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INGÉNIERIE AÉRONAUTIQUE

Des avions plus silencieux

Un projet d’Embraer vise à réduire le bruit des avions

Publié en janvier 2009

Avions au-dessus de São Paulo: moins de bruit dans le futur

MIGUEL BOYAYANAvions au-dessus de São Paulo: moins de bruit dans le futur MIGUEL BOYAYAN

Le trafic aérien mondial a augmenté de manière continue au cours de ces dernières décennies et va poursuivre cette trajectoire. L’Association Internationale de Transport Aérien (Iata) estime que le nombre de voyageurs atteindra les 2,75 milliards en 2011 (pour 2,13 milliards début 2007). Un des enjeux de l’industrie aéronautique, pour évoluer sans porter préjudice à la qualité de vie dans les villes, sera de projeter et de mettre au point des avions plus silencieux qui pourront opérer dans les aéroports sans incommoder les personnes vivant aux alentours. Ce besoin est encore plus urgent suite aux nouvelles exigences de la Federal Aviation Administration (FAA), organe régulateur du secteur aérien étasunien, qui limitent encore plus l’émission de bruits aériens dans les aéroports et qui doivent entrer en vigueur à partir de 2015.

Embraer, troisième constructeur mondial d’avions, a récemment lancé un vaste projet appelé Avion Silencieux pour respecter ces nouvelles exigences et rester compétitif sur le marché mondial. Il s’agit d’une étude aéroacoustique visant à identifier les bruits propagés par leurs modèles. Ces données permettront de mettre au point des systèmes en ingénierie qui rendront les avions plus silencieux. «Dans les grandes villes le volume sonore des avions vient juste après celui des voitures», déclare l’ingénieur Micael Gianini Valle do Carmo, responsable du projet Embraer. «Cette étude portant sur les bruits externes de nos avions est née il y a quelques années avec les projets des modèles d’avions à réaction Embraer 170/190, beaucoup plus grands que ceux fabriqués précédemment». Le programme se focalise sur les bruits aérodynamiques créés par le flux d’air qui passe autour des ailes et du fuselage de l’avion. Ce projet est cofinancé par la FAPESP, à travers le programme Recherche en Partenariat pour l’innovation technologique (Pite), et par Embraer pour un montant de 11 millions de R$ sur 3 ans.

Les progrès technologiques de ces dernières années ont rendu les moteurs d’avion plus silencieux, mettant ainsi en évidence les bruits aérodynamiques. Au cours de l’atterrissage, 75 % à 80 % des bruits produits par les avions sont d’origine aérodynamique et le reste est provoqué par le moteur. Au décollage, quand l’avion a besoin de plus de puissance pour prendre son envol, ce rapport s’inverse. «Les principales sources de bruits aérodynamiques à l’atterrissage et au décollage sont le train d’atterrissage et les surfaces hypersustentatrices, nom donné à l’ensemble formé par l’aile, les volets et les becs (flaps et slats), dispositifs mobiles placés sur les ailes qui permettent d’augmenter la surface portante de l’avion. Le bruit est causé par des tourbillons d’air et par les fluctuations de pressions sur ces points», déclare l’ingénieur Julio Romano Meneghini, professeur à l’École Polytechnique de l’Université de São Paulo (USP) et coordonnateur général du projet.

Outre l’École Polytechnique, cinq autres centres d’enseignement et de recherche brésiliens et quatre centres étrangers travaillent sur ce programme. Il s’agit de l’École d’Ingénierie de São Carlos de USP, de l’Université Fédérale de Santa Catarina (UFSC), de l’Université de Brasília (UnB), de l’Institut Technologique Aéronautique (ITA), de l’Université Fédérale d’Uberlândia (UFU), de l’Université de Twente, en Hollande, de l’Imperial College et l’Université de Southampton en Angleterre et du Centre Aérospatial Germanique DLR en Allemagne. Les chercheurs ont l’intention d’aborder le problème sous 3 angles différents mais complémentaires en termes aéroacoustiques comme les essais en vol et en soufflerie, les modèles analytiques, empiriques et aéroacoustiques informatisés. Cette dernière approche sera étudiée au Centre de Dynamique des Fluides (NDF) de l’École Polytechnique de l’USP, qui recevra un superordinateur composé de plus de 1.200 unités centrales de traitement (CPU) et d’une mémoire de 2,5 téraoctets, le tout financé par le projet. «Nous allons modeler et simuler numériquement l’écoulement d’air autour des surfaces hypersustentatrices et du train d’atterrissage. Cette simulation nous permettra de comprendre les structures des tourbillons (sillage) et nous pourrons ainsi évaluer les bruits générés par ces surfaces», déclare Meneghini. «Avec l’aide du superordinateur, l’un des plus performants du pays, nous allons concrètement comprendre le phénomène complexe associé au bruit aérodynamique et proposer ensuite des modifications à Embraer en matière de géométrie des ailes, des volets, des becs et du train d’atterrissage, etc.», dit-il.

La partie expérimentale du programme se déroulera sur la piste de l’unité d’Embraer située dans la commune de Gavião Peixoto, dans l’état de São Paulo. Son objectif sera d’identifier les sources de bruit aérodynamique pour les quantifier. Pour obtenir ces informations, 256 microphones seront placés sur une zone de 50 mètres sur 50 à l’une des extrémités de la piste afin de capter le bruit produit par les avions qui se poseront et décolleront de nombreuses fois. Ce nombre de microphones est nécessaire car le bruit propagé par les avions est très complexe. «Grâce au traitement des données acoustiques, nous pourrons respectivement connaitre le pourcentage sonore attribué aux volets, au train d’atterrissage, aux becs, etc.», souligne Meneghini. Selon le chercheur, les résultats de ces essais permettront, entre autres, de mettre au point des kits de réduction de bruit aérodynamique qui seront placés à des endroits spécifiques de l’avion. Cette partie du travail dépendra de l’UFSC et de l’École d’Ingénierie de São Carlos. «Nous serons responsables du développement d’outils expérimentaux et du diagnostic des sources de bruit des avions», déclare le professeur César José Deschamps, du Département d’Ingénierie Mécanique de l’UFSC. «Nous allons également réaliser des études pour comprendre le bruit aéronautique d’un point de vue plus théorique et ainsi utiliser les meilleures méthodologies pour le prévoir. Nous pourrons ainsi proposer des modifications pour les futurs avions d’Embraer», déclare Deschamps.

L’Université de Brasília (UnB) est chargée d’un autre aspect du projet concernant l’étude des bruits créés par la turbine. La turbine est un type d’hélice muni de nombreuses pales, c’est la seconde source de bruit des systèmes propulsifs des avions, la première étant le jet d’air chaud expulsé par la turbine. Bien qu’Embraer ne fabrique pas les moteurs de ses avions (ils sont fournis par l’entreprise américaine General Electric), elle s’intéresse à ce type de bruit car elle fabrique la nacelle, structure métallique qui reçoit le moteur turbofan. «La nacelle est la première ligne de front contre les bruits du moteur», annonce le professeur Roberto Bobenrieth Miserda, de l’Institut de Technologie de l’UnB.

Selon Julio Meneghini, les institutions étrangères impliquées dans le programme jouent un rôle important. L’Université de Twente, en Hollande, fournira une soufflerie pour les essais aéroacoustiques. L’Université de Southampton et l’Imperial College, en Angleterre, mettront leurs compétences au service de la mise au point de modèles analytiques simplifiés et de simulateurs «Ils possèdent une longue expérience dans ce domaine et utiliseront ces modèles empiriques pour calculer les estimations en termes de bruit», déclare Meneghini. Des échanges entre des étudiants brésiliens, hollandais et anglais sont également prévus.

Les régions des ailes et du train d´atterrissage sont les principales sources de bruit des avionsEMBRAER Le projet Avion Silencieux qui favorisera l’avancée théorique de méthodologies et la création d’outils pour comprendre les phénomènes aéroacoustiques, contribuera également à la formation de ressources humaines spécialisées dans ce domaine, car il y a peu de professionnels brésiliens spécialisés en aéroacoustique. Une partie des fonds du programme sera donc destinée au financement de bourses d’initiation scientifique, de maîtrise, de doctorat et de post-doctorat pour des élèves impliqués dans des recherches liées au programme. «Nous voulons créer un centre de compétences dans le domaine acoustique et former des spécialistes hautement qualifiés au profit de l’industrie aéronautique», souligne l’ingénieur Deschamps, de l’UFSC. Actuellement, une partie des études et de l’évaluation des niveaux sonores externes des avions d’Embraer est réalisée par des consultants internationaux, avec certaines difficultés, comme une réponse tardive aux situations critiques. On estime qu’environ 40 étudiants participeront au projet, outre les 25 chercheurs d’Embraer et des universités.

Des programmes identiques à ceux financés par la FAPESP et Embraer sont en train d’être développés par des entreprises et des institutions de recherches aérospatiales aux États-Unis et en Europe. La NASA (agence spatiale nord-américaine) par exemple, développe le projet Quiet Aircraft Technology (QAT), dont l’objectif est de réduire les bruits des avions de moitié d’ici 10 ans et de 75 % d’ici 25 ans. On estime que les premiers avions qui utiliseront certaines des avancées du QAT seront fabriqués à partir de 2010. Un autre programme américain appelé Advanced Subsonic Technology (une collaboration entre la NASA, le gouvernement fédéral et le secteur privé) vise à mettre au point des dispositifs de réduction de bruit de 20 décibels d’ici 2020, par rapport aux technologies utilisées en 1997. C’est un objectif osé qui, s’il se concrétise, représentera une réduction d’environ 20 % des bruits générés par un Boeing 777 au cours de l’atterrissage, sur les 100 décibels qu’il produit actuellement. La Communauté Européenne sponsorise également le projet thématique Silence(R) avec la collaboration de 51 entreprises et de 14 pays pour un budget de plus de 110 millions d’euros. Son objectif est de valider des technologies visant à atteindre une réduction de six décibels pour des avions plus silencieux.

Retraite forcée
Un jet anglais a été retiré de la circulation à cause du bruit de ses moteurs

Un des meilleurs avions britanniques, le BAC 1-11 (One Eleven), a été retiré de la circulation à cause du bruit de ses moteurs. Cet avion, mis au point par Hunting Aircraft et fabriqué pour British Aircraft Corporation (BAC), a été lancé au début des années 60 et a volé environ 30 ans, jusqu’à sa retraite forcée pour des raisons de restrictions sonores. D’autres avions comme le Boeing 737-200, le Douglas DC-8 et le Tupolev Tu-154, auraient connu le même sort sans l’invention d’un équipement antibruit appelé hush kit, créé pour réduire le bruit des anciens moteurs turbofan de type low-bypass. Les modèles actuels (high-bypass) sont beaucoup plus silencieux. Le hush kit est un type d’exhausteur placé à la sortie de la turbine et qui sert à étouffer le bruit des turbines des anciens avions. Cette technologie a également permis de réduire les émissions de gaz polluants du moteur.

LE PROJET  Avion Silencieux: Une recherche aéroacoustique MODALITÉ Recherche en Partenariat pour l’Innovation Technologique (Pite) COORDONNATEUR JULIO ROMANO MENEGHINI – USP INVESTISSEMENT 707.506,58 réaux et 1.709.305,41 dollars (FAPESP) 6.000.000,00 réaux (Embraer)

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