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GÉOGRAPHIE

Plus de gens, moins d’arbres

Des chercheurs de l’état de Minas Gerais ont mis au point des indices pour détecter les zones les plus exposées à la déforestation en Amazonie

Publié en décembre 2007

Détail de la nature équatoriale, huile sur toile de Joseph Leone Righini

Détail de la nature équatoriale, huile sur toile de Joseph Leone Righini

Si les administrateurs et les techniciens du gouvernement fédéral décidaient de travailler de manière plus intense afin de contenir la déforestation, selon les voeux du président de la république exprimés au mois de septembre à l’Assemblée Générale des Nation Unies, ils s’interrogeront peut-être sur les zones qu’ils devront prioriser car leurs équipes sont limitées et le pays est immense. Les communes du sud de l’état du Pará qui longent la route nationale Cuiabá/ /Santarém seraient un choix possible. Il ne s’agit pas d’un choix hasardeux, mais de l’application d’un mécanisme de détection des transformations environnementales, appelé Indice des Dimensions Socioéconomi ques (IDS) et mis au point par des géo graphes de l’Université Fédérale de Minas Gerais (UFMG).

Cet indice regroupe des aspects socioéconomiques comme l’éducation, la santé et l’emploi, la croissance des villes, le rythme de l’activité économique et la transformation de l’espace. Quand l’expansion de l’économie et des communes s’accélère, la précarité des conditions de vie et la migration des populations s’intensifi ent. Les indices IDS élevés représentent un risque élevé en termes de dommages environnementaux car le nombre de personnes à la recherche d’un emploi ou d’un meilleur emploi augmente avec un impact direct sur la diminution des forêts.

Des zones à forte croissance populationnelle et un indice IDS élevé pourraient faire l’objet d’une attention particulière car ils représentent des foyers potentiels de déforestation. C’est le cas d’Aripuanã dans l’état du Mato Grosso, des communes proches de Santarém, dans l’état du Pará, du nord de Manaus en Amazonie, des rives de l’Amazone et de la zone qui longe la route nationale Porto Velho/Manaus. Pour l’élaboration de cet indice, Ricardo Garcia, Britaldo Soares-Filho et Diana Sawyer se sont rendus sur le territoire amazonien, région qui subit la pression de différents groupes sociaux. La déforestation s’est maintenant transformée en phénomène social qui possède différentes caractéristiques selon les motivations locales. “La principale cause de la déforestation dans le sud de l’état du Pará est l’expansion de l’élevage, alors que dans l’état de l’Amapá c’est la croissance des villes”, déclare Garcia.

L’expansion de l’élevage avait été l’une des explications principales de la disparition des forêts depuis le début de l’occupation amazonienne, il y a environ deux siècles, mais seulement sur une échelle globale. Sur une plus vaste échelle, quand chaque état est analysé séparément, comme c’est le cas dans cette étude, la migration devient la principale cause de la disparition de la végétation native. “La migration explique en grande partie la déforestation car elle précède l’expansion de l’agriculture et de l’élevage”, déclare Garcia. “Les personnes se rendent là où ils espèrent trouver un emploi”.

Entre 1995 et 2000, environ cinquante mille personnes ont quitté Belém, capitale de l’état du Pará, ce qui démontre le potentiel migratoire de la population constaté dans d’autres capitales de la Région Nord. Manaus a vécu l’inverse en recevant 40 mille nouveaux habitants au cours de la même période, qui se sont ajoutés aux 1,4 millions d’habitants déjà établis, accentuant la transformation du paysage naturel dans les espaces urbains. Selon cette étude, plus la population est importante, plus l’impact environnemental est fort.

Cette logique explique pourquoi les centres urbains amazoniens les plus infl uents (les capitales, que les auteurs de cette étude appellent macropoles) ont les indices IDS les plus élevés et ne possèdent plus que quelques forêts éparses. Ces neuf macropoles (São Luís, Cuiabá, Porto Velho, Rio Branco, Manaus, Boa Vista, Belém, Macapá e Palmas) représentent les noeuds d’un réseau de 792 communes, régies également par 29 centres régionaux et 48 micropoles, appelés ainsi en fonction de leur zone d’influence.

Comme les macropoles sont les communes les plus actives sur le plan économique, elles sont le principal foyer de la déforestation. “L’expansion de l’agriculture et de l’élevage part et dépend des centres urbains qui fournissent la main d’oeuvre, les outils, les entreprises frigorifi ques et le marché consommateur, qui se répandent à travers les routes et les voies fl uviales”, déclare Garcia. “Le cas du sud de l’état du Pará explique clairement comment les centres urbains ont un impact sur la déforestation”.

L’IDS, expliqué dans un article publié par la revue Ecological Indicators, utilise cinq variables obtenues au cours de recensements populationnels ou économiques. Quatre de ces variables concernent directement la déforestation. Plus la valeur est élevée, plus le risque de disparition de la forêt est grand. La première variable concerne la concentration dynamique populationnelle qui combine la population totale, la densité et le taux de croissance. La deuxième concerne le développement économique, considérant le revenu brut de la commune et le volume monétaire en circulation. La troisième concerne l’infrastructure agraire, considérant le revenu agricole, la zone cultivée et le nombre de tracteurs et de camions, par exemple. La quatrième a trait à la production agricole et de bois, considérant les zones occupées par les propriétés agricoles, l’élevage et l’exploitation du bois.

Seule la cinquième variable représente une force capable d’éviter la disparition des forêts. Il s’agit du développement social, mesuré par des indices qui considèrent la durée de scolarité, le nombre de médecins, de dispensaires, de maisons desservies par le réseau des eaux et de rues éclairées. La logique est simple, davantage de confort et une meilleure infrastructure évitent la migration de ces habitants.

Cet indice explique également pourquoi la forêt se transforme en zones agricoles ou en pâturages. Selon les estimations de l’Institut National de Recherches Spatiales (Inpe), l’état du Mato Grosso est responsable de 48 % des déforestations sur les 26 mille kilomètres carrés déboisés ces dernières années. Les communes de cet état ont les indices IDS les plus élevés de la région.

Pour l’instant rien n’indique que l’IDS soit rapidement adopté par Brasilia, mais ce travail aura servi à d’autres recherches. Il a déjà servi de base pour la répartition de l’Amazonie en régions socioéconomiques, dans une étude plus large publiée par la revue Nature en mars 2006. Cette étude révèle que la moitié de la forêt pourrait avoir disparu en 2050, remplacée par des pâturages, des plantations, et des villes. Elle met en garde sur le besoin d’ajustement en matière de politique environnementale. Les zones préservées ne sont peut être plus suffi santes pour sauver la forêt et préserver le cycle des pluies dans les grandes villes de la Région Sudeste.

Article scientifique
GARCIA, R.A. et al. Socioeconomic dimensions, migration, and deforestation: An integrated model of territorial organization for the Brazilian Amazon Ecological Indicators. v. 7, n. 3, pp. 719-730, jul. 2007

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