES), au mois de juin.
Les entreprises brésiliennes font également appel aux universités pour la recherche de nouvelles technologies. À la demande du physiothérapeute Renato Loffi, propriétaire de l’entreprise Treini Biotecnologia, un vêtement spécial qui corrige la posture corporelle et qui devrait être lancé d’ici un an, a été créé à l’École d’Éducation Physique, Physiothérapie et Thérapie Occupationnelle (EEFFTO) de l’Université Fédérale de Minas Gérais (UFMG). «Une toile de rubans élastiques interconnectés favorise la tension du vêtement et permet de corriger la posture et de prévenir les lésions», explique le professeur Pedro Vidigal, directeur de la Coordination de Transfert et d’Innovation Technologique (CTIT), agence d’innovation de l’université de Minas Gérais. Après avoir travaillé plus de huit ans dans le Système Unique de Santé (SUS), Renato Loffi a décidé de faire appel au professeur Sérgio Fonseca, d’EEFFTO, spécialiste des études sur les mouvements humains, pour créer un vêtement qui puisse être utilisé tant dans la vie professionnelle que par des athlètes. L’entreprise Treini, qui a obtenu la licence de ce produit, étudie le lancement du vêtement en quatre versions: thérapeutique, occupationnelle, sportive et militaire.
Parmi les principaux brevets obtenus par l’UFMG et qui ont déjà conquis le marché brésilien se trouve un vaccin contre la leishmaniose viscérale canine appelé Leish-Tec. Ce vaccin a été développé par la Faculté de Pharmacie et l’Institut de Sciences Biologiques en collaboration avec le laboratoire espagnol Hertape Calier. On espère que le vaccin sera introduit sur le marché européen d’ici 2014. Il y a un autre cas de coopération entre l’entreprise et l’université considéré emblématique par Pedro Vidigal. Il s’agit de l’entreprise Crômic, une petite fabrique du pôle de chaussures sportives de Nova Serrana, dans la région de Belo Horizonte, qui était à la recherche d’un produit novateur pour se distinguer sur le marché et concurrencer les produits chinois. «Ils voulaient développer une ligne de chaussures sportives novatrice». Comme il n’y avait personne à l’université qui travaillait dans ce domaine, nous avons créé un groupe de chercheurs coordonné par l’agence et lié à l’EEFFTO et au laboratoire de Bioingénierie de l’École d’Ingénierie, pour développer un système d’amortissement pour les semelles de chaussures sportives. L’innovation a été incorporée et lancée dans une ligne de tennis appelée Aerobase et qui est actuellement le deuxième produit le plus vendu par l’entreprise. En 2012, la CTIT a enregistré 661 demandes de dépôts de brevets, des marques, des dessins industriels et des programmes informatiques. 547 de ces demandes ne concernant que les dépôts de brevet. Les contrats de licence technologique signés s’élevaient à 43 au mois de mai, pour 101 technologies brevetées.
Une grande partie de la technologie est validée par les propres chercheurs universitaires, à l’exemple d’une innovation dans un procédé de production de bière qui accélère la phase de fermentation et découvert par Éverton Estracanholli au cours de son doctorat à l’Institut de Physique de São Carlos, à l’Université de São Paulo (IFSC-USP). Il a eu l’idée d’utiliser des leds (diodes eletroluminescentes) au cours de la fermentation ce qui lui a permis d’en réduire le temps de 15% à 20% sans modifier la qualité de la boisson. Ce résultat lui a permis de transformer son hobby en production artisanale dans la micro-brasserie Kirchen, à São Carlos. «C’est une petite affaire qui va se développer car elle intéresse également les grandes brasseries», affirme le professeur Vanderlei Bagnato, directeur de l’agence d’innovation de l’USP et directeur de mémoire d’Éverton Estracanholli. «Nous avons souvent constaté que les élèves qui participent aux recherches sont intéressés pour obtenir leurs propres brevets, y-compris par l’ouverture d’une entreprise et le soutien du Pipe», dit-il. L’Agence USP d’Innovation dépose en moyenne 100 demandes de brevet par an pour 80 autorisées jusqu’à présent.
Le physicien Fabiano Carlos Paixão est un autre exemple d’élève ayant réussi à transformer ses connaissances en produit. Au cours de son doctorat à l’Institut de Biosciences de l’Université Publique Pauliste (Unesp) de Botucatu, il a créé un instrument de diagnostic non invasif pour l’estomac qui est sur le point d’être lancé sur le marché nord-américain. «Fabiano Carlos Paixão a créé une start-up aux États-Unis pour développer l’appareil en s’associant à d’autres chercheurs,», explique la professeur Vanderlan Bolzani, directrice de l’Agence Unesp d’Innovation. Une partie du doctorat de Fabiano Carlos Paixão, ayant comme thème le biomagnétisme appliqué en gastroentérologie, s’est déroulé à l’Université Vanderbilt, aux États-Unis, avec une bourse de la FAPESP. Dès qu’il est revenu au Brésil, il a déposé la demande de brevet d’un dispositif permettant à un procédé biomagnétique appelée BAC (utilisée pour obtenir des images du tractus gastro-intestinal sans qu’il soit nécessaire d’utiliser de contrastes radioactifs), d’être incorporée aux équipements médicaux, à moindre coût. L’Agence Unesp d’Innovation a obtenu la licence de 51 procédés technologiques en seulement quatre ans d’existence. Elle avait déjà déposé 133 demandes de brevets en 2012, outre l’enregistrement de six dessins industriels et de 53 logiciels.
Des cultivars de canne à sucre sont le point d’orgue des recherches menées à l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar). «Nous avons 16 cultivars autorisés pour plus de 150 usines», déclare la professeur Ana Lúcia Vitale Torkomian, directrice de l’Agence d’Innovation de l’UFSCar. «Leur singularité est de produire davantage d’éthanol et de sucre, outre le fait d’être plus résistants aux parasites et adaptés à notre climat». L’université a récemment créé un cultivar d’une variété de salade appelée Brunela, avec des feuilles crépues comme la variété brésilienne et croquante comme l’américaine, et adaptée à la culture sous des températures élevées et à la pluviosité.
Les projets réussis ne sont pas uniquement liés à l’agrobusiness de l’UFSCar. Un projet a particulièrement attiré l’attention lors de son lancement, il s’agit de papier synthétique fabriqué à partir de déchets plastiques post-consommation, développé sous la coordination de la professeur Sati Manrich et produit par l’entreprise Vitopel depuis 2010. Lancé sous la marque Vitopaper, le papier synthétique ne se déchire pas, ne se mouille pas et absorbe 20% en moins d’encre durant l’impression. L’agence d’innovation, après cinq ans d’activité, a enregistré 93 demandes de brevet, 12 brevets obtenus, une marque, un programme informatique, outre les cultivars.
Projets
1. Production de graisse low trans et son application dans les aliments (2005/54796-4); Modalité Ligne Régulière d’Aide à Projet de Recherche; Coordination Lireny Guaraldo Gonçalves-Unicamp; Investissement 267 760,00 réais (FAPESP).
2. Viabilisation de la production à grande échelle d’un photomètre pour déterminer la teneur d’éthanol en alcool carburant et essence (2011/51061-4 et 2011/52004-4); Modalité Recherche Novatrice en Petites Entreprises (Pipe) et Programme de Soutien à la Recherche en Entreprises (Pappe); Coordination Ismael Pereira Chagas-Tech Chrom; Investissement 205 667,29 réais (FAPESP) et 195 930,00 réais (Finep).
3. Études sur des films multicouches de composites de thermoplastiques vierges et recyclés pour leur application à l’écrit et à l’impression (2003/06113-0); Modalité Ligne Régulière d’Aide à Projet de Recherche; Coordination Sati Manrich-UFSCar; Investissement 69 518,53 réais (FAPESP).