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Roberto salmeron

Roberto Salmeron: Un physicien plein d’énergie

Salmeron à São Paulo: en pleine activité au Brésil et en France

MIGUEL BOYAYAN Salmeron à São Paulo: en pleine activité au Brésil et en FranceMIGUEL BOYAYAN

Le temps, à en juger par la façon dont il l’ignore, semble ne pas avoir beaucoup d’importance pour le physicien Roberto Salmeron. Qu’il soit au Brésil ou en France, sa routine fait voler en éclats n’importe quel agenda. Les activités les plus courantes incluent des conférences, des exposés et des cours, la participation à des commissions officielles, le soutien à des physiciens brésiliens dans des collaborations internationales, un travail de conseil aux étudiants brésiliens à l’étranger, des interprétations d’expériences d’autrui, des analyses de la politique scientifique brésilienne, des articles et, plus récemment, des plans pour écrire des livres. Quand il lui reste du temps libre, il aime peindre. Peut-être que toute cette énergie surprendrait moins si la personne en question n’avait pas 82 ans et n’habitait pas de l’autre côté de l’Atlantique, à Paris. Originaire de la ville de São Paulo, Salmeron est fils d’ouvriers originaires d’Espagne. Il réalisa le désir de ses parents en concluant le cours d’ingénierie à l’École Polytechnique de l’Université de São Paulo (USP), à la fin des années 1940. Mais il migra rapidement vers la physique, vaincu par la fascination qui l’accompagnait depuis plusieurs années. Il a été le dernier assistant brésilien du mythique professeur italien Gleb Wataghin, qui forma et enchanta une spectaculaire génération de physiciens brésiliens. Suite au retour de Wataghin en Italie, Salmeron compléta sa formation de physicien à l’Université du Brésil (actuellement, l’Université Fédérale de Rio de Janeiro/UFRJ), à Rio et, en 1950, parti travailler au Centre Brésilien de Recherches Physiques (CBPF). Il passa ensuite par l’Université de Manchester, en Angleterre, par le Centre Européen de Recherches Nucléaires (CERN), par l’Université de Brasilia (UnB) et par l’École Polytechnique de Paris, par laquelle il prit sa retraite.

Pendant son séjour à l’UnB, Salmeron vécut une période aussi fertile que frustrante, d’idées et d’innovations. Le coup militaire de 1964 interrompit une expérience importante pour l’enseignement supérieur au Brésil et força la sortie du physicien vers l’étranger, car il ne trouvait plus de travail au Brésil. “Ça a été la période la plus difficile de ma vie ”, se rappelle-t-il.

Ce parcours singulier le transforma en un cas assez rare, où la référence professionnelle, de physicien respecté dans le monde entier, s’est unie à une référence éthique et politique d’un professionnel intéressé à contribuer à une recherche et un enseignement de meilleure qualité et qui, fatalement, feront en sorte que son pays s’améliore. Installé à Paris depuis plus de 30 ans, Salmeron développe, actuellement, un travail de rapprochement entre l’École Polytechnique de Paris, l’USP et l’UFRJ, avec, pour objectif, de collaborer avec ses amis et collègues qui travaillent pour perfectionner la formation des ingénieurs brésiliens.

Au cours de la longue interview qu’il nous a accordé, il a démontré sa préoccupation avec l’absence constante de structure de financement et de planification pour les projets scientifiques développés en collaboration internationale. Il nous a révélé, par exemple, que le Brésil a perdu des projets du CERN pour des pays comme le Pakistan. Et il a critiqué le manque de grands programmes scientifiques qui aient un impact à l’étranger. Tout cela, toujours avec un grand enthousiasme.

Vous êtes à la retraite, vous avez 82 ans, mais au cours de ce passage au Brésil votre agenda est complet dans plusieurs villes du pays. Qu’est-ce tant que vous venez faire par ici?
Je viens plus souvent à São Paulo, São Carlos, Rio et Brasília, mais il y toujours d’autres choses à faire dans d’autres États. Je me suis rendu, il y a quelques mois, à Fortaleza, à un congrès, et je dois aller à Belém, faire quelques conférences.

Cela signifie que vous continuez en pleine activité au Brésil et en France?
Je continue. En France, évidement, je ne fais plus d’expériences. Je me suis arrêté quand j’ai pris ma retraite, à 70 ans. En ce qui concerne la physique, je continue à m’intéresser à l’interprétation des résultats des expériences qui sont faites sur un sujet dans lequel j’ai travaillé pendant 15 ans, à la recherche du plasma de quark-gluon. Bien que je ne fasse plus d’expériences, je connais les résultats des travaux réalisés en Europe et aux États-Unis, et je m’intéresse à leurs interprétations. Le groupe que je coordonnais avant de prendre ma retraite continue l’expérience que j’avais commencée au CERN, et pense avoir découvert le plasma de quark-gluon. Mais je ne le crois pas.

Pourquoi?
Le problème du plasma est complexe. Il faut faire la collision de deux noyaux d’atomes, de préférence lourds. Par exemple : du plomb contre du plomb, de l’uranium contre de l’uranium. Nous faisons cela pour laisser les particules dans un état d’énergie plus élevé. Si le phénomène existe vraiment, suite à cette collision de noyaux, les protons et les neutrons doivent se dissocier en quarks et en gluons. Comment pouvons-nous savoir que ce phénomène existe ? En analysant les particules extraites de cette collision. Si le plasma existe, certaines particules doivent être produites avec une certaine probabilité et doivent sortir avec certaines propriétés d’énergie. Il s’agit d’un processus nucléaire extrêmement complexe. Supposons, alors, que l’on étudie une particule nommée A. Il existe d’autres processus nucléaires qui produisent également cette particule A. Ce n’est pas seulement le plasma. Cela signifie que, pour que nous puissions savoir si cette particule a été produite par le plasma, nous devons exclure tous les autres processus possibles. J’ai préparé un modèle théorique simple par lequel je démontre que certaines particules caractéristiques du plasma sont aussi produites avec les mêmes propriétés dans des processus nucléaires classiques qui n’ont rien à voir avec le plasma. Nous n’avons donc pas besoin du plasma pour expliquer sa production.

Et pourquoi est-ce que vous ne croyez pas que votre ancien groupe ait découvert la particule quark-gluon?
Parce qu’il y a plus d’une interprétation au phénomène. Un phénomène ne peut être considéré nouveau que s’il n’y a aucune autre interprétation possible. Mais s’il peut être expliqué par un processus classique, connu, nous n’avons pas besoin de lui.

Cette activité d’analyse d’expériences, vous la faite à Paris. Quand vous êtes ici au Brésil, que faites-vous?
Des choses bien différentes. Prenons l’exemple de ce voyage. Le Ministère des Sciences et de la Technologie a mis en place une commission pour choisir le nouveau directeur du CBPF. Carlos Henrique de Brito Cruz, recteur de l’Unicamp, José Roberto Leite, directeur de Développement Scientifique et Technologique du CNPq, Fernando Zawislak, de l’UFRGS, Marco Antônio Raupp, directeur du Laboratoire National d’Informatique Scientifique et moi-même faisons partie de cette commission. Je suis ici car nous avons quatre candidats et nous aurons un entretien avec eux.

Dans quels projets êtes-vous le plus engagé au Brésil?
Je fais quelque chose qui m’intéresse beaucoup : travailler pour l’enseignement. Je suis un physicien retraité de l’École Polytechnique de Paris, qui est l’une des plus importantes au monde et, certainement, avec l’École Normale Supérieure, la plus importante en France. J’ai réussi à conclure un accord de coopération entre l’École Polytechnique, l’USP – incluant les campus de São Paulo et de São Carlos – et l’UFRJ. Par cet accord, les deux universités brésiliennes ont le droit d’envoyer à Polytechnique des étudiants de maîtrise. Ils étudient deux ans et demi à Polytechnique et reçoivent le diplôme d’ingénieur en France. Ils se retrouvent avec deux diplômes, le brésilien et le français. C’est le niveau le plus élevé qui existe au monde dans des cours universitaires de 2ème cycle.

Comment avez-vous travaillé pour ces accords?
L’École Polytechnique de Paris s’est ouverte à de nombreux pays. En Amérique latine elle collabore, actuellement, avec le Brésil, le Chili et le Mexique. En Europe, avec l’Allemagne, la Pologne, la Suède, la Russie, la Roumanie. En Asie, avec la Chine, la Corée du Sud, le Viêt-nam… Comme je suis brésilien, on m’a contacté pour savoir si j’étais intéressé à aider dans le contact avec les universités brésiliennes. Comme j’étais de l’USP et j’ai un contact constant avec l’UFRJ, je me suis occupé d’assurer ce rapprochement.

Comment fonctionne cet accord?
Les professeurs brésiliens sélectionnent des étudiants d’ingénierie, de physique, de mathématique, de chimie, qui posent leur candidature. Disons, une trentaine, parmi 70 ou 80. Le premier critère est d’être bon en mathématique. Après la sélection brésilienne, une commission de professeurs de l’École Polytechnique vient pour un entretien avec ces étudiants. Et, à nouveau, un certain nombre est sélectionné. Le 2 avril dernier j’ai eu un immense plaisir car le premier groupe d’étudiants de la USP, qui est allé en France en 2002, s’est diplômé. Ils étaient 11 étudiants, de l’École Polytechnique de São Paulo, de l’École d’Ingénierie de São Carlos et des Instituts de Physique et de Mathématique des deux campus. Deux autres groupes, de 14 étudiants chacun, sont déjà en France. Cette année 11 étudiants de l’USP et trois de l’UFRJ – car Rio présente encore peu de candidats – ont été sélectionnés. Mon objectif est de contribuer à élever le niveau de l’enseignement des écoles brésiliennes d’ingénierie.

Qui est-ce qui paye pour qu’ils restent à Paris?
L’École Polytechnique. Et ce qui est beau en France c’est que tout le monde a les mêmes droits, il n’y a pas de discrimination. Les étudiants français ont une bourse d’environ 1.300 euros par mois (plus ou moins 5 mille réaux). Les étrangers aussi. Avec cet argent, ils payent leur logement, la cantine, les études, et il leur reste environ 400 euros par mois pour le cinéma, le métro, l’habillement etc.

Comment était votre travail à l’École Polytechnique de Paris?
De temps en temps je donnais des cours sur des sujets liés à mon thème de travail, mais mon activité principale était la recherche et diriger des groupes de recherche. Je suis physicien, mais aussi ingénieur. J’ai, d’abord, conclut mes études à l’École Polytechnique de l’USP et c’est pendant le cours d’ingénierie que j’ai commencé à aimer la physique, que j’enseignais dans des cours préparatoires et des collèges, comme le font beaucoup de jeunes aujourd’hui. Ma famille était pauvre et je devais gagner assez d’argent pour moi, mais aussi pour aider ma famille.

Cela n’était pas très fréquent il y a 60, 70 ans, n’est-ce pas? Quelqu’un issu d’une famille humble, qui réussi à fréquenter de bonnes écoles publiques, qui arrive à l’université et qui a une progression comme la vôtre, tellement forte au sein de l’université.
J’ai eu énormément de chance dans ma vie. Je viens d’une famille d’ouvriers mais, cela peut paraître incroyable, tous avec un intérêt culturel immense. Ils lisaient beaucoup ; ils étaient énormément politisés. J’étais un gamin à l’époque de la guerre en Espagne. Ils lisaient le journal tous les jours, et j’entendais quotidiennement des discussions sur ce qui était entrain de se passer. Je me souviens de cette époque avec mon père et mes oncles ; ils étaient contre le général Franco, contre le fascisme, et solidaires avec la République espagnole. Comment j’ai étudié l’ingénierie ? Depuis tout petit, j’entendais mon père, mon grand-père maternel, dire : “Roberto sera ingénieur, il ne sera pas ouvrier”. Étudier l’ingénierie est devenu une chose évidente, je n’ai jamais pensé faire autre chose. Mais, pendant le cours d’ingénierie j’ai eu un excellent professeur de physique à l’École Polytechnique, qui s’appelait Luiz Cintra do Prado. Il a été un des meilleurs professeurs de physique que j’ai rencontré dans toute ma carrière, dans tous les pays où j’ai vécu. J’aimais ce cours, j’aimais cette logique de la physique. Puis, quand j’ai conclut mon cours, le professeur Cintra do Prado m’a invité pour être son assistant. C’est ce qui a ouvert les portes à ma carrière universitaire. J’ai travaillé comme son assistant et, en même temps, pendant un an, une fois dans la vie, j’ai travaillé comme ingénieur, juste après avoir conclut mes études, à l’Institut d’Electrotechnique de l’USP. Mais, comme j’aimais la physique, quand j’étais étudiant à Polytechnique, j’allais de temps en temps assister aux cours du professeur Gleb Wataghin à la Faculté de Philosophie. Un jour, je suis allé lui parler, et je me suis alors mis à travailler sur des rayons cosmiques.

‘Le 2 avril dernier,  le premier groupe d’étudiants  de la USP qui étudia à  l’École Polytechnique de Paris s’est diplômé’

MIGUEL BOYAYAN ‘Le 2 avril dernier, le premier groupe d’étudiants de la USP qui étudia à l’École Polytechnique de Paris s’est diplômé’MIGUEL BOYAYAN

Gleb Wataghin vous a accepté, comme ça, immédiatement?
Immédiatement. J’ai pris congé de l’Institut d’Electrotechnique et j’ai accepté une bourse à la Faculté de Philosophie, Sciences et Lettres, qui était bien inférieure à mon salaire antérieur. Le professeur Wataghin était un homme délicieux, d’un humanisme extraordinaire ? Il s’adressait à toutes les personnes en les appelant par Monsieur ou Madame. Il employait “monsieur” même avec le plus jeune étudiant qui allait lui parler. Au cours de notre premier entretien, il m’a demandé : “Monsieur, vous êtes conscient que, comme ingénieur, vous pouvez devenir un homme riche dans votre pays ?”. J’ai répondu : “Oui, professeur”. Et il répliqua : “Et vous voulez devenir physicien ?”. J’ai répondu : “Je veux essayer”. Il se mit à penser pendant quelques instants et me dit : “Êtes-vous marié ?”. Je lui ai répondu : “Je suis fiancé”. “Et elle est au courant, elle est d’accord ?” Je lui dis : “Elle le sait, professeur, et elle est d’accord”. Il me parlait comme s’il me préparait à une catastrophe. C’était très amusant. À la fin, il me dit, enthousiasmé : “Alors, parlons physique”.

C’est alors que vous êtes entré dans le monde de la physique des particules?
Oui. Les expériences au laboratoire du professeur Wataghin étaient toutes faites avec des conteurs Geiger, importés, qui arrivaient, en bonne partie, cassés. Il suggéra que je construise ces conteurs en grand nombre ici. Il était très enthousiaste avec les rayons cosmiques. Il me disait que dans quelques années j’irai en Europe travailler avec les rayons cosmiques dans les laboratoires dans les Alpes, dans un magnifique paysage enneigé qui n’existait pas au Brésil. Il disait que le coucher du soleil dans les Alpes était un spectacle et que, le soir, je verrai la voie Lactée avec des milliers d’étoiles. Et pas que ça : il disait qu’en Europe il y avait plusieurs conférences, et que je ferait la connaissance de (Albert) Einstein, de (Adrien) Dirac, de (Enrico) Fermi, de (Niels) Bohr, de (Wolfgang) Pauli… “Vous verrez comme ces hommes pensent, comme ils s’expriment, c’est quelque chose de merveilleux ”, me disait le professeur Wataghin. Puis il s’arrêta et me dit : “Comme physicien, on ne devient pas riche, mais on s’amuse beaucoup ”.

Et vous avez confirmé cela?
Oui. Je crois que toute ma vie j’ai été payé pour m’amuser. Depuis cette époque et jusqu’à nos jours, je pratique la physique avec le même plaisir, la même détermination.

Vous avez connu ces personnes citées par Wataghin?
Non, pas toutes. Einstein et Fermi sont morts plus ou moins à cette époque, entre 1954 et 1955. Les autres, je les ai tous connus.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’USP et d’aller à Rio de Janeiro?
J’ai été le dernier jeune brésilien dirigé par le professeur Wataghin. Il est resté à l’USP pendant 16 ans et il a décidé de rentrer en Italie. Quand il est parti, un vide s’est fait à la Faculté de Philosophie. C’est-à-dire, il y avait des physiciens qui étaient éminents à cette époque, comme Mario Schenberg, Marcello Damy, Oscar Sala, Paulus Pompéia, Abrão de Moraes, tous excellents. Mais la personnalité de Wataghin, là-bas, nous manquait. J’ai décidé d’aller au CBPF, qui venait d’être créé, suite à une invitation de Cesar Lattes, et j’y ai passé trois ans.

Et pourquoi avez-vous quitté le CBPF?
J’étais un jeune de gauche et tout le monde le savait, je ne cachais rien. Mais je n’ai jamais été lié à un parti politique et je n’avais pas d’activité politique. Je n’avais même pas le temps pour ça. Puis, il y a eu un incident. Nous, les physiciens du CBPF, nous avons visité l’Arsenal de la Marine, à Rio, où il y avait des laboratoires de physique très bien structurés. Nous y avons passés plusieurs heures et nous avons déjeuné avec les officiers. L’amiral Álvaro Alberto, qui, à l’époque, était président du Conseil National de Recherches Scientifiques/CNPq, participa à la visite et, pendant le déjeuner, par hasard, je me suis assis à côté de lui. Nous avons été photographiés et les photos sont apparues dans la revue de la Marine. J’ai su, par la suite, que le chef de la Police de Rio a téléphoné à l’amiral pour lui dire que j’étais de gauche. L’amiral était furieux… contre moi. À tel point, que je n’ai jamais pu obtenir une bourse d’études du CNPq.

Vous avez fait une demande de bourse?
J’ai rencontré, par hasard, le professeur Costa Ribeiro, de Rio de Janeiro, qui était du conseil du CNPq. Je lui ai raconté que je voulais aller en Angleterre avec une bourse et il me conseilla de ne pas en demander une à ce moment là. C’était un signal, n’est-ce pas ? Je pense qu’il a été sympa. Ça aurait été pire de voir ma demande refusée.

L’amiral vous en voulait simplement à cause de l’épisode de la photo?
Incroyable, n’est-ce pas ? Peu de temps après, j’ai eu la preuve de la colère qu’il avait gardé contre moi. Cesar Lattes voulait obtenir un synchrotron pour Rio de Janeiro, identique à celui avec lequel il avait fait un travail très important à Berkeley, quand il a produit un meson-pi artificiellement. Des ingénieurs et des physiciens de l’Université de Chicago sont alors partis au CBPF, et ils ont passé quelque temps à Rio pour projeter le synchrotron. Pendant une certaine époque, ils ont logé dans un bâtiment du CBPF. L’amiral Álvaro Alberto a donné l’ordre de m’interdire d’entrer dans le bâtiment dans lequel travaillaient les américains. J’ai trouvé ça ridicule et inacceptable, et j’ai décidé de partir. Ce serait une immoralité commise contre moi-même que de me soumettre à cette condition. J’ai alors décidé de présenter ma démission au CBPF. À la même époque, j’ai appris que l’Unesco offrait des bourses d’études pour l’étranger. J’ai posé ma candidature et je l’ai obtenue. Je suis parti faire mon doctorat à l’Université de Manchester. C’était en 1953.

Dans le domaine des rayons cosmiques?
Oui, dans les rayons cosmiques. J’ai choisi Manchester car je savais qu’il y avait là-bas le laboratoire de rayons cosmiques le plus important au monde. Et je savais que Patrick Blackett, le professeur directeur du laboratoire, prix Nobel de Physique, était le pape dans ce domaine. J’ai appris, par la suite, qu’il était également un grand leader scientifique, le meilleur administrateur des sciences que je n’ai jamais connu. Je vais vous donner un exemple de son incroyable vision de l’avenir. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les anglais se sont inscrits pour combattre aux forces armées. Cela incluait les universitaires et, naturellement, les universités étaient presque vides. Blackett a dit : “Ce n’est pas possible de continuer ainsi, car, un jour, la guerre va se terminer et nous devons penser à préparer les jeunes pour l’après-guerre ”. Et il recommanda qu’un grand nombre de professeurs retourne à l’université.

Cela a eu lieu?
Oui. Plusieurs universitaires ont été rappelés, mais ils travaillaient dans ce qui était appelé la défense civile. C’est-à-dire : quand il y avait un bombardement, ils travaillaient comme pompiers, comme assistants d’infirmiers, ces choses là. Mais les cours ont continué.

C’est Blackett qui vous a indiqué au CERN?
Oui. Quand j’étais entrain d’écrire ma thèse et me préparai à rentrer au Brésil, Blackett m’a appelé et m’a demandé si j’aimerai rester plus de temps en Europe et travailler au CERN. Je ne savais même pas ce qu’était le CERN, qui venait d’être créé. Il m’a dit qu’il me ferait passer un an ou deux de plus en Europe. Je suis allé à Genève, j’ai parlé au directeur du CERN et j’ai fini par être embauché pour un an. C’était le tout début du CERN. En fait, il n’existait même pas. Nous travaillions dans des baraques en bois qui nous avaient été prêtées par l’aéroport de Genève. Quand j’y suis allé, nous étions moins de dix physiciens expérimentaux – j’ai été l’un des dix premiers physiciens expérimentaux embauchés par le CERN. Il n’y avait rien.

Combien de temps êtes-vous resté là-bas?
Je devais y rester un an. Mais je suis resté une deuxième année, une troisième, puis ils m’ont offert un contrat permanent. J’aurai pu avoir pris ma retraite là-bas. Pendant la première phase, je suis resté huit ans à Genève.

Le premier accélérateur était prêt au bout de combien de temps?
Le plus petit, en trois ans et demi – un record. L’autre, plus grand, avec lequel j’ai travaillé, au bout de cinq ans. C’était, à l’époque, le plus grand accélérateur au monde. Aujourd’hui, un grand accélérateur de protons est en construction – le Large Hadron Collider (LHC). Les protons passent par une association d’accélérateurs, plusieurs d’entre eux avant d’arriver au LHC.

Le LHC va remplacer le Large Electron Position (LEP), l’accélérateur d’électrons qui a été désactivé?
Exactement. C’est le même tunnel, de 27 kilomètres de circonférence. Mais c’est une autre machine, car les conditions pour l’accélérateur d’électrons sont très différentes des conditions pour un accélérateur de protons.

Quand vous êtes rentré au Brésil, vous êtes allé travailler directement au CERN pour l’UnB. Qui vous a invité?
Au fond, il n’y a pas eu d’invitation formelle. Je participais à des groupes de discussions sur la création de l’université avec des amis intéressés à améliorer l’enseignement supérieur. Mais l’homme qui a idéalisé la structure de l’UnB a été Anísio Teixeira, le plus grand éducateur que le Brésil n’ai jamais connu. Il avait conçu cette nouvelle structure pour l’ancienne Université du Brésil à Rio, actuellement l’UFRJ, bien avant que l’on ne songe à l’UnB. Il voulait introduire cette structure d’instituts et de facultés, comme c’est le cas dans toutes les universités brésiliennes aujourd’hui, lors du transfert de l’Université du Brésil vers la cité universitaire à l’Île du Fundão. Mais, à Brasília, nous avons commencé auparavant.

L’UnB n’était pas comme ça avant?
Non, pas du tout. C’est ça qui a été l’originalité de l’UnB. La même structure a été adoptée à l’USP, l’UFRJ, dans toutes les universités. Mais ça a commencé à Brasília, en 1962. Mais, créer des instituts centraux et des facultés, c’était juste une des innovations. Il doit y avoir, par exemple, un Institut de Physique, où sont donnés les cours pour les étudiants d’ingénierie, de tous les domaines de l’ingénierie, de la physique, de la chimie, de la mathématique, de la médecine, de la biologie, et ainsi de suite. Cela n’existait pas à Brasília. En 1970, il y a eu une réforme universitaire, dans laquelle cela a été utilisé. Jusqu’en 1970, l’École Polytechnique de l’USP avait un département de mathématique et la Faculté de Philosophie en avait un autre. Une autre nouveauté très importante de Brasília c’est que nous avons changé la structure de la carrière universitaire. Jusqu’à cette époque il y avait, dans chaque discipline, le professeur titulaire de la chaire et les assistants. C’est nous qui avons introduit une carrière universitaire dans laquelle le jeune commençait avec le grade d’assistant après avoir passé sa thèse, obligatoire pour débuter la carrière. Le professeur devait passer par les postes de professeur-assistant, professeur-associé et professeur-titulaire ; et dans chacune de ces catégories, plusieurs niveaux : professeur-assistant de niveau 1, 2, 3, titulaire 1, 2, 3 et ainsi de suite. C’est nous qui avons terminé avec la carrière de titulaire d’une chaire et d’assistant. C’était une grande innovation. Et, avec la réforme universitaire, en 1970, cela a été introduit dans tout le Brésil.

‘La structure adoptée  actuellement dans les universités, a commençé  à l’UnB, en 1962’

miguel boyayan ‘La structure adoptée actuellement dans les universités, a commençé à l’UnB, en 1962’miguel boyayan

Pourquoi est restée l’image selon laquelle Darcy Ribeiro a été le grand idéalisateur de l’UnB?
Il a eu une influence énorme pour que l’université existe, mais ne l’a pas idéalisée. Darcy travaillait avec Anísio Teixeira, qui dirigeait l’Institut National d’Études Pédagogiques (Inep) du Ministère de l’Éducation. C’est avec Anísio que Darcy a appris ce qu’était l’université. Anísio idéalisa et lança le projet à l’époque de la construction de Brasília. Darcy s’enthousiasma et travailla beaucoup. Anísio remarqua qu’il aurait besoin de spécialistes pour expliquer comment doit être l’université dans leur domaine, en médecine, en ingénierie, biologie, chimie, etc. Et, quant il lança cette idée, Darcy s’est joint à lui et ils commencèrent à créer des groupes de conseillers. Un jour, ils m’ont écrit, m’invitant à participer à l’un des groupes en tant que conseiller. Je suis venu plusieurs fois à Genève pour ces discussions. À la fin, après avoir beaucoup travaillé comme conseiller, j’ai fini par décider d’aller à Brasilia, comme si cela était une chose naturelle dans mon travail, sans avoir reçu une invitation formelle. Tout allait bien jusqu’au coup d’État militaire. Ça a été dramatique. J’étais à Brasília depuis quelques mois et je n’avais pas posé de demande d’arrêt de travail au CERN. J’ai simplement demandé ma démission car j’ai pensé que je ne pourrai plus quitter le Brésil. J’ai commencé à travailler à Brasília le 2 janvier 1964. Et le coup a eu lieu le 31 mars, plus précisément, le 1er avril. Puis, une période très dure commença ; l’université a été très poursuivie.

Combien de temps vous avez tenu?
Deux ans, jusqu’à la fin 1965. Par contre, ça a été une période extraordinaire, car à Brasília il y avait un grand enthousiasme. Darcy Ribeiro a été le recteur de l’Université de Brasília pendant quelques mois seulement. L’université a été créée par Juscelino, mais sa loi de création a été promulguée par João Goulart. Comme Anísio avait organisé le système scolaire de Brasília et connaissait tout à propos de l’enseignement dans cette ville, Juscelino tenait à ce qu’il soit le recteur. Mais il n’a pas voulu car sa famille habitait à Rio et ne voulait pas déménager. C’est alors qu’il suggéra que Darcy soit le recteur. Anísio serait le vice-recteur, de façon à honorer Darcy. Et Darcy, avec cette énergie extraordinaire, travaillait follement. João Goulart a tant aimé le travail de Darcy qu’il l’invita à être le Ministre de l’Éducation et, ensuite, son chef de cabinet. Anísio, alors vice-recteur, devint recteur. Nous étions en 1963. C’est à cette époque que je suis arrivé à l’UnB.

Et pourquoi tout cet enthousiasme n’a pas été suffisant pour empêcher que les 223 professeurs ne démissionnent en 1965?
Parce qu’il était impossible de rester. L’idée de démissionner a mûri dans chacun d’entre nous individuellement. Le service secret de l’Armée était au courant de tout ce qui se passait à l’Université un quart d’heure plus tard. S’il y avait eu une discussion d’étudiants dans le couloir, la police le savait 15 minutes après. Les choses étaient à ce point là. Nos cours étaient enregistrés et envoyés à la police. Nous travaillons intensément, il y avait un enthousiasme tel que je n’en ai jamais vu ailleurs. Les professeurs et les étudiants travaillaient dans des conditions si difficiles et précaires que, quelques fois, je sentais de la peine. Mais les étudiants ne s’en plaignaient pas, ils comprenaient. Une atmosphère très constructive y régnait.

Même avec le coup d’État?
Même après le coup. Tous, professeurs et étudiants, avaient la conscience de faire quelque chose de nouveau. À Brasília, la persécution militaire était constante. S’il y avait un séminaire à l’amphithéâtre, des agents de la police étaient présents. Il y avait des policiers inscrits comme étudiants. Ce n’est pas possible de travailler en sachant que ton collègue du département d’à côté a été renvoyé ou mis en prison, on ne peut pas être tranquille. J’avais beaucoup de contact avec les militaires, en essayant de leur expliquer ce qui se faisait. Parfois, le soir, ils m’invitaient à prendre un café pour se plaindre de l’université. L’ambiance était comme ça. Voyez-vous, la démission était inévitable.

La solution a été de rentrer à Genève.
Quand j’ai démissionné, je suis resté cinq ou six mois au chômage et ça a été ma femme, Sonia, qui a pris en charge la famille, avec son travail de psychanalyste. Le directeur-général du CERN, Victor Weisskopf, a été au courant de ce qui se passait à l’UnB. Un beau jour, un secrétaire de l’Ambassade Française est apparu chez moi en disant qu’il avait une lettre du professeur Weisskopf qui devait m’être remise personnellement, en mains propres. C’était un contrat, signé, pour que je retourne au CERN. Je suis resté avec cette lettre trois mois avant de me décider à y aller.

Pourquoi?
Parce que je ne voulais pas quitter le Brésil. J’ai essayé de trouver du travail dans des universités de Rio, de Minas et de Bahia, mais les rectorats ne s’y sont pas intéressés, probablement à cause du climat politique. Je suis alors retourné à Genève. Ça a été très dur. Au CERN, Weisskopf m’a donné le même poste à vie que j’avais avant, et qui était très élevé. Je suis alors resté encore un an et demi au CERN. À cette époque, j’ai également reçu des invitations pour travailler aux universités d’Oxford, en Angleterre, de Colombie, à New York, de Trieste, en Italie, et à l’École Polytechnique de Paris. Nous aurions pu rester à Genève jusqu’à ma retraite. La vie là-bas était très bonne, l’éducation des enfants de haut niveau, l’université excellente. Mais, après plusieurs discussions avec ma femme, nous avons conclu : “Si nous devons éduquer nos enfants en dehors du Brésil, allons à Paris, car là-bas les enfants se développeront dans un climat intellectuel unique au monde”. Malgré le fait que la physique était, à Paris, du plus haut niveau international, nous sommes partis pour Paris à cause des enfants et non à cause de la physique. Au CERN j’avais également de la physique de haut niveau.

Comment percevez-vous la physique au Brésil de nos jours?
La physique, comme toutes les sciences, a beaucoup progressé au Brésil, particulièrement au cours des 30 dernières années. Nous avons plusieurs physiciens une formation d’excellent niveau, très compétents. Mais peu de groupes avec un impact international. Cela est dû au manque d’une infrastructure qui permette trois conditions fondamentales à la recherche scientifique : une autorité qui définisse les priorités et qui soit respectée ; de l’agilité pour que la décision à propos d’un projet puisse être prise en peu de temps ; et la continuité dans le financement des projets. Il manque, également, plus d’années d’expérience de la communauté, avec un esprit critique aigu, dans un processus de mûrissement, pour que les personnes associées à un travail prennent l’habitude de plonger le plus profondément possible dans le problème spécifique qu’elles étudient, d’aller jusqu’aux dernières conséquences et de pouvoir s’imposer. La participation du Brésil dans des projets internationaux est également peu significative, malgré les professionnels que nous possédons, qui sont capables et préparés à participer à de tels projets. Il existe certains domaines de la physique sur lesquels l’on ne peut travailler qu’en collaboration internationale. Même dans des pays riches comme les États-Unis, la France, l’Angleterre, l’Italie et la Suède, il existe certains domaines dans lesquels aucun d’entre eux ne peut travailler seul. Pour deux raisons : la question financière et à cause du temps de travail. Il existe certains équipements qui, en collaboration internationale, mettent huit, dix ans à être construits, avec la participation de 10, 15, 20 pays. Si un pays veut le faire seul, quand il aura terminé, le sujet sera dépassé, ou peut-être qu’il ne pourra même pas le faire. La collaboration internationale est indispensable. Voici deux exemples : l’Observatoire Pierre Auger, en Argentine, et le Southern Observatory for Astrophysical Research (Soar), au Chili. Ces deux projets importants ont été approuvés car il a eu la participation déterminante de la FAPESP. Malheureusement, cela est rare au Brésil, car les décisions sont prises par des comités qui tendent à distribuer des petits budgets à plusieurs groupes et n’ont pas l’autorité qu’à eu la FAPESP, de prendre une décision, d’assumer la responsabilité, en aidant fortement au financement d’un grand projet. Il n’y a pas d’infrastructure pour les collaborations internationales au Brésil, en commençant par une restructuration des sources de financement. Quand il y a une collaboration internationale, le pays assume la responsabilité de construire des équipements. Cette construction dure plusieurs années, et il faut voyager constamment pour avoir des contacts avec tous les laboratoires qui y participent. Et, au Brésil, il n’existe pas de structure pour tout ça.

Donnez-nous un exemple concret de ce manque de structure.
Je vais vous parler du cas spécifique de la physique de particules : si un groupe brésilien veut travailler au CERN il n’existe pas de structure au Brésil qui permette de financer les équipements et les voyages. C’est toujours une lutte pour obtenir des crédits pour chaque chose. Voyez un cas dramatique : il y a presqu’une centaine de physiciens brésiliens qui ont présenté des projets pour travailler dans les quatre expériences qui doivent être faites dans l’accélérateur de particules LHC, du CERN. Ces projets brésiliens ont été présentés voici des années, ils ont été approuvés au CERN, mais n’ont pas encore été approuvés au Brésil. Ce qui se passe c’est que, comme pour chaque partie du projet il y a un temps limité et le Brésil ne bouge pas, les responsabilités sont passées à d’autres pays. Par exemple, une des expériences demandait une grande pièce d’un électroaimant, ce qui, avec la qualité de notre industrie, peut facilement être fait au Brésil. Cela aurait même pu être fait dans un des laboratoires de la Commission Nationale de l’Énergie Nucléaire. Le groupe brésilien l’a proposé, le CERN l’a accepté et, pendant deux ou trois ans, rien ne s’est passé. Comme chaque pièce devait être terminée dans une période déterminée, le projet a été repassé au Pakistan. Le Brésil a déjà perdu cette collaboration. Et d’autres projets sur lesquels les brésiliens voulaient travailler sont entrain d’être repassés à d’autres pays.

Quand le Brésil participe de ces projets de collaboration au CERN, est-ce qu’il doit également s’engager avec une contre partie en argent?
Il doit fournir l’équipement, ce qui, pour nous, est excellent, c’est de l’avant-garde. Le CERN est grand, il coûte cher, et est financé par 20 pays (les propriétaires du CERN). Mais les pays qui participent à ces expériences, comme le Brésil, ne financent pas le CERN. Ils participent au financement des expériences auxquelles ils participent. C’est un budget à part, qui n’a rien à voir avec le financement du CERN. Pour évaluer le coût de participation à ces expériences, il faut évaluer la dépense par physicien et par année. Quand ce calcul est fait, on observe que la dépense d’une expérience faite par les brésiliens à Genève équivaut au coût de faire de la physique des solides ici à São Paulo ou à Rio. Il existe un manque d’information très important : cette physique de particules n’est pas plus chère que les autres physiques. Si un équipement doit être construit par un groupe brésilien de dix physiciens, cela peut coûter, disons, 1 million de dollars US, à être dépensés sur plusieurs années. Le Brésil paie pour ça, mais presque tout est fait dans les industries du propre pays. Nous devons payer une partie la première année, une partie la seconde, une troisième, etc. Cet équipement sera utilisé pendant huit, dix ans. Quand nous pesons combien d’années il sera utilisé et combien de personnes y travailleront, il coûte, par personne et par an, la même chose que les autres projets. La difficulté est : comment un comité du CNPq, avec un budget limité, peut approuver un projet de 1 million de dollars US s’il n’a pas cet argent ? Une structure spéciale pour assurer ce budget est donc nécessaire. Cela doit être un projet national. Il manque aussi des grands projets nationaux prioritaires mobilisateurs. Il n’existe pas de détermination claire qui établisse la ligne qui sera prioritaire au Brésil, et qui aura la priorité dans le budget, de façon à avoir un impact international. Il n’existe pas, ici, de lignes de recherche créées pour avoir un impact international.

‘Il n’existe pas, au Brésil,  de lignes  de recherche  créées pour  avoir un impact international’

miguel boyayan ‘Il n’existe pas, au Brésil, de lignes de recherche créées pour avoir un impact international’miguel boyayan

Et cela ne dépend pas uniquement d’argent.
Non. Cela dépend d’argent et de structure. Il y aussi une partie culturelle : les scientistes doivent accepter que cela doit être fait.

Vous pensez que cette mentalité n’existe pas?
Très peu. Ce n’est ni de loin comme ce qui se fait en Europe et aux États-Unis. En France, quand le gouvernement définit une priorité, évidement que cela ne tombe pas du ciel et n’est pas imposé sur une base autoritaire. La question est étudiée par des personnes compétentes pendant très longtemps, par des consultants étrangers, elle est mûrie et ce n’est qu’ensuite qu’elle devient une priorité. Donc, quand elle est lancée, cette priorité est acceptée par tous ; personne ne proteste. Il n’existe pas le soucis “vous avez X scientistes et un certain montant d’argent, nous allons partager l’argent par X ”.

Et qui doit être responsable pour le financement?
Je crois que le Gouvernement Fédéral ensemble avec les diverses fondations d’aide à la recherche dans le pays. Nous avons des personnes comme, par exemple, Sérgio Rezende, président de la Finep, et José Roberto Leite, du CNPq, qui savent qu’il doit y avoir une infrastructure et sont entrain de travailler pour trouver une solution. Une idée qui s’est développée c’est qu’à travers les fonds sectoriels une infrastructure soit créée pour les collaborations internationales, non seulement en physique, bien sûr.

Qu’est ce que vous imaginez qui sera le plus important dans le futur, en physique?
Un rapport à ce sujet a été divulgué, il y a environ deux ans, par un comité nord-américain. La conclusion a été que dans la physique il y aura cinq domaines importants : la physique de particules, la cosmologie et l’astrophysique, la physique atomique, la physique en médecine et en biologie et la physique des matériaux.

Avez-vous de la foi dans la science, l’éducation, le Brésil ? …Avez-vous de la foi en Dieu?
Non, je n’en ai pas. Ni quand j’étais enfant. Ma mère était très catholique. Si catholique que je m’appelle Roberto Aureliano Salmeron parce que je suis né le jour de Saint Aurélien, et ma mère et ma grand-mère m’ont donné ce nom en hommage au Saint. Mon père n’avait pas de religion et j’ai assimilé cela sans aucune doctrine religieuse. Ma mère voulait que je fasse du catéchisme. Je me souviens que je fréquentais les cours au collège Coração de Jesus (Coeur de Jésus), dans les Campos Elísios (les Champs-Élysées), à São Paulo, tous les dimanches, pour les cours de catéchisme. Mais ce qui m’intéressait vraiment c’était de jouer au foot, car il y avait une cour merveilleuse… Nous allions donc jouer au foot à l’école des curés.

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