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Paléontologie

Sous les palmiers

Un professeur de biologie et un agriculteur participent à la découverte d’un vaste dépôt de fossiles de dinosaures dans la province de l’État du Maranhão

dinossauro96MIGUEL BOYAYANTexte paru en février 2004

Debout, adossé contre le battant de la porte d’entrée de sa maison, le professeur de biologie Vitorino de Sousa écoutait distraitement un jeune homme loquace lui énumérer les enseignements de la Bible dans l’espoir de le convertir à la religion évangélique. Soudain, la conversation tranquille – comme on en entend encore beaucoup en fin d’après-midi dans les petites villes – prit des détours inattendus. Une histoire riche en hasards apparents débuta et aboutit, quelques jours plus tard, à la trouvaille d’environ 70 fossiles de dinosaures de près de 110 millions d’années, rencontrés dans la province de l’État du Maranhão. Il était aussi question de la découverte possible d’une nouvelle espèce de ces gigantesques reptiles préhistoriques, éliminés de la planète il y a 65 millions d’années. Jusqu’alors, des échantillons aussi anciens de dinosaures étaient rares dans le Nordeste du Brésil.

Nous sommes à Coroatá, ville de 50 000 habitants dans la province de l’État du Maranhão, à 200 kilomètres au sud de la capitale, São Luís. Un après-midi de la fin du mois de juillet dernier. Après avoir écouté le visiteur pendant de longues minutes, V. Coelho perdit patience et engagea la discussion sur l’opposition entre science et religion, avec des arguments animés des deux côtés, lorsque le jeune évangélique affirma que les animaux existants dans le monde étaient d’origine divine. Professeur de biologie dans un lycée, V. Coelho décida d’enseigner un peu de science au jeune homme. Il lui expliqua que les restes de plantes et d’animaux pétrifiés, les fossiles, étaient la preuve que les êtres vivants actuels n’étaient pas l’œuvre de Dieu. Ils avaient évolué à partir d’autres espèces, apparues des millions d’années auparavant. Impressionné par l’explication, le jeune commenta : « Il y a peu de temps, j’ai vu dans la maison d’une personne qui vit ici à Coroatá quelques pierres qui ressemblaient à des os ».

Coelho passa plusieurs jours intrigué par ce commentaire. En fin de semaine, il décida d’aller vérifier. Il empoigna l’appareil photo, se dirigea vers la région indiquée et atteignit la ferme de l’agriculteur Alexandre Marques Vaz. Cultivateur de manioc, de pommes de terre, de riz et de maïs, A. Marquez Vaz avait de fait ramassé pendant 13 ans des pierres qui ressemblaient à des os. La forme de ces pierres avait déjà été à l’origine de grands débats entre l’agriculteur et ses voisins. Certains pensaient qu’il s’agissait vraiment d’os d’animaux – peut-être même d’éléphant, vu la taille, pourquoi pas ? – tandis que d’autres estimaient qu’il ne s’agissait que de pierres ordinaires.

Tresors de Coroata_com textoCoelho dut converser longuement pour convaincre l’agriculteur méfiant de lui montrer les pierres en question, fervemment rangées tel un trésor caché. Et il y en avait beaucoup : elles tapissaient le sol de l’une des pièces de la maison en briques sans crépi, dans laquelle vit l’agriculteur de 32 ans et sa famille. Alexandre Marquez Vaz avait ramassé les pierres au bord des affluents du fleuve Itapecuru, qui traverse Coroatá et se dirige vers le nord-est. De juillet à novembre, quand il ne pleut pas beaucoup, le lit du fleuve baisse et laisse à découvert les terrains creusés par l’eau autrefois recouverts par la forêt de palmiers babaçus – c’est la Mata dos Cocais, végétation typique de cette région du Nordeste, qui se répand à l’est par les États du Piauí et du Ceará, d’une superficie supérieure à celle de l’Angleterre.

La vertèbre et l’annuaire téléphonique
Sous le regard matois du propriétaire de la maison, V. Coelho aperçut rapidement un os cylindrique pétrifié de près de 20 centimètres de diamètre. Se souvenant des cours de paléontologie suivis à l’Université Fédérale de l’État du Piauí (UFPI), il en déduisit aussitôt que ce n’était pas un os d’éléphant – comme certains l’avaient imaginé – mais une vertèbre pétrifiée de la queue d’un dinosaure. Les fossiles de dinosaures rencontrés dans le pays étant rares, V. Coelho savait qu’il se trouvait en face d’un matériel de grand intérêt scientifique. Il décida alors de rendre la découverte publique et fit venir une équipe de télévision de TV Mirante – qui retransmet la chaîne nationale Rede Globo dans le Maranhão – pour faire un reportage. Néanmoins, il n’a pas aimé l’émission, retransmise quelques jours plus tard et seulement dans la région de Coroatá. D’après lui, « ce fut sensationnaliste ». Insatisfait, il s’empara de l’annuaire à la recherche d’un spécialiste, et y trouva le paléontologue Manuel Alfredo Medeiros de l’Université Fédérale du Maranhão (UFMA).

« J’ai pensé qu’il s’agissait d’une fausse alerte », se souvient Medeiros. « On m’avait déjà appelé à deux autres reprises pour voir des fossiles dans d’autres villes, qui n’étaient en fait que des os récents ». Mais comme la région était susceptible d’abriter des fossiles de dinosaures, Medeiros prit le risque de se déplacer. Il se rendit à Coroatá et ne fut pas déçu : les fossiles étaient vraiment des fossiles de dinosaures. La plupart des os pétrifiés appartient à des sauropodes, des dinosaures herbivores avec une longue queue et un grand cou – les plus grands sauropodes, rencontrés en Argentine, atteignaient 30 mètres de longueur et pesaient jusqu’à 70 tonnes. La pièce de plus grande valeur scientifique est précisément la vertèbre de la queue aperçue par V. Coelho lors de sa première rencontre avec l’agriculteur. Selon Medeiros, le fossile appartient à une nouvelle espèce de sauropode, qui a dû vivre dans cette région entre 110 et 100 millions d’années auparavant, pendant la période géologique appelée Crétacé. Il s’agit d’une datation indirecte, établie sur la base d’études géologiques réalisées par la compagnie pétrolière Petrobrás et l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).

MapaLa découverte confirme également que cette région du Maranhão est un immense dépôt de fossiles continentaux d’une phase du Crétacé allant de 110 millions à 95 millions d’années. D’après Medeiros, les découvertes sont rares parce que les couches des roches les plus superficielles qui contiennent les fossiles se trouvent entre 5 et 15 mètres de profondeur, sous la région du Cerrado et la Mata dos Cocais. « Si une nouvelle datation confirme l’âge des fossiles entre 110 et 100 millions d’années, ce matériel fournira des informations précieuses sur la faune continentale de cette phase du Crétacé », observe-t-il. En ce temps-là, l’Amérique du Sud et l’Afrique étaient encore en plein processus de séparation, et le paysage du Maranhão était bien différent de celui d’aujourd’hui. Des recherches de l’UFRJ et de Petrobrás ont montré que le climat était surtout aride ou semi-aride, mais que dans les régions proches des fleuves il y avait des forêts de conifères semblables aux araucarias, des fougères grandes comme des arbres et des plantes appelées equisetums, qui rappellent la prêle.

De conversation en conversation, Medeiros convainquit l’agriculteur Alexandre Marquez Vaz à lui faire au moins don de la vertèbre de sauropode, aujourd’hui gardée dans le Laboratoire de Paléontologie de l’UFMA. Désormais, le chercheur a l’intention d’identifier à quel animal a appartenu cet os – de prime abord, cela semble quelque chose de nouveau, d’un genre et d’une espèce encore inconnus pour la science. « Nous cherchons à savoir si ces groupes ont également existé en Afrique ou s’ils n’étaient présents qu’au Brésil », souligne le paléontologue. Revient maintenant à Darciléa Castro, de l’équipe de Medeiros, en collaboration avec des paléontologues de São Paulo, la tâche de classifier les autres os – environ 70 – pétrifiés. Au prix de nombreux arguments scientifiques, le réticent A. Marquez Vaz abdiqua de sa collection, dont la garde reviendra à la Maison de Culture de Coroatá.

Le bassin du fleuve Itapecuru est en forme d’arc du sud au nord de l’État du Maranhão, et il est aujourd’hui considéré comme une véritable vallée de dinosaures. C’est à cet endroit qu’eut lieu la découverte des fossiles de l’espèce brésilienne de dinosaures la plus récente : l’Amazonsaurus maranhensis, décrit par l’équipe du géologue Ismar de Souza Carvalho, de l’UFRJ (voir encadré). En 2001, les équipes de Medeiros et de Carvalho rencontrèrent sur l’île do Cajual, à Alcântara, la vertèbre d’une nouvelle espèce de sauropodes, les corpulents dinosaures herbivores à grande queue, long cou et petite tête. Âgé de près de 95 millions d’années, cet os pétrifié a appartenu à un sauropode d’un groupe de saltasaurines. Au départ rencontrés seulement en Argentine, les saltasaurines mesuraient en moyenne 8 mètres de la tête à la queue – ce sont les nains de la famille des titanosaures, des animaux pouvant atteindre jusqu’à 30 mètres et peser presque 70 tonnes.

Passé reconstitué : Alexandre Vaz avec des fossiles d’animaux qui vécurent à proximité des fleuves il y a 110 millions d’années

JEFFERSON ALBINO Passé reconstitué : Alexandre Vaz avec des fossiles d’animaux qui vécurent à proximité des fleuves il y a 110 millions d’annéesJEFFERSON ALBINO

La découverte du fossile de l’île do Cajual, quasiment 20 millions d’années plus vieux que les saltasaurines argentins, permit aux paléontologues brésiliens de présenter une nouvelle version sur l’évolution de ces animaux. Au dire de Medeiros, « ils sont probablement apparus dans la région où se trouve aujourd’hui le nord du Brésil, avant d’émigrer vers le sud ». Les chercheurs des États de Rio de Janeiro et du Maranhão ont déjà déterminé le genre et l’espèce du saltasaurine du Maranhão, mais son nom ne sera révélé que dans quelques mois, lors de la publication de l’article scientifique qui en fait la description.

Du nord au sud
Après qu’une extinction massive ait balayé une bonne partie de la vie sur Terre il y a 210 millions d’années, les dinosaures évoluèrent à partir d’un carnivore bipède qui ne mesurait pas plus d’un mètre de hauteur, le thécodonte. Des fossiles découverts dans différentes régions de la planète indiquent que les dinosaures furent les animaux terrestres les plus nombreux durant 150 millions d’années, pendant une période où le climat du globe était plus chaud et les continents de l’Hémisphère Sud encore unis en un supercontinent, le Gondwana.

Les paléontologues estiment que diverses espèces de dinosaures ont vécu sur le territoire brésilien actuel, mais les fossiles de ces animaux y sont rares, en particulier parce que les grands réservoirs d’os pétrifiés sont recouverts par la Mata dos Cocais, au Maranhão, ou par la végétation du Cerrado, dans les États du Mato Grosso et de São Paulo.

Les fossiles d’Araripe
Même en petit nombre, les fossiles de dinosaures brésiliens révèlent de précieuses caractéristiques physiques de ces reptiles et aident à comprendre leur évolution. Pas très loin du Maranhão se trouve l’un des plus importants dépôts mondiaux de fossiles de la période du Crétacé, qui va de 140 millions à 100 millions d’années auparavant. Il s’agit de la Chapada do Araripe, un plateau de 160 kilomètres de long et de 50 de largeur ; il est situé à 900 mètres d’altitude dans le sud du Ceará et s’étend à l’est vers le Pernambuco et à l’ouest vers le Piauí. Dans les exploitations minières de calcaire et de plâtre de cette région, des fossiles de trois autres espèces de dinosaures ont été rencontrés. Deux d’entre elles appartiennent au groupe des spinosaurus, des reptiles bipèdes pouvant atteindre 10 mètres de longueur et avec sur le dos une sorte de crête. L’un de ces spinosaurus est l’Angaturama limae, décrit en 1999 par le paléontologue Alexander Kellner du Musée National de l’UFRJ, à partir de fossiles du museau de l’animal. Appartenant à la même famille que des espèces rencontrées en Afrique et en Europe, ce dinosaure a vécu il y a environ 110 millions d’années.

2 fotosANDERSON PINHEIROIl avait la tête et le museau allongés et les dents semblables à celles des crocodiles actuels. David Martill, de l’Université de Portsmouth, Angleterre, identifia en 1996 une autre espèce de spinosaurus, à partir d’un morceau postérieur d’un crâne trouvé dans la Chapada do Araripe et envoyé clandestinement en Europe : l’Irritator Challengeri. L’Irritator a reçu ce nom à cause de la colère attisée par son identification. Martill observa que la partie arrière du crâne appartenait à un dinosaure, mais que le museau ne correspondait à la description d’aucun groupe connu. Ce n’est que plus tard qu’il découvrit que le museau de l’animal avait été artificiellement reconstitué par les contrebandiers pour valoriser la vente du fossile

L’un des fossiles les plus précieux est le Santanaraptor placidus, également découvert dans la ville de Santana do Cariri, à la Chapada do Araripe. C’est le premier fossile de dinosaure qui, en plus des os, a préservé une partie du cuir, des muscles et des vaisseaux sanguins de l’animal. D’une hauteur d’à peine 1,8 mètres, ce carnivore a vécu il y a 110 milllions d’années et est l’ancêtre du Tyrannosaurus rex, énorme prédateur connu et redoutable qui a dominé l’Amérique du Nord il y a environ 40 millions d’années. Peut-être aussi féroce que le Tyrannosaurus, le Pycnonemosaurus nevesi, le plus grand prédateur brésilien. Reptile bipède de 8 mètres de longueur, il a vécu il y a 80 millions d’années dans l’État du Mato Grosso. Avec les membres antérieurs courts et les muscles de la queue très développés, le P. Nevesi ressemble à d’autres animaux du même groupe rencontrés en Inde, en Afrique et en Argentine. Mais les formes les plus proches du Pycnonemosaurus sont en Argentine. « Il a dû exister une faune commune au Brésil et à l’Argentine, distincte de celle rencontrée en Afrique », écrivait Kellner lorsqu’il décrivit le prédateur en 2002 dans les Arquivos do Museu Nacional, en collaboration avec le paléontologue Diógenes de Almeida Campos du Département National de Production Minérale de Rio de Janeiro.

En 1971, l’équipe de Farid Arid, de l’Université d’État de São Paulo (Unesp), rencontra dans la région de São José do Rio Preto l’une des deux espèces de titanosaures identifiées à São Paulo. Il n’y avait que trois os pétrifiés de l’Antarctosaurus brasiliensis, un animal sur lequel il existe peu d’informations. Au milieu des années 1980, un agriculteur de Presidente Prudente, ville située à l’ouest de l’État de São Paulo, trouva des fossiles d’un autre titanosaure, que Kellner appela en 1999 le Gondwanatitan faustoi – il s’agit de l’un des squelettes les plus complets découverts dans le pays. Malgré ses près de 8 mètres de longueur, le Gondwanatitan – qui a vécu entre 90 et 80 millions d’années auparavant – avait le cou et la queue plus courts que ceux de l’Amazonsaurus.

Les plus anciens
Mais le berceau des dinosaures brésiliens se situe réellement aux alentours de la ville de Santa Maria, dans la région centrale de l’État du Rio Grande do Sul. Les trois espèces les plus anciennes du pays – et probablement du monde – vécurent dans cet État il y a 225 millions d’années, lors du Triassique. Le plus vieux d’entre eux, et le premier dinosaure brésilien, preuve à l’appui, est le Staurikosaurus pricei. Découvert en 1937, ce carnivore d’environ 2,5 mètres est un des plus anciens dinosaures connus. Des dizaines de milliers d’années plus jeune que le Staurikosaurus, le Saturnalia tupiniquim ; herbivore de plus de 4 mètres de longueur, il a été décrit il y a cinq ans par Max Langer, aujourd’hui à l’Université de São Paulo (USP) de Ribeirão Preto. L’une des caractéristiques curieuses de ce reptile, ancêtre d’animaux comme l’Amazonsaurus et le Gondwanatitan, était sa capacité, bien que quadrupède, à se déplacer seulement sur ses pattes arrières dans certaines situations. Dans la ville de Candelária, au bord du fleuve Guaíba, les fossiles d’un dinosaure très primitif de 1,2 mètres ont été découverts. Il s’agit du Guaibasaurus candelaria, environ 1 million d’années plus jeune que le Staurikosaurus. D’abord classifié comme carnivore, on pense actuellement que ce quadrupède – qui ne réussissait sûrement à marcher que sur les pattes arrières – était en réalité un herbivore.

Amazonsaurus maranhensis : 14 années de recherche

AREL Amazonsaurus maranhensis : 14 années de rechercheAREL

Le nouveau dinosaure de l’État du Maranhão

En janvier, l’équipe du géologue Ismar de Souza Carvalho, de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), présenta la reconstitution d’une nouvelle espèce de dinosaure brésilien, qui a vécu dans le Maranhão il y a 110 millions d’années. Il s’agit de l’Amazonsaurus maranhensis, un herbivore quadrupède d’une longueur totale de 10 mètres et d’un poids de près de 10 tonnes. Il a été décrit en 2003 dans Cretaceous Research, la plus importante revue scientifique sur le Crétacé, dernière période géologique durant laquelle ces grands reptiles ont vécu.

L’Amazonsaurus est le plus ancien sauropode (dinosaure quadrupède herbivore) brésilien du Crétacé, période géologique allant de 144 à 65 millions d’années auparavant. C’est pendant cette période qu’apparurent des plantes avec des fleurs, et que l’Amérique du Sud commença à se séparer de l’Afrique. L’équipe de l’UFRJ a découvert les fossiles de ce dinosaure au bord du fleuve Itapecuru – dans la ville d’Itapecuru-Mirim, à 130 kilomètres au sud de la capitale de l’État, São Luís –, une surface de transition entre la Forêt Amazonienne et le Cerrado, encore dans l’Amazonie Légale brésilienne. En raison de cela, cet animal est considéré comme étant le premier dinosaure d’Amazonie dont l’espèce a été identifiée.

Les caractéristiques marquantes de cette espèce sont le cou et la queue plus longs et plus fins aux extrémités que ceux des autres sauropodes. Sur le dos de l’A. maranhensis, on observe une légère élévation : ce sont les prolongements des vertèbres de la colonne, lesdites épines neurales, qui atteignent 20 centimètres. Selon Carvalho, la nouvelle espèce est le parent éloigné d’un sauropode qui a vécu dans la région nord-ouest de l’Afrique à la même période, le Rebbachisaurus garasbae. Les vertèbres des deux sont très similaires – signe d’une évolution à partir d’une même espèce ancestrale. La découverte de l’Amazonsaurus aidera à comprendre comment ont évolué les environnements terrestres brésiliens dans le Crétacé, beaucoup moins étudiés que l’environnement marin de cette même période, moment où se formèrent les réserves brésiliennes de gaz et de pétrole dans l’Atlantique. « Désormais, l’analyse de l’évolution des sauropodes devra inclure l’étude de l’Amazonsaurus maranhensis », affirme Carvalho.

L’annonce de cette découverte couronna 13 années de travail entrecoupées de contretemps. Sous la coordination du vétéran chimiste Cândido Simões Ferreira, âgé de 84 ans et aujourd’hui professeur émerite de l’UFRJ, cinq jeunes chercheurs firent en 1991 le premier voyage dans l’État du Maranhão pour répertorier les zones comportant des roches formées pendant le Crétacé, en vue de servir pour l’entraînement des étudiants en géologie de l’UFRJ. Considérées d’un grand intérêt économique parce qu’elles abritent près de la moitié des réserves de gaz et de pétrole de la planète, ces zones avec des roches du Crétacé totalisent 150 000 km2 – ou 1,5 fois la taille du Portugal –, et ce uniquement pour l’État du Maranhão.

Entassés dans une Kombi remplie de provisions, les six chercheurs partirent de Rio de Janeiro et traversèrent en cinq jours la moitié du pays. Pendant trois semaines de travail intense, l’équipe parcourut des centaines de kilomètres en analysant des terrains proches des voies ferrées et des routes, sans rencontrer un seul endroit avec les roches recherchées. Tendus et fatigués, les chercheurs décidèrent de changer de stratégie et sillonnèrent en bateau les fleuves de la région. C’est alors qu’ils atteignirent la ville d’Itapecuru-Mirim, à 70 kilomètres de Coroatá, où furent rencontrés récemment d’autres fossiles de dinosaures.

Au cours de l’un des premiers arrêts au bord du fleuve Itapecuru, Ferreira, en descendant du bateau, trébucha sur une grande pièce, d’abord confondue avec un os de vache. C’était en fait la première partie du squelette de l’Amazonsaurus maranhensis, reconstitué à partir de 20 pièces bien préservées et de 150 autres morceaux réunis tout au long des six années de fouilles au bord du fleuve Itapecuru. Tout aussi difficile que l’extraction des fossiles de la roche dure fut la reconnaissance du travail, signé par Carvalho, Leonardo dos Santos Ávila, du Musée National et Leonardo Salgado, de l’Université Nationale de Comahue, en Argentine. Parce qu’il s’agit d’un animal d’un genre et d’une espèce inconnus, l’article a subi de multiples révisions pendant trois ans, avant d’être accepté par la Cretaceous research.

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