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NOUVEAUX MATÉRIAUX

Plastique renouvelable

Éthanol et bactéries sont utilisés par des entreprises pour fabriquer des produits substituts des dérivés de pétrole

Publié en décembre 2007

Polymère biodégradable produit par des bactéries

EDUARDO CESARPolymère biodégradable produit par des bactériesEDUARDO CESAR

La forte augmentation des consommateurs et la pression exercée sur les coûts des matériaux issus du pétrole ont amené les industries du plastique à rechercher, dans des sources renouvelables, des matières premières de remplacement pour leurs produits. Des plastiques recyclables à base d’éthanol de canne à sucre ainsi que des polymères biodégradables produits par des bactéries nourries de saccharose et d’autres substances sont dans la ligne de mire des recherches et des investissements annoncés par des géants pétrochimiques tels que Dow Química, Braskem et Oxiteno – des fabricants de résines plastiques à base de naphte et d’autres matériaux dérivés du pétrole. Leader latino-américain pour la production de résines, l’entreprise Braskem a investi 5 millions de dollars en recherche et développement pour développer un polyéthylène certifié à partir d’alcool de canne à sucre : le « polymère vert ».

Si les recherches sur ce nouveau produit ont débuté en 2005, l’entreprise a cependant commencé à évaluer dès 1998 les propriétés d’autres polymères issus de matières premières renouvelables existantes sur le marché. Mais le sujet a finalement été laissé de côté car à l’époque il n’y avait pas encore de marché réellement intéressé par ce type de produit. Pour Antônio Morschbacker, directeur technologique de Polymères Verts du Pôle Pétrochimique de Triunfo (état du Rio Grande do Sul) et responsable du développement du projet, « lorsque nous avons repris les discussions, nous avons évalué les options existantes et commencé à travailler avec le polyéthylène vert à partir de l’alcool de canne à sucre ».

Les informations recueillies ont montré que l’entreprise pourrait produire un produit compétitif. Morschbacker explique qu’« au cours de 2005, après en avoir évalué les coûts, nous avons constaté que sa fabrication serait viable ; en 2006, nous avons décidé de construire l’usine pilote et de faire en parallèle une étude plus approfondie du marché mondial [ …] Très efficace, le processus transforme 99 % du carbone contenu dans l’alcool en éthylène, la substance de base du polyéthylène ». Le sous-produit principal est l’eau, qui peut être purifiée et réutilisée.

Déshydratation de l’éthanol
Dans l’usine pilote qui est entrée en fonctionnement en juin 2007, l’éthanol obtenu par un processus biochimique de fermentation, de centrifugation et de distillation du jus de la canne à sucre est ensuite transformé en éthylène. La conversion se fait au moyen d’un processus de déshydratation, dans lequel sont ajoutés des catalyseurs à l’éthanol chauffé – des composants qui accélèrent les réactions chimiques et permettent sa transformation en gaz éthylène. Pour obtenir du polyéthylène, le plastique le plus utilisé au monde, le processus de fabrication est le même que celui utilisé pour les matériaux issus de sources fossiles ; autrement dit, l’éthylène polymérisé donne le polyéthylène. La polymérisation est une réaction où les plus petites molécules (monomères) s’unissent chimiquement pour former de grandes molécules ramifiées.

Avec l’éthylène produit selon cette technologie, il est possible de faire tout type de polyéthylène. Braskem a l’intention de produire dans un premier temps des résines de haute et de faible densité, pour des applications rigides et flexibles dans des secteurs comme l’automobile, l’emballage d’aliments, l’emballage de cosmétiques et d’articles d’hygiène. Certains clients brésiliens et étrangers reçoivent déjà des échantillons de polymère vert produits à une échelle pilote. Le début de la production à échelle industrielle est prévu pour la fin 2009 et devra atteindre 200 000 tonnes/an. L’entreprise n’a pas encore défini le lieu de l’installation de l’usine qui fabriquera le nouveau polymère et dont l’investissement sera de près de 150 millions de dollars.

D’un coût entre 15 à 20 % supérieur à celui des polymères traditionnels, le produit sera surtout destiné aux marchés asiatique, européen et nord-américain. Le polymère vert remporte déjà un franc succès, alors qu’il n’a pas encore été lancé à échelle commerciale. Lors du Salon International du Plastique et du Caoutchouc (K 2007), le plus grand événement de l’industrie pétrochimique qui s’est tenu fin octobre à Düsseldorf, Allemagne, Morschbacker a fait dix présentations très courues du produit en huit jours et rencontré un grand nombre de personnes intéressées par le produit et le projet.

Le polyéthylène d’éthanol a été certifié par le laboratoire nord-américain Beta Analytic, par la technique du carbone-14, comme un produit fabriqué avec 100 % de matière première renouvelable. Dans le cas de l’éthanol, la matière première est renouvelable, mais le produit final n’est pas biodégradable. Selon Morschbacker, « le produit possède des propriétés identiques à celles des polyéthylènes produits à partir du pétrole. Comme c’est un plastique très résistant et stable, il peut être recyclé et réutilisé plusieurs fois et, à la fin de sa durée de vie utile, il peut être incinéré sans aucune atteinte à l’environnement ». Le grand avantage environnemental du polyéthylène de l’alcool est que pour chaque kilo de polymère produit, environ 2,5 kilos de gaz carbonique – le dioxyde de carbone – sont absorbés de l’atmosphère par la photosynthèse de la canne à sucre.

Pôle Alcool Chimique
L’entreprise Dow Química s’apprête également à produire du polyéthylène à partir de l’éthanol. En juillet dernier, elle a annoncé une joint-venture avec Crystalsev, trading brésilienne de sucre et d’alcool contrôlée par Vale do Rosário (à Morro Agudo) et Santa Elisa (à Sertãozinho), deux usines situées dans l’état de São Paulo, en vue de créer un pôle alcoochimique intégré. Ce nouveau pôle qui débutera ses opérations en 2011 sera capable de produire 350 tonnes/an de polyéthylène de faible densité, connu sous le nom commercial de Sowlex et destiné à la fabrication d’emballages flexibles, de films industriels et d’articles injectés. Au début le produit sera vendu sur le marché interne, en augmentation de 6 à 7 % par an. Dow fabrique déjà le produit à partir du naphte d’origine pétrolière dans des usines en Asie et en Europe.

Pour transformer l’éthanol en polyéthylène, Dow utilise aussi le processus de déshydratation. Des catalyseurs modernes permettent d’obtenir un éthylène aussi pur que celui produit à partir du pétrole. L’eau rejetée pendant le processus de transformation de l’éthanol en éthylène sera utilisée dans le système de production de vapeur pour la génération d’énergie électrique. On estime que le projet va créer près de 3 200 emplois directs et des centaines d’emplois indirects dans les secteurs agricole, industriel et manufacturier. L’usine de polyéthylène va consommer 700 millions de litres d’alcool/an, l’équivalent de 8 millions de tonnes de canne à sucre.

Les deux entreprises participeront en tant qu’associées à toutes les étapes, de la plantation d’une cannaie de 120 000 hectares jusqu’à la fabrication et la commercialisation du plastique. L’intégration complète du cycle donnera au pôle la possibilité d’être autosuffisant d’un point de vue énergétique et de produire un excédent d’énergie (provenant de la bagasse de la canne à sucre) suffisant pour répondre aux besoins d’une ville de 500 000 habitants. Le lieu où sera installé le pôle n’a pas encore été choisi, mais des villes de la région centre-sud du pays font actuellement l’objet d’analyse. Diego Donoso, directeur du secteur Plastiques de Dow pour l’Amérique latine, observe que « le prix du polyéthylène produit à partir de l’éthanol sera établi en tenant compte des mêmes forces d’offre et de demande qui affectent le prix du polyéthylène produit à partir du naphte. […] Le client final recevra un produit dont les caractéristiques techniques et la performance seront les mêmes que celles du polyéthylène conventionnel, cependant la production augmentera sa valeur ajoutée ».

Hydrolyse acide
L’entreprise Oxiteno, du Groupe Ultra, a un projet similaire à celui de Dow. Elle prévoit de construire une bioraffinerie qui produira du sucre et de l’alcool à partir de la bagasse, de la paille et des tiges de canne à sucre, au moyen d’une technologie appelée hydrolyse acide. Pas encore maîtrisée à l’échelle commerciale, cette technologie consiste à briser les molécules de cellulose en ajoutant de l’acide sulfurique sur les résidus. La future usine fabriquera également des produits alcoochimiques à partir de technologies non conventionnelles.

L’entreprise a établi un partenariat avec la FAPESP en novembre 2006 pour développer des projets de recherche dans le domaine de la technologie de production de sucres, alcool et dérivés. Lors de la première phase (janvier 2007), 23 projets en partenariat avec des instituts de recherche et des universités ont été choisis. Finalement, 7 ont été retenus à l’occasion de la deuxième phase, au mois de juillet.

Polymère biodégradable produit par des bactéries

MIGUEL BOYAYANPolymère biodégradable produit par des bactériesMIGUEL BOYAYAN

Tandis que les industries pétrochimiques misent sur les plastiques fabriqués à partir de l’éthanol, l’entreprise PHB Industrial (du Groupe Pedra Agroindustrial de Serrana et du Groupe Balbo de Sertãozinho, tous deux dans l’état de São Paulo) fabrique depuis décembre 2000, dans une usine pilote, un plastique biodégradable produit par des bactéries naturelles. Ce plastique est vendu en petites quantités sous le nom commercial de Biocycle aux États-Unis, au Japon et à des pays européens. La matière première est surtout utilisée dans la fabrication de plastiques rigides produits par le processus d’injection, ainsi que dans des mousses en remplacement du polystyrène. Le Biocycle s’applique aussi à la production de substituts de polyuréthane, de plaques bioplastiques et de produits thermoformés.

Prévue pour ouvrir ses portes en 2010, l’usine industrielle qui produira à grande échelle sera implantée dans la région de Ribeirão Preto. D’après le physicien Sylvio Ortega Filho, directeur exécutif du développement du plastique de PHB Industrial, « la production de plastique biodégradable représentera entre 10 et 30 000 tonnes/an ». Le projet a compté sur la participation de l’Institut de Recherches Technologiques (IPT), du Centre de Technologie sur la Canne à sucre (CTC) et de l’Institut des Sciences Biomédicales (ICB) de l’Université de São Paulo, et il a été financé par la FAPESP à travers le Programme Innovation Technologique dans les Petites Entreprises (Pipe) [cf. Pesquisa Fapesp nº 80].

Polyester naturel
La production de polymère est faite par la culture de la bactérie Alcaligenes eutrophus, actuellement appelée Cupriavidus necator, dans un milieu de culture avec le saccharose présent dans le sucre. Le saccharose est transformé en glucose pour alimenter les bactéries. « La chaîne de carbone du glucose est transformée par la bactérie dans le polyhydroxybutyrate (PHB) », explique le professeur Elisabete José Vicente de l’Institut des Sciences Biomédicales (ICB) de l’Université de São Paulo (USP). Elle a participé aux études à l’origine du plastique biodégradable et dirige actuellement certaines recherches sur la production de polymères à partir de bactéries. Le PHB appartient au groupe de polymères dénommés polyhydroxyalcanoates (PHA), des polyesters accumulés par des microorganismes sous la forme de granulés intracellulaires.

Leurs propriétés thermoplastiques permettent, une fois extraits de l’intérieur de la cellule productrice au moyen de solvants organiques, leur purification et leur traitement pour donner un produit biodégradable, compostable et biocompatible. Ces polymères peuvent avoir diverses applications, de la production de films ou de structures rigides aux utilisations médicales et vétérinaires : réalisation de sutures, supports pour la culture de tissus, implants, encapsulation de médicaments pour une libération contrôlée et autres, en utilisant la nanotechnologie.

Elisabete José Vicente signale que « jusqu’à aujourd’hui, plus de 150 bactéries différentes accumulant naturellement ce granulé cytoplasmique ont été identifiées ». La bactérie Cupriavidus necator se distingue car elle réussit à accumuler une grande quantité de polymère, entre 80 et 90 % de son poids sec. Pour croître, elle a besoin de fructose ou de glucose. « Réalisée il y a déjà plusieurs années, la première amélioration génétique de la bactérie a engendré un type mutant capable de croître en glucose, une matière première moins chère que le fructose », ajoute-t-elle. Au Brésil, les recherches débutées en 1992 par Elisabete José Vicente et le professeur Ana Clara Guerrini Schenberg, également de l’ICB, ont résulté en une nouvelle bactérie mutante capable de croître dans le saccharose de la canne à sucre et en une autre bactérie recombinante permettant une plus grande production de copolymère PHBV, plus malléable.

Modifications génétiques
La bactérie fabrique naturellement le polymère, mais les améliorations génétiques permettent d’augmenter considérablement la production. Dans le projet développé entre l’entreprise PHB et les institutions partenaires, certaines bactéries génétiquement modifiées ont été développées et brevetées. Ortega observe que « seule la bactérie naturelle est utilisée pour produire le biopolymère, car l’Europe interdit les organismes génétiquement modifiés ». La demande en polymères de sources renouvelables porte essentiellement sur trois grandes applications dans le marché mondial : le marché des emballages ; l’industrie automobile, qui souhaite remplacer les produits utilisés dans les voitures par des produits qui ne contribuent pas au réchauffement de la planète, une exigence des marchés européens ; et le domaine médical.

Le partenariat avec PHB n’a pas seulement permis de créer un produit qui est déjà sur le marché, il a aussi donné suite aux recherches menées à l’université. Le groupe coordonné par Elisabete José Vicente mène deux types de travaux. L’un d’eux recherche des bactéries qui réussissent à produire du polymère à partir d’autres sources de carbone que le saccharose, comme les déchets produits par l’industrie. « Ce procédé permettrait de baisser le coût de production du biomatériau, jusqu’à trois fois plus élevé que celui du plastique dérivé du pétrole », souligne la chercheuse. Parallèlement, le groupe étudie des applications du biopolymère, une fois purifié, comme substrat pour la croissance de cellules souches – une ligne de recherche dirigée en collaboration avec le professeur Radovan Borojevic, directeur du programme avancé de Biologie Cellulaire Appliquée à la Médecine de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro. Une autre recherche étudie l’emploi du polymère pour l’immobilisation d’enzymes et de substances pharmaceutiques, en partenariat avec Mário Politi, professeur de l’Institut de Chimie de l’USP et coordonnateur du Groupe de Recherches en Nanotechnologie du Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq), et Carlos Alberto Brandt, également professeur et membre du même centre de recherche.

À l’Institut des Sciences Biomédicales de l’USP, un autre groupe coordonné par le professeur Luiziana Ferreira da Silva travaille sur la production de matériaux biodégradables. Elle a aussi participé au développement de la production du plastique biodégradable de l’entreprise PHB, mais en faisant partie du Centre de Recherches Technologiques (IPT). En 2002, elle a développé un procédé pour l’utilisation de la bagasse de la canne à sucre pour la production de PHB. Des bactéries capables de croître dans la bagasse et non dans le jus où se trouve le saccharose, brisé en molécules plus petites par hydrolyse acide, ont été sélectionnées. Une autre recherche étudie le développement d’un plastique hybride produit par des bactéries. Mais au lieu d’être nourries avec le sucre de la canne à sucre, elles reçoivent un acide gras de six carbones. « Vu que l’on offre de l’huile aux bactéries, elles commencent à produire un élastomère très similaire à celui du caoutchouc », déclare Luiziana Ferreira da Silva. L’objectif de cette étude est d’obtenir un autre type de matériau plastique, qui pourra notamment être utilisé pour recouvrir des couches, des tapis jetables et pour d’autres applications.

Applications médicales
Fils de suture chirurgicale, mailles de renfort dans la chirurgie réparatrice des hernies, membranes pour le traitement de lésions veineuses et artérielles et tubes pour les greffes artérielles sont quelques-uns des produits développés par le Groupe de Recherches sur le Polymère de Canne à sucre, un partenariat entre l’Université Fédérale de l’état du Pernambuco (UFPE) et l’Université Fédérale Rurale de l’état du Pernambuco (UFRPE). « Tous ces produits ont fait l’objet de recherches expérimentales aux résultats excellents », affirme José Lamartine de Aguiar, professeur et coordonnateur du groupe. Les recherches ont débuté en 1990, quand Francisco Dutra, ingénieur chimiste de l’UFRPE, a identifié des formations polymériques dans le processus de fermentation pour la production d’alcool. Le biopolymère est obtenu à partir de sous-produits de la canne à sucre, comme la mélasse. Les caractéristiques physiques et chimiques du biopolymère après purification ont éveillé l’intérêt de chercheurs de plusieurs domaines. D’après Aguiar, « dans un premier temps le matériau a été appliqué sur des animaux de laboratoire, après les tests de cytotoxicité et de biocompatibilité ». Brevetée par l’UFPE, la production du biopolymère sera effectuée par une bio-usine bientôt prête à fonctionner et située dans la Station Expérimentale de Canne à sucre de Carpina (campus de l’UFRPE dans la région forestière de l’état de Pernambuco).

LE PROJET Obtention et caractérisation de polymères écologiquement biodégradables (PAD) à partir de sources renouvelables: canne à sucre MODALITÉ Programme Innovation Technologique dans les Petites Entreprises (Pipe) COORDONNATEUR JEFTER FERNANDES DO NASCIMENTO – Industrial PHB INVESTISSEMENT 333 686,30 réaux (FAPESP).

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