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INVESTISSEMENT

Un pays, deux modèles

Un fossé sépare l’état de São Paulo des autres états brésiliens en matière de dépenses pour la recherche et le développement

Publié en Septembre 2012

Si les investissements des états brésiliens pour la recherche et le développement (R&D) ont augmenté au cours des dernières années, un contraste important persiste entre l’état de São Paulo, qui affiche des dépenses constantes et significatives en R&D dans ses trois universités d’état, et les autres unités de la fédération où les systèmes universitaires moins développés disposent d’investissements encore modestes. Les Indicateurs Nationaux de Science et Technologie du Ministère de la Science, de la Technologie et de l’Innovation (MCTI) montrent clairement ce fossé. La compilation de données compare les dépenses en R&D d’institutions étatiques d’enseignement supérieur : sur les 4,5 milliards de reais investis par l’ensemble des états brésiliens en 2010, 3,9 milliards (soit 86 % du total) l’ont été par l’état de São Paulo. Marco António Zago, recteur adjoint en charge de la recherche de l’Université de São Paulo (USP), observe : « Comparé au reste du pays, São Paulo est un état qui investit beaucoup en science et en technologie. […] C’est le résultat d’une politique d’état qui a débuté il y a très longtemps, et non de la stratégie d’un gouverneur ». La deuxième place est occupée par l’état de Rio de Janeiro avec des dépenses en R&D de près de 208 millions de reais en 2010, suivi par les états Paraná (183 millions), Bahia (68 millions) et Santa Catarina (46,9 millions).

Dans l’état de São Paulo, 9,5 % de l’impôt sur la circulation des marchandises et les services de transport et de communication (ICMS) sont destinés au maintien des trois universités d’état et répartis selon la taille de chacune des institutions : 2,344 % pour l’Université d’état Paulista (Unesp), 2,195 % pour l’Université d’état de Campinas (Unicamp) et 5,029 % pour l’USP. D’après Zago, « ces ressources, gérées de façon autonome, ont garanti une base solide à ces universités et permis d’avoir des laboratoires de qualité, des professeurs à plein temps et du personnel spécialisé dans la recherche. Mais si cette répartition est faite selon la taille de l’institution et non d’un point de vue compétitif, les ressources de la FAPESP en matière de recherche et de bourses universitaires en tiennent compte. En effet, les chercheurs doivent soumettre des projets qui sont évalués. Et les projets de qualité sont ceux qui ont le plus de chances d’aboutir ». En 2010, la FAPESP a versé 780 millions de reais sous forme de bourses et de soutien à la recherche, soit environ 100 millions de plus que l’année précédente.

Université latino-américaine la mieux placée dans les classements internationaux, l’USP a reçu à elle seule pratiquement la moitié de toutes les ressources investies en R&D dans les universités d’état. Conformément aux Indicateurs du MCTI, elle a bénéficié de 2,2 milliards de reais en 2010 contre 1 milliard pour l’Unicamp et 655 millions pour l’Unesp. La Faculté de Médecine de São José do Rio Preto apparaît dans ce tableau du MCTI avec 7,7 millions reçus en 2010. La méthodologie adoptée par le MCTI englobe les dépenses réalisées pour le 3e cycle, identifié comme le berceau de l’activité de recherche. Le calcul se fonde sur le lien entre les ressources des institutions et le nombre de professeurs intervenant dans le 3e cycle. Les dépenses relatives à l’enseignement, au personnel, au maintien des installations et aux retraites ne sont pas prises en compte dans la mesure où il ne s’agit pas de dépenses en R&D. Selon la définition de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), les activités de recherche et développement correspondent à « tout travail créatif mené afin d’augmenter le stock de connaissances, […] et l’utilisation de ce stock de connaissances pour concevoir des produits ou des procédés nouveaux ou améliorés ». Les dépenses en R&D sont la partie des ressources investies en science et technologie qui aide, par le biais de la recherche fondamentale et appliquée, à qualifier les pays en matière d’innovation.

Continuité
Rectrice adjointe en charge de la recherche de l’Unesp, Maria José Giannini estime que l’un des grands avantages du modèle de São Paulo est sa garantie de continuité : « Il y a évidemment beaucoup de chercheurs très compétents dans les universités fédérales, mais il est fréquent que leur travail soit freiné par les limitations de ressources pour la recherche. Dans les universités de l’état de São Paulo, nous disposons des conditions requises pour inciter les chercheurs à présenter des projets et à partir en quête de ressources, car la FAPESP valorise toujours ceux qui le méritent ». Au cours des quatre dernières années à l’Unesp, le nombre de projets thématiques et réguliers approuvés par la FAPESP a doublé par rapport aux quatre années précédentes. L’Unesp a reçu 151 millions de reais en 2011, contre 70 millions de reais en 2007. Dans le cas de l’organisme de soutien financier Finep, les aides ont augmenté de 230 % au cours des quatre dernières années.

Ronaldo Pilli, recteur adjoint en charge de la recherche de l’Unicamp, indique que les universités d’état de São Paulo jouent un rôle important dans la mesure où elles fournissent du personnel qualifié pour le développement du pays : « La prédominance des investissements à São Paulo n’est pas une surprise. Mais il serait bien que les entreprises élargissent leur participation dans le secteur de la recherche et du développement, parce que nous Malgré tout, l’état de São Paulo est le seul état brésilien où l’investissement en R&D des entreprises dépasse les investissements publics (62 % du total selon les Indicateurs de Science, Technologie et Innovation à São Paulo, publiés en 2011 par la FAPESP). De la même manière, les dépenses publiques de l’état en R&D à São Paulo (3,7 milliards de reais en 2008) sont supérieures à celles du gouvernement fédéral dans l’état (2 milliards). Cette composition est très différente de celle observée au Brésil, où les investissements fédéraux en R&D sont majoritaires.

Dans le cas de l’Unicamp, Pilli met l’accent sur le rôle de la FAPESP, à l’origine de 40 % des ressources pour la recherche de l’université : « Nous avons augmenté la captation de ressources pour la recherche de 220 millions de reais en 2007 à 350 millions de reais en 2011. Les ressources de la Fondation ont augmenté de 80 millions de reais en 2007 à 131 millions de reais en 2011. Pendant la même période, les ressources du CNPq [Conseil National de Développement Scientifique et Technologique] ont baissé et celles de la Capes [Coordination pour le Perfectionnement du Personnel de Niveau Supérieur] sont passées de 52 à 61 millions de reais ». La prédominance de l’investissement dans l’état de São Paulo ne doit cependant pas faire oublier que plusieurs autres états ont augmenté leurs investissements en science et technologie dans un passé récent. En 2008, l’état de Rio de Janeiro a augmenté de 2 % la part des impôts destinée au budget de la Fondation de Soutien à la Recherche de l’état de Rio, la FAPERJ.

Luiz Edmundo Costa Leite, secrétaire à la Science et à la Technologie de l’état de Rio de Janeiro, a déclaré : « Grâce à cela et à l’augmentation de la taxation de l’état, le budget de la FAPERJ est passé de 100 millions à 300 millions de reais ». Conformément aux indicateurs du MCTI, les dépenses en R&D du gouvernement de l’état de Rio de Janeiro ont été de 208 millions de reais en 2010 (soit plus du double par rapport aux 100 millions de 2005) dans ses deux universités :

l’Université d’état du Norte Fluminense (Uenf ) et l’Université d’état de Rio de Janeiro (Uerj). L’Uerj se distingue avec deux tiers des dépenses en 2010. Le nombre de professeurs de l’Uerj – près de 1 800 – est proche de celui de l’Unicamp, même si le nombre d’étudiants de 3e cycle (2 800) n’est que de 1/10e de celui de l’université de São Paulo. « Avec l’augmentation de la taxation de l’état, un effort a été entrepris pour récupérer la capacité des universités d’état », observe Leite.

Articulation
La plupart des universités publiques de l’état de Rio de Janeiro sont fédérales, dont l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), l’Université Fédérale Fluminense (UFF), l’Université Fédérale Rurale de l’état de Rio de Janeiro (UFRRJ) et l’Université Fédérale de l’état de Rio (Unirio). Mais pour Luiz Leite, « l’action des universités fédérales s’articule avec celle des universités d’état, et la FAPERJ investit une bonne partie de ses ressources dans des projets des universités fédérales. Nous n’avons qu’un seul appel d’offres concernant les équipements de laboratoires et il n’est ouvert qu’aux universités d’état ». Il est convaincu qu’une circonstance historique a modelé le système universitaire actuel de l’état de Rio : « Rio de Janeiro a été la capitale du pays pendant 200 ans et plusieurs universités ont été créées par le gouvernement fédéral. D’autres institutions de recherche traditionnelles sont aussi nées à Rio, à l’exemple de la Fondation Oswaldo Cruz. À São Paulo par contre, la croissance du système de recherche a dépendu d’un effort de l’état, et les universités d’état se sont consolidées grâce à sa croissance économique ».

La trajectoire de l’état de Minas Gerais est similaire à celle de Rio De Janeiro. En 2010, l’état a investi 10,2 millions de reais en R&D dans deux institutions : l’Université d’état de Minas Gerais (UEMG) et l’Université d’état de Montes Claros (Unimontes). Si le montant reste modeste, il a quand même triplé par rapport aux 2,9 millions de reais comptabilisés en 2007 (la première année d’investissements enregistrée par le MCTI). Narcio Rodrigues, secrétaire à la Science, la Technologie et l’Enseignement Supérieur de l’état de Minas Gerais, explique que cette croissance est le fruit de la décision, prise en 2007, de faire valoir la règle légale d’investissement de 1 % du recouvrement dans le domaine de la science, et ce par le biais de la Fondation de Soutien à la Recherche de l’état de Minas Gerais : « Notre trajectoire a été de garantir que cette norme soit respectée et de faciliter les ressources en établissant des partenariats entre le gouvernement fédéral et l’initiative privée, avec en contrepartie des participations». Selon lui, il n’y a que deux universités d’état parce que le gouvernement fédéral s’est chargé dans le passé d’encourager le système universitaire de l’état :

« Notre système possède 14 institutions d’enseignement supérieur, parmi lesquelles 12 fédérales, mais nous fonctionnons comme un système articulé » La plus grande est l’Université Fédérale de Minas Gerais (UFMG) : « Nos universités agissent beaucoup au niveau du développement régional. L’Unimontes, principale institution étatique, est très active dans la région la plus pauvre de l’état de Minas Gerais. Ce système régionalisé est important pour le développement de l’état, même si, bien sûr, l’idéal serait de le mélanger avec celui en vigueur à São Paulo, où le gouvernement de l’état a fait sienne la mission de promouvoir l’éducation supérieure et a consolidé la place d’institutions sur la scène nationale »

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