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RECHERCHE ENTREPRENEURIALE

Culture autonome

L’entreprise Jacto totalise 383 dépôts de brevets et se place parmi les pionniers mondiaux en termes de véhicules agricoles sans conducteur

Prototype de véhicule autonome en phase de test dans le Centre de R&D. La technologie deviendra banale au cours de ces prochaines années

Léo Ramos Chaves

Si vous visitez la ferme Santo Antônio de  l’entreprise Suzano Papier et Cellulose Anhembi (SP), vous pourrez rencontrer un étrange véhicule sans cabine ni pilote qui avance seul dans les allées entre les plantations d’eucalyptus. Il s’agit du Jacto Autonomous Vehicle (JAV), le prototype d’un pulvérisateur automatique de pesticides avec lequel l’entreprise septuagénaire Machine Agricoles Jacto, située dans la ville de Pompeia, à 474 kilomètres de São Paulo, a l’intention de se placer parmi les pionniers mondiaux en termes de machines agricoles autonomes, une technologie qui deviendra banale au cours de ces prochaines années.

Le JAV utilise des caméras, un système de guidage par GPS et une série de capteurs développés par Embrapa Instrumentation et par l’École d’Ingénierie de São Carlos, de l’Université de São Paulo (EESC-USP). En plus des capteurs servant à mesurer le niveau de carburant, le niveau d’huile hydraulique et le volume de pesticides disponible dans le réservoir, un capteur optique d’indice de végétation permet de visualiser la couleur de la plante et d’identifier les zones présentant des carences nutritionnelles ainsi que l’incidence de ravageurs et de maladies. Il est également équipé d’un système de contrôle des conditions climatiques, indiquant par exemple si l’épandage d’un pesticide pourrait être affecté par la pluie ou de fortes bourrasques.

Jacto développe son véhicule autonome depuis 2008 et la version actuelle qui est la deuxième a été présentée en 2013 durant l’Agrishow de Ribeirão Preto. Sergio Sartori Junior, directeur de recherche et de développement de la compagnie, déclare que la technologie des véhicules agricoles n’a pas encore atteint la maturité nécessaire pour être commercialisée. « Il faut améliorer les capteurs pour apporter davantage de sécurité aux opérations en cas d’évènements adverses », dit-il. L’autre question concerne l’amélioration de la technologie de localisation par GPS qui est encore défaillante dans les zones recouvertes de végétation, par exemple.

Entreprise
Machines Agricoles Jacto
Centre de R&D
Pompeia (São Paulo)
Nº d’employés
3 429 (156 au Centre de R&D)
Principaux produits
Pulvérisateurs, épandeurs, récolteurs de café et dispositifs pour l’agriculture de précision

L’objectif est de faire en sorte qu’une flotte de véhicules autonomes puisse travailler ensemble sur une même culture en échangeant des informations sur les tâches à accomplir et en n’étant contrôlée à distance que par un seul opérateur. Pour cela, il faut également améliorer les conditions de connectivité dans les champs au Brésil en augmentant les antennes de télécommunication.

Malgré ces obstacles, Jacto à l’intention de produire en 2019 un ensemble expérimental de trois à cinq JAV équipés d’une nouvelle génération de capteurs pour une nouvelle série de tests menée avec de nouveaux clients. Ce n’est qu’après être certain du succès de cette nouvelle phase que sera évaluée la pertinence d’un lancement commercial du véhicule, mais avec une offre limitée qui dépendra de l’évaluation des performances de l’équipement.

Sergio Sartori Júnior déclare que les travaux actuels de mise au point du JAV sont essentiels pour que l’entreprise Jacto améliore ses produits qui sont déjà sur le marché comme les pulvérisateurs de la ligne Uniport. La compagnie a lancé en 2017 le dispositif Omni 700, une nouvelle version de son ensemble de solutions agricoles de précision avec un procédé technologique qui gère la production avec exactitude. Ce système est le premier au monde à offrir un répétiteur d’opérations avec lequel l’opérateur peut enregistrer les paramètres de pulvérisation utilisés dans chaque section cultivée.

Léo Ramos Chaves Mécanisme de navigation en phase de testLéo Ramos Chaves

La version précédente possédait déjà des fonctionnalités comme le pilote automatique et la barre lumineuse qui oriente le pilote à pulvériser sur des bandes parallèles, sans failles ni superpositions. Le système permet aux soupapes de pulvérisation appelées embouts et disposées tous les 35 centimètres sur une barre pouvant atteindre 36 mètres de long, d’être actionnées individuellement pour que le produit chimique atteignent spécifiquement la plante infectée. L’identification du spécimen malade se fait au travers du capteur d’indice de végétation.

La maitrise d’outils d’automatisation a permis à l’entreprise Jacto de lancer en 2017 l’épandeur Uniport 5030 NPK, qui possède des fonctions comme le système precision way, qui dose l’engrais sur chaque point d’application, les contrôle de bordures qui évite l’épandage dans des zones en dehors de de la culture et le contrôle automatique de sections qui active ou désactive chaque section d’épandage afin d’éviter les superpositions. Les systèmes automatisés réduisent jusqu’à 15% la consommation d’engrais.

Fernando Gonçalves Neto, PDG de Jacto, affirme que le développement technologique de l’industrie des équipements agricoles est aujourd’hui orienté par deux principes fondamentaux qui sont l’éco-efficience et la productivité. La précision des équipements diminuera chaque fois plus les frais d’intrants, réduisant ainsi les coûts de production, l’impact sur l’environnement et les préjudices à la santé des agriculteurs qui seront moins exposés aux produits chimiques.

Léo Ramos Chaves Et cours du professeur José Vitor Salvi au Laboratoire de Machines de Précision, de la Fatec à PompeiaLéo Ramos Chaves

La formation de professionnels en mesure de gérer cette technologie et souhaitant travailler dans l’agriculture est devenu un enjeu pour l’entreprise qui redouble d’efforts pour y remédier. Ses cadres ont convaincu le Centre Paula Souza (CPS), chargé du réseau public Faculté de Technologie (Fatec), à ouvrir un centre de formation dans la petite ville de Pompeia qui ne possède que 21 000 habitants, alors que la politique en vigueur est d’ouvrir des facultés dans des villes de plus de 120 000 habitants. L’accord s’est concrétisé à travers un partenariat public privé, le premier du CPS, signé avec la Fondation Shunji Nishimura de Technologie, qui administre l’héritage du fondateur de l’entreprise Jacto.

La Fatec de Pompeia qui compte 30 professeurs, se distingue à travers deux cours. L’un d’entre eux concerne la mécanisation agricole de précision qui forme des spécialistes (ingénieurs en production agricole) en mesure de comprendre les technologies agricoles les plus avancées. Selon l’ingénieur électricien et professeur Tsen Chung Kang, l’un des inspirateurs de cette faculté, les cours allient la théorie et la pratique grâce à un parc d’équipements évalué à 3,5 millions de reais BRL et fourni par 93 entreprises partenaires de l’institution. « L’étudiant apprend tout ce qu’il faut savoir sur la chaine productive, allant des graines aux engrais, aux équipements de semis et de récolte, aux logiciels de gestion et même à la logistique de distribution », dit-il. Le cours dure trois ans et a déjà formé plus de 500 professionnels. La plupart de ceux qui étudient ici trouvent un emploi dès leur sortie dans des entreprises ou des fermes qui utilisent ces technologies dans leur processus productif », affirme-t-il.

Quand la faculté a été créée en 2012 seule une école en Oklahoma, aux États-Unis, proposait un cours identique qui n’existe plus. Un autre cours a été créé il y a deux ans dans le même pays dans le Dakota du Sud. La Fatec a reçu récemment la visite de spécialistes mexicains et chinois désireux de connaitre les méthodes pédagogiques. Tsen Chung Kang fait également partie du groupe qui a monté le cours de Big Data en Agrobusiness en 2017 et qui n’a pas d’équivalent à l’étranger. D’après lui, l’objectif est de répondre aux besoins du marché avec des spécialistes sachant gérer la grande quantité d’information relatives à la technologie embarquée dans les équipements agricoles et de faire connaitre également les nouveaux procédés qui seront utilisés dans les processus productifs. Le cours de trois ans en est à sa troisième promotion.

Léo Ramos Chaves Ligne de montage de l’entreprise Jacto: La division agricole représente environ 70 % de ses bénéficesLéo Ramos Chaves

Tradition en innovation
La ville de Pompeia est devenue le siège de l’entreprise de manière fortuite. En 1939, l’immigrant japonais Shunji Nishimura (1910-2010) a quitté São Paulo pour se rendre en train dans l’intérieur de l’état à la recherche d’un emploi et est descendu à la toute dernière station. À l’époque, Pompeia était la dernière gare du tronçon ouest du réseau ferroviaire de l’état de São Paulo. Il a loué une maison et a apposé un panneau sur le devant où était écrit « Toutes réparations ». Les agriculteurs de la région ont rapidement fait appel à ses services pour différents types de machine, y compris de poudreuses importées car les pesticides étaient vendus en poudre. Nishimura a créé en 1948 sa propre poudreuse, la première fabriquée dans le pays et qui était innovante car elle pouvait être portée sur le dos alors que les autres étaient utilisées sur le devant du corps, ce qui limitait les mouvements. Les Machines Agricoles Jacto venaient de naître.

Soixante-neuf ans plus tard, en 2017, le groupe Jacto enregistrait une recette nette de 1,22 milliard de reais BRL et un bénéfice de 94,4 millions de reais BRL. La division agricole représente environ 70 % des revenus de l’entreprise. Le groupe est constitué d’une entreprise de transformation de plastique, d’une unité d’équipements médicaux, d’une entreprise d’équipements de nettoyage et d’une compagnie de transport, pour un total de 3 429 employés. Les produits sont distribués dans 110 pays et l’entreprise possède une fabrique d’équipements portables en Thaïlande et une autre d’équipements lourds en Argentine. L’international représente 25 % du chiffre d’affaire de la division agricole.

Fernando Gonçalves Neto déclare que le conseil d’administration de l’entreprise où siègent cinq des sept enfants du fondateur, s’est fixé l’objectif de doubler la taille de la compagnie d’ici 2025. Les prochaines étapes pour y parvenir seront stratégiquement confidentielles. La direction indique seulement que le cœur du projet d’expansion se trouve dans le développement de nouveaux produits et services. L’année dernière, 25 % du chiffre d’affaire provenait de produits commercialisés au cours de ces trois dernières années. L’objectif est de maintenir un niveau annuel se situant entre 20 % et 30 %.

Pour cela, l’entreprise investit systématiquement entre 4 % et 5 % de son chiffre d’affaire annuel dans un Centre de Recherche et de Développement qui compte 156 collaborateurs, dont 25 titulaires de masters et docteurs, 13 diplômés universitaires, 50 professionnels de niveau supérieur, 17 stagiaires de niveau supérieur, 49 de niveau technique et 2 apprentis. L’entreprise Jacto a déjà déposé 383 brevets depuis 1963.

La compagnie a été la première au monde à lancer une récolteuse mécanique de café en 1979. Elle a également été pionnière dans la culture du café en 2015, en lançant le K 3500, un véhicule modulaire sur lequel il est possible de monter des systèmes de cueillette, de pulvérisation, de taille et d’épandage et de réaliser ces changements en quelques heures. La structure consiste en une plateforme située à trois mètres du sol. Elle circule au-dessus des plantes et seules les roues passent entre les rangées cultivées, ce qui permet de densifier la production. Le K 3500 a fait l’objet de 6 dépôts de brevet.

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