Quatre ans et demi après avoir créé l’entreprise Eve Air Mobility pour projeter et construire sa voiture volante, le brésilien Embraer – troisième constructeur mondial d’avions – devrait bientôt commencer les essais en vol de l’aéronef, une étape fondamentale dans le développement et la certification de l’appareil auprès des autorités réglementaires. Connues sous le nom de véhicules électriques à décollage et atterrissage vertical (eVTOL), les voitures volantes sont considérées comme une alternative plus durable pour la mobilité aérienne dans les prochaines décennies. Conçues pour des trajets rapides dans les villes ou sur de courtes distances entre les centres urbains, elles sont alimentées par des batteries et des moteurs électriques qui n’émettent pas de gaz polluants pendant leur fonctionnement.
Lors de la campagne d’essais en vol, l’entreprise vérifiera si ce qui a été projeté dans ses laboratoires correspond à ce qui a été produit. William Roberto Wolf, ingénieur aéronautique de l’Université d’État de Campinas (Unicamp), explique : « En plus d’analyser la performance, la sécurité et la manœuvrabilité de l’appareil, l’entreprise verra également s’il est conforme aux réglementations en matière de pollution et d’émissions sonores, entre autres. »
Le premier prototype grandeur nature de l’eVTOL d’Eve Air Mobility a été présenté l’année dernière. L’avion est doté de huit rotors (ensemble formé par le moteur et l’hélice) pour le vol vertical, le décollage et l’atterrissage, et d’ailes fixes pour la croisière (cf. infographie ci-contre). « Dans le cadre de notre campagne d’essais au sol, nous avons réalisé en janvier le premier essai du pusher [moteur situé dans la queue de l’avion], qui est responsable de la propulsion en vol de croisière », a déclaré Johann Bordais, PDG d’Eve Air Mobility, à Pesquisa FAPESP.

Avec un carnet de commandes de plus de 2 800 intentions d’achat, le plus important du secteur, Embraer espère devenir un concurrent important dans ce nouveau segment aéronautique. « L’entreprise a un avantage. Elle a déjà conçu plusieurs modèles d’avions et possède une grande expertise en aéronautique. En combinant rotors et ailes, le projet d’Eve Air Mobility donnera plus d’autonomie à l’appareil, ce qui ajoute de la valeur au projet », précise Wolf.
Entre ingénieurs, techniciens et chercheurs, près d’un millier de personnes travaillent à plein temps au développement de l’eVTOL. Les appareils seront produits dans une usine à Taubaté, dans la région de São Paulo. Bordais prévoit « une production initiale de 120 unités par an, avec une expansion modulaire en fonction de la demande du marché. La capacité maximale sera de 480 unités par an. »
Plusieurs entreprises dans le monde ont des programmes eVTOL en cours. La société américaine Joby Aviation espère débuter l’opération commerciale de ses voitures volantes en 2026. Eve Air Mobility prévoit que son eVTOL commence à transporter des passagers l’année suivante. En janvier, Airbus a interrompu le projet CityAirbus NextGen, qui avait fait son premier vol d’essai en 2024. L’entreprise a notamment parlé de problèmes liés aux batteries.
Domingos Alves Rade est ingénieur en mécanique de l’Institut technologique de l’aéronautique (ITA) de São José dos Campos (dans la région de São Paulo), la même ville qui abrite le siège d’Embraer. Il estime que « la grande majorité des entreprises ayant des projets dans ce domaine ont peu de chances de survivre. […] En plus de la difficulté inhérente à la conception d’un nouvel avion, le processus de certification est complexe et coûteux. »
Rade dirige le Centre de recherche en ingénierie pour la mobilité aérienne du futur, connu sous le nom de Flymov, créé en 2023 par la FAPESP et Embraer. Son objectif est de développer des études sur des sujets innovants qui contribuent à la compétitivité de l’industrie aéronautique brésilienne. Outre l’ITA et Embraer, l’Unicamp et l’école d’ingénieurs São Carlos de l’Université de São Paulo (USP) participent à l’initiative.
Les recherches de Flymov sont menées dans trois domaines d’intérêt pour Embraer : aviation à faible émission de carbone, systèmes autonomes et fabrication avancée. Le développement du premier domaine est dû au fait que l’aviation a besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier le dioxyde de carbone. Rade précise que « le secteur représente entre deux et trois pour cent des émissions de gaz à effet de serre. »
L’un des axes de recherche porte sur la propulsion électrique des avions. Le chercheur de l’ITA signale que « le fonctionnement d’un moteur électrique est très différent de celui d’un moteur à combustion interne ou d’une turbine à gaz. […] Cela exige la production d’un très grand nombre de connaissances sur le fonctionnement et la sécurité que ces machines vont offrir. »
Sur les près de 120 chercheurs qui font partie de Flymov, certains sont des ingénieurs d’Embraer. Ils étudient aussi la capacité du véhicule aérien à effectuer certaines opérations et à prendre des décisions sans intervention humaine. Plusieurs eVTOL en cours de développement ont pour objectif à long terme de devenir des véhicules autonomes, sans pilote dans le cockpit.
Rade estime que « la synergie entre les connaissances [générées] et les intérêts commerciaux d’Embraer est importante. […] Le projet d’Eve Air Mobility s’inscrit clairement dans la proposition de mobilité aérienne du futur, le thème central de Flymov. Nous sommes sûrs qu’une partie de nos études pourra être utilisée par Embraer dans le projet de leur eVTOL. »
Projet
Centre de recherche en ingénierie pour la mobilité aérienne du futur (CEP-MAF) (nº 21/11258-5); Modalité Programme Centres de recherche en ingénierie; Chercheur responsable Domingos Alves Rade (ITA); Investissement 4 604 615,14 reais BRL.