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MOBILITÉ

Science compétitive

L’internationalisation de la recherche 
de São Paulo est stimulée par la venue de postdocs étrangers avec une bourse de la FAPESP

Publié en août 2013040-045_Internacionalizacao_210_FRA-01

Des données récentes de la FAPESP montrent que la venue de chercheurs postdoctoraux étrangers dans des institutions de l’état de São Paulo passe par des transformations. L’exemple le plus significatif est celui des sciences exactes et de la terre : en 2007, 16 % des bourses de postdoctorat de la Fondation étaient accordées à des chercheurs qui avaient suivi leur formation à l’étranger. En 2012, ce taux était passé à 34 %. Cette augmentation s’observe aussi dans d’autres domaines, comme celui des sciences biologiques (de 6 % à 11 %) et des sciences sociales appliquées (de 0 % à 6 %) – toujours entre 2007 et 2012. Le seul domaine qui a connu une réduction de bourses est celui des sciences agraires : de 2 % en 2007 à 1 % en 2012 (cf. graphique).

La plus grande attraction de cerveaux à São Paulo est la conséquence de plusieurs facteurs. Il y a notamment la croissance des incitations à l’internationalisation de la recherche nationale, un processus qui compte sur une forte participation de la FAPESP avec l’octroi de bourses pour des chercheurs étrangers, et la reconnaissance internationale d’un nombre croissant de groupes de recherche brésiliens qui font une science compétitive. La crise économique qui atteint l’Europe et les États-Unis, et qui a donné lieu à des coupures budgétaires pour la science, est également un facteur stimulant. Dans certains domaines, à ces facteurs s’ajoute l’effort des directeurs de recherche pour établir des partenariats durables avec des groupes de recherche d’autres pays, une démarche qui a favorisé l’insertion internationale de laboratoires au cours de la dernière décennie.

Pour Edgar Dutra Zanetto, chercheur du Centre de Sciences Exactes et de Technologie de l’Université Fédérale de São Carlos (UFSCar), « le mécanisme d’attraction est très concentré sur la personne du directeur de recherche. Il est choisi par le boursier parce qu’il participe souvent à des congrès internationaux ou parce qu’il est connu pour la qualité des articles qu’il produit ». Edgar Zanotto a reçu cette année le Prix Almirante Álvaro Alberto pour la Science et la Technologie ; il est une référence internationale en matière de processus cynétiques dans les verres et vitrocéramiques et a déjà reçu dans son laboratoire des dizaines de boursiers de différents pays. Néanmoins, la trajectoire scientifique n’est pas le seul facteur décisif pour attirer l’attention de bons chercheurs étrangers. La structure de travail doit être conforme aux attentes de ces chercheurs qui ont généralement suivi leur formation dans des universités et des institutions de recherche importantes. D’après Vanderlei Bagnato, professeur de l’Institut de Physique de São Carlos (IFSCar) de l’Université de São Paulo (USP), « en sciences exactes, la structure des laboratoires est fondamentale pour recevoir des chercheurs de l’étranger. […] S’ajoute à cela le fait que le montant de nos bourses est aussi élevé et compétitif ». Bagnato a récemment participé à l’organisation d’un événement qui a réuni cinq vainqueurs du prix Nobel à l’IFSC.

040-045_Internacionalizacao_210_FR-02Dans le contexte de l’internationalisation, la FAPESP a créé en 2009 le Programme École São Paulo de Science Avancée (ESPCA), une modalité de soutien qui vise à augmenter l’exposition internationale des domaines de recherche de São Paulo qui sont déjà compétitifs mondialement. Le programme offre des opportunités aux chercheurs de São Paulo pour qu’ils organisent des cours de courte durée où doivent être invités des chercheurs de plusieurs endroits du monde et de São Paulo. Le public des cours doit être formé d’étudiants de deuxième et troisième cycles ainsi que des jeunes docteurs, dont la moitié au moins de l’étranger. Un des objectifs est de montrer aux étudiants et aux chercheurs étrangers des opportunités de recherche à São Paulo et d’attirer les meilleurs.

La mise en avant des sciences exactes peut être expliquée par l’aspect pionnier de la recherche de certains groupes, comme celui de Bagnato, qui étudie la turbulence quantique de la condensation de Bose-Einstein – nom donné à un regroupement d’atomes ou de molécules qui, quand ils sont refroidis à des températures proches du zéro absolu, se comportent comme une entité unique. C’est pour cette raison que le Nord-américain Kyle Joseph Thompson a décidé de demander à Bagnato qu’il dirige son postdoctorat au Brésil après la conclusion de son doctorat à l’Université de Floride, Gainesville : « J’ai décidé d’étudier la turbulence quantique des fluides, et après une recherche approfondie j’ai découvert que le groupe du professeur Bagnato à l’USP était le plus indiqué. […] Ici au Brésil, je fais des recherches à côté de personnes de plusieurs parties du monde, et j’utilise les techniques et technologies les plus modernes ».

Dans d’autres domaines comme celui des sciences de la santé, même si la venue de chercheurs d’autres pays augmente, le pourcentage des boursiers étrangers est encore faible. Sur les 61 bourses de postdoctorat concédées en 2007 par la FAPESP à ce domaine, seulement deux ont été attribuées à des chercheurs de l’étranger. Mais en 2012, le nombre de bourses est passé à 111, dont six pour des chercheurs postdoctoraux étrangers. Pour Carlos Augusto Monteiro, professeur et chercheur en nutrition de la Faculté de Santé Publique de l’USP et un des responsables de la venue de chercheurs étrangers dans le domaine de la santé à São Paulo, « il existe en réalité une demande réprimée. Il y a beaucoup plus de jeunes docteurs de l’étranger qui pourraient bénéficier de l’expérience d’un travail au Brésil ». Actuellement il dirige le postdoctorat d’un jeune anthropologue canadien qui a fait sa formation à l’Université de Montréal, et il attend la réponse de la FAPESP pour une bourse sollicitée par une Colombienne qui a terminé son doctorat à l’Université de Washington, aux États-Unis. Pour lui, les sciences de la santé reçoivent peu de chercheurs de l’étranger parce que les Brésiliens ne diffusent peut-être pas assez activement la disponibilité de places et de bourses dans des événements et des programmes de doctorat dans d’autres pays.

040-045_Internacionalizacao_210_FR-03Diffusion agressive
La diffusion agressive de sa disposition à recevoir des boursiers est une des mesures adoptées par Monteiro pour attirer de bons candidats de l’étranger. Son groupe a développé une ligne singulière de recherche qui explore les relations entre les changements dans le système alimentaire global, la qualité des régimes et la pandémie actuelle de l’obésité. Docteur en santé publique, le Canadien Jean-Claude Moubarac a su avec certitude quel serait son thème de recherche posdoctorale et le lieu pour la réaliser après avoir lu un article de Monteiro dans une revue scientifique internationale : « À partir de ce moment-là, je me suis rendu compte qu’on partageait des intérêts et des visions du monde communs sur la santé et la nutrition ». À São Paulo depuis 2011, Moubarac estime aujourd’hui qu’il a choisi le bon endroit pour développer son travail : 
« Des chercheurs en santé publique d’autres pays sortent gagnants quand ils apprennent plus sur l’expérience brésilienne ».

Dans d’autres cas, le secret pour arriver à attirer des cerveaux est de maintenir un rythme intense de communication avec des institutions et des groupes de recherche de l’étranger, même si les fruits de cette relation mettent un certain temps avant d’apparaître. Professeur de la Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines de l’USP, Marco Antonio de Avila Zingano explique : « Il y a deux ans, j’ai lancé un appel pour trois bourses de recherche postdoctorale. J’ai reçu 16 projets de personnes intéressées. Incroyablement, toutes étaient étrangères ». Actuellement, il dirige quatre chercheurs postdoctoraux étrangers. Tourné vers la philosophie ancienne, son groupe est aujourd’hui inséré dans l’axe universitaire international sur le sujet et participe à des réseaux de diffusion et de divulgation sur Internet entre l’Amérique latine, l’Europe et les États-Unis. Zingano dit que « cette insertion internationale a été cruciale au moment de diffuser les appels d’offres pour les bourses, des années auparavant ». En 2007, la FAPESP a accordé 50 bourses de postdoctorat en sciences humaines, dont 3 pour des chercheurs venant de l’étranger. En 2012, elle a accordé 69 bourses, dont 6 pour des chercheurs d’autres pays.

Réseaux de recherche
Traditionnellement, les sciences humaines sont davantage marquées par l’aller de Brésiliens à l’étranger que par la venue de chercheurs étrangers dans le pays. C’est ce qu’observe Paula Montero, présidente du Centre Brésilien d’Analyse et de Planification (Cebrao) et coordinatrice adjointe de la FAPESP. Elle observe que dans le domaine de l’anthropologie, par exemple, l’internationalisation a été fondamentale pour garantir des avancées au moyen de la formation de réseaux de recherche comparée. Cela a permis au Brésil de progresser dans la recherche collaborative au cours des 10 dernières années, en augmentant sa participation à des débats mondiaux sur l’anthropologie. « La partie la plus difficile » ajoute-t-elle, « est de faire en sorte que les réflexions typiques de pays périphériques aient un impact sur les pays centraux ».

Les chercheurs postdoctoraux Evan Keeling, nord-américain, et Jean-Claude Moubarac, canadien : attirés par 
la qualité de la recherche en nutrition 
et philosophie ancienne de l’Université 
de São Paulo

LÉO RAMOSLes chercheurs postdoctoraux Evan Keeling, nord-américain, et Jean-Claude Moubarac, canadien : attirés par 
la qualité de la recherche en nutrition 
et philosophie ancienne de l’Université 
de São PauloLÉO RAMOS

D’après Zingano, la venue de chercheurs étrangers doit continuer à être un objectif, parce qu’elle a des répercussions positives sur les groupes de recherche qui les reçoivent : « Les étudiants et chercheurs brésiliens en formation qui cohabitent avec les postdocs apprennent de nouvelles procédures de travail et perçoivent qu’ils ont besoin d’être plus professionnels ». La crise aux États-Unis et en Europe a favorisé la venue de chercheurs des sciences humaines qui n’auraient peut-être pas atterri au Brésil dans le cas contraire. C’est le cas du Nord-américain Evan Keeling de West Virginia, qui est venu pour travailler avec Zingano en 2011. Fuyant la crise de son pays, il a eu la chance de trouver de bonnes conditions pour rechercher et participer à des débats sur la philosophie ancienne à l’USP : « São Paulo devient de plus en plus attractif pour les universitaires de l’étranger. Par rapport à la philosophie ancienne, les travaux du professeur Zingano sont reconnus aux États-Unis et en Europe, ce qui m’a aussi aidé dans mon choix ». Keeling pense que le pays pourrait attirer plus de chercheurs s’il investissait dans la divulgation des bourses ainsi que dans des mesures pour diminuer la bureaucratie. Le Vénézuélien Simon Noriega Olmos, autre chercheur dirigé par Zingano, dit que le processus pour retirer des documents à la Police Fédérale est décourageant. Lorsqu’il a eu besoin de louer un appartement à son arrivée à São Paulo, le Canadien Jean-Claude Moubarac a été confronté à ces problèmes bureaucratiques. L’aide est venue de son directeur, le chercheur Carlos Augusto Monteiro, qui a dû louer l’appartement en son nom.

En ce qui concerne les sciences agraires, José Roberto Postali Parra, professeur de l’École Supérieure d’Agriculture Luiz de Queiroz de l’USP et coordonnateur adjoint de la FAPESP en sciences de la vie, affirme le suivant : même si le pays est considéré leader en agriculture tropicale et a développé ses propres technologies, il y a aujourd’hui de grandes avancées en biotechnologie et biochimie dans le monde, ce qui oblige le Brésil à rechercher des chercheurs et de la connaissance à l’étranger. Toutefois, le domaine des sciences agraires est l’un de ceux qui reçoivent le moins de chercheurs postdoctoraux de l’étranger avec une bourse de la FAPESP : seulement 22 bourses ont été concédées à des chercheurs étrangers entre 2005 et 2012. Le nombre est notamment inférieur au domaine des sciences humaines, qui est de 41, et des ingénieries, avec 77 bourses de postdoc concédées à des chercheurs étrangers entre 2005 et 2012.

Chemin inverse
La venue de chercheurs étrangers s’accompagne d’un mouvement d’aller d’étudiants et de chercheurs brésiliens qui vont suivre des stages dans d’autres pays. Entre octobre 2011 et mai 2013, la FAPESP a offert 1 135 bourses par l’intermédiaire de la Bourse Stage de Recherche à l’Étranger (Bepe), un programme destiné à des étudiants de deuxième cycle, master et doctorat et à des chercheurs postdoctoraux de São Paulo afin de stimuler l’internationalisation de la recherche. Les États-Unis restent la principale destination des stages, qui durent entre un mois et six ans. Pendant cette période, le pays a reçu 420 boursiers de São Paulo avec une bourse de la FAPESP. Sur ces 420, 136 dans le champ des sciences biologiques et 80 dans celui des sciences exactes. La France a reçu 108 boursiers, la majorité (27) issus du domaine des sciences humaines (cf. graphique).

D’après Walter Colli, professeur titulaire de l’Université de São Paulo (USP) et coordonnateur adjoint de la FAPESP en sciences de la vie, la plus grande réussite de la Bepe est d’exiger que le boursier développe son travail à l’étranger en accord avec la ligne de recherche qu’il réalise ici : « La FAPESP exige que le stage soit un complément du travail déjà réalisé au Brésil ». Par rapport aux ingénieries, José Roberto Arruda, professeur de la Faculté d’ingénierie mécanique de l’Universidade Estadual de Campinas (Unicamp) et coordonnateur adjoint de la FAPESP en sciences exactes et ingénieries, dit que la Bepe permet au chercheur d’enrichir sa formation, en particulier en ayant des contacts avec des pratiques scientifiques souvent plus objectives et consolidées : « Le programme a aussi pour but d’attirer de bons étudiants, en leur donnant l’opportunité de croître en tant que chercheur et en tant que personne à travers l’expérience du stage à l’étranger ».

Omar Mertins, qui a appris de nouvelles procédures à l’étranger pour appliquer dans des laboratoires brésiliens

LÉO RAMOSOmar Mertins, qui a appris de nouvelles procédures à l’étranger pour appliquer dans des laboratoires brésiliensLÉO RAMOS

Lorsqu’il a décidé d’aller à Strasbourg en juin 2012, le chercheur postdoctoral de l’Institut de Physique de l’USP Omar Mertins est parti avec l’objectif d’apprendre de nouvelles procédures pour pouvoir aller de l’avant dans sa recherche sur des systèmes qui simulent des membranes biologiques. Durant son stage de sept mois à l’Institut Charles Sadron, il a été en contact avec la technique de la micromanipulation par pipette, indispensable pour évaluer des aspects physiques de la membrane lipidique étudiée sous irradiation lumineuse : « On a apporté cette technologie au Brésil, il s’agit de quelque chose d’inédit ici ». Le chercheur a aussi accumulé des expériences à l’étranger après avoir fait un stage de doctorat en France et un autre stage postdoctoral en Allemagne.

La doctorante Aline Silva Mello Cesar, de l’École Supérieure d’Agriculture Luiz Queiroz de l’USP, a bénéficié d’un partenariat établi antérieurement entre son directeur au Brésil et un laboratoire aux États-Unis, dans lequel elle a passé un an. Elle est rentrée en juin 2013 après son expérience à l’Iowa State University, où elle a été en contact avec une nouvelle technologie pour le séquençage de l’ARN et l’association génomique : « Au Brésil, nous avons des équipements pour réaliser cette procédure, mais pas pour organiser les résultats ». L’étudiante effectue une recherche sur l’identification et la caractérisation de gènes associés au dépôt et à la composition de la graisse intramusculaire chez des bovins de race nélore. Grâce au stage, elle a pu présenter les résultats préliminaires de son projet dans des conférences internationales. « Tous les chercheurs devraient avoir l’opportunité d’aller à l’étranger et d’apporter de nouvelles connaissances pour la science brésilienne », conclut-elle.

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